M. le Conseiller MILLET : Monsieur le
Président, chers collègues, ce Plan
climat-air-énergie territorial est un énorme travail faisant suite à de
nombreux échanges avec de nombreux partenaires et dans les ateliers Climat… Il
propose un plan de 200 actions et un tableau de bord de 190 indicateurs. Nous
avions souhaité une mutualisation de ces indicateurs avec les Communes, pour un
suivi partagé avec des données territorialisées à la maille des Communes. Voilà
un exemple de compétences articulées entre Métropole et Commune qui pourrait
être repris dans un Pacte de cohérence métropolitain d’une métropole des Communes.
Mais, comment rendre lisible aux citoyens cet énorme
document… 100 pages pour la Métropole… 160 pour les partenaires… une évaluation
sur 160 pages… et encore 170 pages issues du débat public… ? Aux citoyens,
comme aux élus qui doivent se prononcer dans ce Conseil ! Comparons avec
le vote d’un budget, qui concerne toutes les politiques publiques et compile
donc aussi un travail très transversal, mais avec des éléments synthétiques qui
peuvent fonder la décision politique. Pour ce plan Climat, quels sont les
éléments clés qui justifient un vote ?
Ce n’est pas une question rhétorique, mais
totalement politique et pratique. D’ailleurs, la participation se limite à 192
avis, concentrés fortement sur la régulation de la mobilité automobile, et,
entre 40 et 110 personnes, dans les ateliers thématiques.
J’ose une comparaison surprenante. Le 7° Congrès du
parti Communiste cubain, en 2016, a été marqué par 704 643 participants ayant
proposé 95 482 modifications du projet de texte… Cuba, c’est neuf fois la
métropole de Lyon. Pour avoir le même niveau de citoyenneté, on devrait dépasser
10 000 avis pour ce plan Climat !
Il est vrai que la rédaction des textes est très
différente. Un Projet de loi cubaine mis en débat est toujours tourné vers
l’action concrète dans laquelle chacun peut se retrouver. Nos lois votées au Parlement
sont illisibles pour le citoyen. Nos plans, ou schémas directeurs, sont rédigés
par des experts pour des sachants…
Pour une véritable appropriation citoyenne de ce
plan, il faut le tourner plus fortement vers l’action concrète : celle que
le citoyen peut discuter, soutenir, vérifier ; celle qui permet le débat
politique en éclairant les alternatives. C’est la principale faiblesse de ce
plan, le supposé consensus sur l’action pour le climat.
Venons-en
aux grands objectifs de l’annexe 2 et le détail quantifié, une page essentielle
pour comprendre le contenu politique de ce plan. C’est bien sur ces objectifs
que le débat politique peut réapparaître, alors qu’il est masqué dans la
présentation.
En
premier lieu, une baisse de 30 % de consommations énergétiques en 2030, et même
de 63 % en 2050. Il est vrai que le discours de l’autonomie et de la neutralité
carbone oblige à en rajouter, comme si la neutralité carbone globale était un
enjeu local. Le GIEC nous dit, pourtant, que c’est d’abord l’enjeu de la sortie
de l’électricité fossile, condition d’une mobilité électrique décarbonée. Donc,
non, l’échec de la COP25 ne doit pas conduire à se concentrer sur les
collectivités mais, au contraire, à interpeller plus fortement les États. Je propose,
d’ailleurs, aux marcheurs pour le climat de peser d’abord sur l’Allemagne et la
Pologne, qui sont les principaux producteurs européens d’électricité carbonée.
Si, en 2030, la France réduisait de moitié la part du nucléaire dans
l’électricité, alors nos émissions augmenteraient car il faudrait développer le
gaz, en complément des intermittentes.
En 2030, 38 % des réductions estimées viendront du logement et 30 %, de l’industrie. Pour le logement, nous connaissons bien les besoins de financement nécessaires. Même le renforcement annoncé de la politique Écoréno’v ne représente que la moitié de cet effort. Nous savons tous la difficulté de décisions de copropriété, de même que la fragilité des bailleurs sociaux pour assurer la rénovation de leur parc. Les politiques nationales ne permettent pas le financement nécessaire à l’atteinte de ces résultats pour le logement.
