Mme la Conseillère PICARD : Monsieur le Président, chers collègues, depuis plus de trente ans, les habitants de ces quartiers ont souffert de l’abandon des Gouvernements, laissant trop souvent les Maires en première ligne pour faire face à leurs difficultés de vie. La Politique de la ville a été créée pour compenser ce désengagement. C’est bien parce que les droits à l’emploi, au logement, à la santé et à l’éducation ne sont plus assurés que les conditions de vie des habitants se dégradent et continuent de se dégrader au fil des crises économiques et sociales.
Il serait illusoire de croire que ces dispositifs règleront toutes les difficultés des habitants. Concrètement, on a amélioré leur cadre de vie mais le droit au logement a reculé, l’emploi fait cruellement défaut, le pouvoir d’achat ne cesse de se dégrader. Rien ne se règlera sur le fond sans une intervention forte de l’État. Tous les leviers doivent être actionnés, en priorité le droit commun dû à tous les habitants, sur tous les territoires. C’est une question d’égalité républicaine.
Je prendrai l’exemple de l’éducation : comment peut-on prôner des plans de réussite scolaire, au travers de la Politique de la ville notamment, sans remplacer les professeurs absents et supprimer des RASED (Réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté) ? En mai dernier, de nombreux parents d’élèves Vénissians ont manifesté leur colère ; de septembre à mai 2015, 160 journées n’ont pas été remplacées dans nos écoles. Ce n’est pas acceptable, la quasi-totalité des écoles étant en Zone d’éducation prioritaire (REP ou REP+) !
Politique de la ville et droit commun doivent marcher de pair, sinon les efforts entrepris par tous les partenaires des Contrats de ville n’amélioreront que partiellement la situation des quartiers populaires. Le dernier rapport de l’Observatoire national de la politique de la ville de mai 2015 confirme que le taux de pauvreté y est trois fois plus élevé, le chômage, deux fois supérieur et celui des jeunes dépasse les 42 % ; le taux de renoncement aux soins est de 27 % contre 18 % et le taux d’échec scolaire est supérieur à la moyenne.
Nous sommes confrontés aux limites de la Politique de la ville qui n’a pas vocation à se substituer aux missions régaliennes de l’État. Nous aurions besoin d’un véritable plan Orsec. Je rappelle que le budget de la Politique de la ville baisse année après année : 503,6 M€ en 2013, 492,6 M€ en 2014 et 450 M€ en 2015. Comparé aux dépenses totales de l’État, environ 380 milliards d’euros, c’est bien peu, vu les enjeux qui se jouent dans ces quartiers. Aujourd’hui, 1 000 quartiers sont sortis du dispositif sous prétexte de concentrer l’intervention des pouvoirs publics mais, en réalité, pour en réduire le coût, l’État réduit la voilure, comme il le fait dans bien d’autres secteurs.
La contribution pour le nouveau Plan de renouvellement urbain de l’ANRU à hauteur de 5 milliards d’euros sur dix ans, est une bonne chose… mais, à y regarder de près, c’est un engagement quasi nul de l’État car on va à nouveau siphonner le 1 % logement. L’État entend aussi lever 20 milliards d’euros provenant des bailleurs et des collectivités.
Comment peut-on demander de faire toujours plus avec de moins en moins de moyens financiers ? Pour Vénissieux, les financements de nos partenaires pour la programmation sociale sont en baisse constante depuis 2010 : – 20 % pour l’ACSE, – 15 % du Conseil général entre 2010 et 2014, puis la Métropole a maintenu ses financements pour 2015, sans toutefois revenir à son niveau de 2010, – 7 % pour le Conseil régional entre 2010 et 2014. Sur la même période, Vénissieux a augmenté sa part de 25 %. Cette diminution des financements impacte directement les habitants et les associations. 70 actions étaient financées en 2010, 48 en 2015.
Le contexte financier est de plus en plus difficile pour les collectivités. Pour Vénissieux, la perte des dotations de l’État s’élèvera, d’ici 2017, à 7 M€. Pour le Grand Lyon, c’est 140 M€ en moins sur la période 2011-2017. Diminuer de manière aussi drastique les moyens financiers des collectivités, c’est diminuer nos marges de manœuvre, mettre en danger la cohésion sociale et le dynamisme territorial, affaiblir le service public et l’emploi local. Au nom de l’austérité, on demande aux Communes de faire des choix, en matière de rénovation urbaine, entre tel ou tel projet. Comment prioriser alors que les attentes et les besoins des habitants sont forts et légitimes ?
Vénissieux a engagé de vastes programmes de réhabilitation et de construction de logement sous toutes ses formes afin de diversifier l’offre et favoriser la mixité sociale. Nous sommes passés de 53 % à 50 % de logements sociaux. Il est impératif de conserver ces 50 % pour répondre aux 2 000 demandes de logements des Vénissians non satisfaites et aux 1 000 d’autres villes. Les moyens financiers ne doivent pas uniquement aller vers les Communes qui ne respectent pas les 25 % de logements sociaux mais aussi en direction des villes populaires.
De plus, quand on démolissait des logements sociaux sur un quartier en Politique de la ville, nous devions en reconstruire autant. Aujourd’hui, l’État a décidé de ne plus construire ou de réduire très fortement la construction de nouveaux logements sociaux sur les quartiers qui en comportent plus de 50 %, rendant bien plus difficile la diversification de l’offre de logements sur ces quartiers. La part de logements sociaux entraînant inévitablement un effet de levier pour le promoteur. Quels seront les moyens développés par la Métropole pour continuer à produire de l’accession sociale à un prix abordable et des logements sociaux ?
Le Contrat de ville métropolitain 2015-2020 s’inscrit dans un nouveau contexte, celui des nouvelles compétences de la Métropole issues de la fusion entre la Communauté urbaine de Lyon et le Département du Rhône mais aussi celles transférées aux Communes. Nous aurons là aussi à poursuivre le travail pour clarifier et définir les modes et moyens d’interventions dans différents domaines. Derrière les grandes orientations stratégiques, il nous manque la vision de la Métropole à dix, quinze ans pour les quartiers en Politique de la ville. Quelle sera la stratégie territoriale, à l’échelle de la Métropole, concernant ses compétences, notamment les transports, le développement économique, habitat/logement, aménagement, … ? Concernant la création de Conseils citoyens composés d’habitants tirés au sort, pourquoi ne pas s’appuyer sur ce qui existe et utiliser les outils qui fonctionnent comme les Conseils de quartiers ?
Enfin, comme l’a indiqué le Premier Ministre au Congrès des Maires de l’AMF, « Le Maire est le premier interlocuteur des habitants et le responsable, en dernier ressort, de la mise en œuvre concrète des engagements ». