M. le Conseiller MILLET : Monsieur le Président, chers collègues, à l’occasion de cette délibération par laquelle la Métropole aide le plan Campus, nous ne pouvons ignorer le contexte de la transformation radicale de nos universités et de nos écoles qui fait débat.
Notons tout d’abord que, sur ce dossier de près de 10 M€ dans un plan Campus de globalement 350 M€, la concertation a été plus que limitée, avec un seul avis versé. Il est vrai que les préoccupations des étudiants et des enseignants portent plus sur leurs conditions de travail dans des bâtiments dégradés, alors que les premiers travaux de ce plan Campus, dont ceux de cette délibération, portent sur les espaces extérieurs. De plus, un certain fatalisme s’est installé puisque chacun a bien compris que tout ne serait pas rénové, ce plan Campus ne faisant que rattraper partiellement des décennies de désengagement de l’État dans la gestion de ce patrimoine universitaire.
Mais c’est évidemment la création de l’Université intégrée de Lyon, et la logique de l’IDEX, qui fait débat et cristallise les inquiétudes. Les conseils d’administration de Lyon 1 et de Lyon 2 ont voté, avec la réserve importante que leur engagement n’inclut pas la fusion, pourtant prévue par le projet. Les conseils d’administration de Lyon 3 et de l’INSA ont, dans un premier temps, voté contre et il a fallu organiser un deuxième vote, qui est devenu positif à l’INSA jeudi dernier, Lyon 3 revotant demain, 13 décembre. C’est sans doute l’inspiration européenne de ces réformes qui poussent à faire comme pour les référendums : quand le résultat n’est pas conforme aux objectifs des décideurs, on recommence.
Ceux qui suivent les IDEX savent que le projet de Toulouse d’une université fédérale, donc sans fusion, avait été accepté il y a cinq ans mais que le renouvellement a été refusé cette année par le jury, au prétexte justement qu’il n’allait pas vers une fusion.
Le dossier de candidature IDEX de Lyon – Saint Étienne n’est connu que de quelques dizaines d’experts. Même les élus dans les conseils d’administration des établissements qui devaient le voter n’y avaient pas accès. Il paraît que la concurrence entre les agglomérations universitaires oblige à ce secret. Quelques-uns à l’INSA, après le dernier vote, ont pu seulement le consulter rapidement pour confirmer qu’il était bien question, à terme, de la disparition de l’école en tant que telle.
Je tiens à dire à Jean-Paul Bret que personne ne comprend pourquoi celui qui défendait la place des Communes dans la Métropole vote au Conseil d’administration de l’INSA pour la disparation des établissements dans la future université intégrée, symbole d’une réforme pourtant très macroniste.
Ajoutons que la décision de justice récente annulant une subvention de près d’un million d’euros de la Communauté urbaine à l’Université de Lyon rajoute une inquiétude sur la pertinence juridique de nos politiques.
Vous avez, monsieur le Président, menacé les opposants de la perte des 25 M€ de subventions. Certes ! Rappelons toutefois que les dotations des IDEX représentent au total 1,5 % du budget de l’enseignement supérieur et de la recherche, ce qui relativise ce bonus accordé aux IDEX, sachant que le vrai risque budgétaire est bien dans l’austérité qui risque d’assécher tous ceux qui ne feront pas partie de « l’excellence », comme le montre, par exemple, la fermeture de la faculté de musicologie de Bourgogne ; vous me direz, cela n’intéresse peut-être pas grand monde ici !
Et vous les avez accusés même d’être responsables du chômage futur. Rien que cela ! Comme si les réformes de cette mondialisation débridée pouvaient encore faire croire qu’elles étaient positives pour l’emploi. Permettez-moi de vous donner un contre-exemple fameux : ce Prix Nobel que la France célèbre, Jean-Pierre Sauvage, un pur produit de ces écoles d’ingénieur qui vont disparaître dans ces mastodontes universitaires, recruté dès sa thèse au CNRS où il a fait toute sa carrière, bien loin de la mobilité imposée qui est devenue le mantra des réformateurs, qu’il a travaillé dans la continuité et la longue durée grâce au statut et au financement de base que lui apportait le CNRS.
