Le service public des déchets et la réduction des déchets !

2019-4005 - Rapport 2018 sur le prix et la qualité du service public de prévention et de gestion des déchets ménagers et assimilés -

M. le Conseiller MILLET : Monsieur le Président, chers collègues, ce rapport annuel de la qualité du service public des déchets est l’occasion d’un débat sur une des premières missions d’intérêt général de la ville, celle qu’a inauguré le Préfet Poubelle, inventeur parisien en 1883 de la boîte à ordures qui porte, désormais, son nom. En 1975, une première loi sur la gestion des déchets sera progressivement enrichie dans le « Code de l’environnement » devenu, depuis, un outil essentiel des politiques urbaines. Les innovations techniques pour recycler, revaloriser, incinérer dans de (très) bonnes conditions environnementales vont se succéder et nous sommes dans un environnement totalement différent. Nous maîtrisons mieux le cycle des déchets en réduisant très fortement leur impact sanitaire sur notre environnement… Il vaut mieux vivre à côté d’un incinérateur de Lyon en 2018 qu’à côté d’une des innombrables décharges non contrôlées du siècle dernier !

Mais, les sciences et techniques ne peuvent rien sans les pratiques et les usages des citoyens ! Le géographe Jean Gouhier formalise, en 1985, la rudologie -« l’étude des déchets, des rejets et des marges des systèmes économiques et sociaux (de rudus = décombres et de logos = science) »-. Et, à la formule proposée « Le meilleur déchet est celui qui n’existe pas »,  je préfère son aphorisme rudologue « Là où l’Institution passe, l’ordure trépasse et la rose peut s’épanouir », qui fait le lien entre les politiques publiques, les déchets et la qualité du cadre de vie.

Car, c’est le cycle production/consommation/valorisation qui est le vrai enjeu de la gestion des déchets et qui nécessite un débat public sur nos consommations, nos pratiques, les modes de production et de distribution pour aller, réellement, vers une économie circulaire, qui considère le déchet non comme une anomalie à supprimer mais comme une richesse à (re)valoriser, une matière qui doit être considérée comme le départ d’un nouveau cycle.

Il faut alors, évidemment, viser la réduction des déchets évitables -donc, zéro gaspillage- mais, surtout, pousser l’ensemble des acteurs de la consommation à s’interroger sur la valeur économique de nos consommations, en lien avec leur valeur d’usage…

Depuis plusieurs années, nous affichons un objectif ambitieux de réduction des déchets et nous menons des politiques publiques affirmées. Mais, depuis trois ans, les résultats ne sont pas au rendez-vous et ce rapport 2018 le confirme, avec une légère hausse de 0,8 % et un indice de réduction, depuis 2010, qui stagne à – 4,5 % en huit ans, alors que la loi nous demande une réduction de 10 % en 2020 (donc, dans deux rapports annuels).

Certes, nous avons décidé cette année d’un plan d’action, dont la multiplication des composteurs ou l’extension des consignes de tri, qui sera opérationnelle en janvier prochain. Mais, les résultats ne seront pas mesurables avant le rapport 2020, autant dire que nous n’aurons pas atteint l’objectif. Rappelons que notre plan local de prévention avait fixé un objectif de 1,5 % par an, et que certains demandaient d’aller plus loin.

On connaît les potentiels de réduction estimés dans ce plan de prévention, que ce soit pour les compostables ou pour les emballages, mais les résultats devraient nous conduire à réévaluer les objectifs et le plan d’action. Nous répétons que le discours du « zéro déchet », conduisant au « zéro emballage », est contre-productif. C’est bien le discours du « zéro gaspillage » et, donc, du « zéro non recyclable » qui peut conduire à renverser le regard de l’habitant sur le déchet, en cessant de la considérer comme un mal à supprimer mais comme une richesse à préserver et valoriser.

Personnellement, quand je fais un cadeau, je prends le temps d’un bel emballage. C’est une forme de politesse, de gentillesse. Ce n’est pas un gros mot ! Quand j’achète des légumes, je ne souhaite pas les transporter sans protection, et je ne suis pas dans un village où je vais à pied à l’épicerie voisine pour un petit achat mais dans une grande agglomération où mes trajets sont mutualisés entre diverses activités. L’emballage est donc nécessaire et, comme pour les couches lavables, je considère que le jetable n’est pas un délit, s’il est correctement collecté et recyclé ou incinéré.

Nous pensons que la bataille citoyenne pour la prévention des déchets doit se faire non pas pour la petite minorité qui fait le choix d’un mode de vie alternatif supprimant tout emballage ou comme le montrait une famille, du Défi familles à énergie positif, qui réutilisait quatre fois son eau -depuis le lavage de la salade jusqu’à la réutilisation aux toilettes-. Non, nos efforts doivent être d’abord tournés vers la réduction des comportements sanctionnables et vers les efforts pour la qualité de la collecte sélective, qui est le premier facteur accessible à la grande majorité des habitants et qui transforme profondément leur rapport aux déchets.

Je vous remercie.