Pour les entreprises, la baisse de 20 % depuis 2000 est, d’abord, le résultat des pertes d’activités productrices. Une étude de l’INSEE évalue la baisse de l’intensité énergétique industrielle de 11 % en France, entre 2001 et 2012, résultat, d’abord, d’une baisse de même ordre de la production industrielle. Alors, quel modèle économique de l’agglomération lyonnaise en 2050 ? Quelle place pour la production ? Le Vice Président Bruno Charles a raison de souligner l’importance des importations d’émissions car, si on ne produit plus rien dans la métropole, certes on a besoin de moins d’énergie mais on importe tout, l’énergie comme les émissions !
D’autre
part, le plan prévoit la rénovation énergétique de 75 % des grands bâtiments en
2030, entre autres, donc, mairies, médiathèques, théâtres, … Nous connaissons
tous les réalités budgétaires des collectivités locales, qui rendent cet objectif
totalement irréaliste en-dehors d’une autre politique nationale. Et il ne
suffira pas d’un décret affirmant que les gains énergétiques seront supérieurs
aux charges des investissements pour résoudre le problème. Nous savons que
c’est totalement mensonger ! Prenons un exemple illustratif : qui va
mettre 50M€ dans la Bourse du travail de Lyon ?
En
deuxième lieu, la production d’énergie renouvelable… l’effort principal étant
porté sur le bois-énergie, qui représenterait presque la moitié de l’effort
global, avec un doublement de la capacité après 2021 mais nous n’avons, dans
aucun contrat de réseau de chaleur, un début de traduction de cette
ambition ! Quant aux énergies fatales, il faudrait faire vingt fois plus
en 2030 qu’aujourd’hui mais nous n’avons, pour l’instant, que des intentions ou
des études amont sur cet enjeu, pourtant, bien territorial ! Quant à
multiplier par dix la production photovoltaïque, comment assurons-nous la
continuité de service d’une telle capacité intermittente autrement que par de
l’énergie fossile ? Sans solution de stockage, tout investissement
électrique renouvelable suppose la même capacité en gaz pour assurer cette
continuité. L’ambition de multiplier par douze le biogaz en 2030 et par vingt,
en 2050 -ambition qui semble déjà énorme au regard des premières expériences
connues-, ne couvrirait pourtant que la moitié du photovoltaïque prévu. Aucun
projet concernant le stockage, alors que c’est le défi principal de
l’électricité renouvelable. Nous avons raté l’opportunité du lien avec
l’hydrogène dans le projet solaire de la Vallée de la chimie !
Ensuite,
pour les mobilités, comment en rester au cadre étriqué du PDU actuel qui
propose de ralentir la progression des transports en commun ! Le contraire
de ce qu’il faudrait faire ! Rappelons que le PDU propose d’augmenter la
part des transports en commun de trois points seulement en quinze ans, alors
qu’il avait augmenté de quatre points en neuf ans de 2006 à 2015. Mais, bien
sûr, pour les anti électricité -qui sont légion dans les supporters des
scénarios de type negawatt-, si on doublait la capacité de transports en
commun, on augmenterait fortement la consommation d’électricité, contradictoire
avec ce choix totalement idéologique de la réduire.
Enfin, quand on parle de la ville végétalisée, on passe sous silence le défi auquel nous sommes tous confrontés : la mortalité en forte hausse des arbres. Le plan nous propose 300 000 arbres supplémentaires, mais nous sommes tous confrontés aux mêmes difficultés : 3 000 arbres perdus au parc de Parilly, 300 à Vénissieux, … Je n’ai pas les chiffres pour les arbres d’alignement. Il y a là le besoin d’actions mutualisées pour faire évoluer les espèces plantées mais aussi la gestion de l’eau, en lien avec les plantations, et l’étude d’une autre approche réglementaires des interdictions d’arrosage car, si nous laissons mourir des arbres, nous ne favorisons pas, justement, la ville adaptée aux canicules.
Au total, un énorme travail qui est reconnu dans l’évaluation Cit’ergie mais qui souffre de la pression médiatique pour un faux consensus sur le climat. Non, l’urgence climatique ne doit pas conduire à rejeter le clivage Gauche-Droite, à se concentrer sur les écogestes pour masquer les choix de société, à donner la parole aux seules couches aisées urbaines en effaçant les énormes besoins sociaux et de services publics. Oui, il y a des alternatives politiques autour du climat : laisser faire le marché en tentant de le réguler par des taxes ou reconstruire de grands services publics de l’énergie, de l’eau, des transports, … en nationalisant les grands groupes pour organiser des politiques publiques volontaristes associant les citoyens. Voilà ce qui manque, cher Bruno, à ce plan climat territorial : le choix d’une politique environnementale radicalement de Gauche, celle que portent les élus Communistes et Insoumis.
Je vous remercie.