Voyez, monsieur le Président, la modernité et la réussite scientifique ne sont pas dans le projet d’université que vous contribuez à imposer. Elles sont, au contraire, dans les statuts et les protections que ces politiques cherchent à détruire.
Je vous remercie.
M. LE PRÉSIDENT : Merci bien. Monsieur Bret.
M. le Vice-Président BRET : Quelques mots. Nous sommes effectivement éloignés de l’objet du rapport qui était celui de la réhabilitation d’un certain nombre de voiries du campus mais c’est la règle du jeu.
Notre collègue Millet a repris un certain nombre d’arguments que j’ai entendus dans les conseils d’administration où je siège. Il a bien fait de les rappeler puisque je suis allé à Lyon 1, je suis allé à l’INSA, j’irai demain ou après-demain -je ne sais plus- à l’ENS.
Ce que je voudrais tout de même lui dire, c’est que ces conseils d’administration ont voté démocratiquement, à des majorités importantes. Alors, sans doute, si monsieur Millet -qui était précédemment au Conseil d’administration de l’INSA, qui ne l’est plus maintenant- avait été présent, il aurait sûrement voté contre. D’ailleurs, j’ai entendu quelques-uns de ses collègues qui ont repris presque mot pour mot un certain nombre des arguments que l’on vient d’entendre mais il faut reconnaître qu’aujourd’hui, avec une information qui, peut-être, a été insuffisante -et on peut toujours battre notre coulpe-, les conseils d’administration ont voté en toute connaissance de cause et se sont engagés dans le processus de l’IDEX.
Ils l’ont fait effectivement avec un certain nombre de garanties, c’est-à-dire qu’aller vers l’Université unique intégrée à perspective de 2020, cela ne signifie pas -et cela c’est un gros mensonge que vous donnez- la disparition de l’établissement. Quand on veut noyer son chien, en l’occurrence l’IDEX, on l’accuse de la rage ; en l’occurrence ici, c’est un peu facile de dire que cela va entraîner la disparition de l’INSA. Il y a eu un débat et un échange de propos à ce sujet. L’INSA ne disparaîtra pas parce qu’il y aura l’IDEX et encore plus parce qu’il y aura demain une Université unique intégrée. C’est un gros mensonge et c’est destiné effectivement à faire peur.
Ce que vous ne pouvez pas ignorer c’est que depuis un certain temps, ici dans cette Métropole et dans la Communauté urbaine auparavant, dans un contexte général qui est un contexte national, les universités se regroupent. Elles se regroupent parce qu’elles ont conscience de peser davantage, pas seulement à l’international, pas seulement en termes d’attractivité mais parce qu’être des universités plus fortes, plus regroupés, sans pour autant attenter -sauf s’ils le souhaitent bien sûr- à l’autonomie des établissements. C’est un chemin qui est parcouru, il est engagé depuis longtemps ici dans cette Métropole.
Si nous avons voté en 2010 un Schéma de développement des universités, d’une certaine manière, c’est une façon de dire pour nous que nous souhaitions avoir en face de nous des universités non pas intégrées mais des universités qui rassemblaient leurs forces.
Depuis, un certain nombre d’autres étapes ont été parcourues avec la COMUE aujourd’hui mais préalablement le PRES, avec les contrats de plan État-Région qui signifient tout de même que notre Métropole et la Région Rhône-Alpes aussi -et cela quelles que soient les majorités- accompagnent ce dispositif et s’y engagent.
En fait, vous êtes opposés à ce projet. Est-ce que vous pensez qu’en restant comme on est aujourd’hui, on va mieux se porter ? Non, ce n’est pas notre point de vue, ce n’est pas le mien, ce n’est pas celui que je défends aux conseils d’administration, ce n’est pas celui du Vice-Président de la Métropole que je suis aux universités et ce n’est même pas celui du Maire de Villeurbanne puisque je siège aussi au Conseil d’administration de l’INSA à ce titre.