M. le Conseiller MILLET : Monsieur le Président, chers collègues, le nouveau projet d’amplification de la ZFE que vous nous proposez tient compte de la longue concertation organisée l’an dernier, de l’expression de l’ensemble des partenaires et des études qui montrent l’ampleur de l’impact social que portait, notamment, le projet de zone étendue.
Nous l’avons dit dès votre annonce, monsieur le Président, vous avez eu raison. Le projet présenté fin 2021 était trop complexe, trop peu compréhensible, trop injuste géographiquement et socialement.
Mais une année a passé et le débat public, local comme national, s’est poursuivi, mettant en débat non seulement votre proposition mais la loi elle-même, cette loi dont nous rappelons qu’elle n’a été votée que par la majorité présidentielle.
Et nous sommes en quelque sorte au pied du mur devant les conséquences inévitables d’une loi mal conçue, reposant sur des outils -dont l’étiquette Crit’Air, inadaptée à l’objectif poursuivi-, justifiés dans un débat sur la qualité de l’air marqué par des messages anxiogènes, reposant sur des interprétations statistiques erronées. Au final, le seul argument factuel est la référence aux sanctions européennes contre la France, mais permettez-nous de contester la soumission de notre droit au droit européen. Nous contestons ces sanctions de la part d’une Union européenne qui ne se préoccupe que de ce que les milliers de lobbyistes, financés par les entreprises, lui demandent à Bruxelles, et qui n’a pas un mot pour la première des inégalités d’espérance de vie, celle liée au travail, bien connue pourtant de tous les statisticiens. Au contraire, l’Union européenne est un des outils de la dégradation des conditions de travail, de la concurrence, de la précarité et, donc, de la perte d’espérance de vie due au travail pour les catégories populaires.
Reste alors le vrai défi qui nous intéresse : comment poursuivre l’amélioration constatée de la qualité de l’air depuis des décennies ? comment se placer sur une trajectoire qui nous permette d’atteindre les seuils préconisés par l’OMS et qui ont été durcis l’an dernier ?
Sauf que cet objectif n’a pas de sens s’il est pris « hors sol », sans tenir compte de la dimension sociale au cœur des inégalités environnementales. Comme le dit un économiste de Sciences-Po et à l’université de Stanford : « Tant que les injonctions à la sobriété collective voisineront avec le spectacle du luxe, la transition écologique sera source de défiance ». Une traduction concrète est qu’il est impossible de créer le consensus minimum sur une règlementation de type ZFE tant que des SUV hybrides de deux tonnes seront autorisés quand on interdit de vieilles berlines de familles populaires.
Oui, vous avez raison, c’est la loi qui est faite ainsi et nous le répétons, elle est mal faite, elle est même totalement contreproductive et il est urgent d’annuler cette loi et de réouvrir le dossier au plan national : prendre en compte non pas seulement l’âge du véhicule, mais son état technique ; prendre en compte toutes les émissions, et pas seulement les émissions de combustion et mettre d’abord l’accent sur l’accompagnement au changement de mobilité et, donc, sur le développement du fret pour permettre celui du rail passager, donc des RER, du renforcement de tous les modes actifs, des mobilités à la demande, de la location, du partage, …
C’est ce que la Métropole engage dans ses politiques mobilité -mais de manière limitée par l’absence de l’État et de la Région : sans perspective pour le RER ; sans ambition suffisante, faute de financement sur les transports en commun lourds ; sans pouvoir surmonter les difficultés des TCL, que ce soit sur le taux de service ou la qualité de service dû aux sous-capacités, au manque de ressources- trop lentement sur le développement du maillage du territoire et de la réponse massive aux besoins de mobilité de tous…
Les communistes ont longuement discuté de ce projet et nous avons organisé une consultation dans la métropole, dont le résultat est sans appel. 70 % s’expriment contre ce projet, pas par opposition à vos objectifs, monsieur le Président, mais contre cette loi qui ne nous permet pas d’apporter une vraie réponse au droit à une mobilité propre.
Il y a deux raisons majeures à ce résultat :
– D’abord, les communistes considèrent que nous ne sommes pas au niveau sur la réponse aux besoins de transport collectif, sur l’accessibilité de ces transports pour tous malgré les efforts faits sur la gratuité et les tarifs sociaux.
– Ensuite, nous ne pouvons pas nous résoudre à accepter que la ZFE ne repose, au final, que sur la sanction et un système de radar représentant 100 millions d’euros pour ce qui ne peut être vécu que comme une injustice. Seuls les pauvres seront impactés et au final, comme en Angleterre, ce système ne peut être vécu que comme un péage. Je vous rappelle que, de l’autre côté de la Manche, les ZFE se traduisent simplement par un prix d’entrée supérieur pour les véhicules polluants, bref, un péage.
C’est pourquoi nous voterons avec regret « contre » cette délibération. Nous répétons sans attendre à l’opposition, qui croira pouvoir utiliser ce vote pour dénoncer la majorité métropolitaine, qu’elle ferait mieux de cesser les jeux politiciens que nous dénoncions en introduction de ce Conseil face aux urgences démocratiques. Je rappelle, monsieur Gascon, que vous demandiez en 2018 l’extension de la ZFE à Saint-Priest pour que les habitants de l’est bénéficient aussi d’un air plus pur… Ce n’est pas notre majorité qui est en difficulté sur ce dossier, c’est l’État ! C’est pourquoi nous appelons toutes les forces progressistes et républicaines à interpeller le gouvernement pour changer la loi !
Je vous remercie.
La vidéo de l’intervention : https://youtu.be/vipD47obbQU?t=5866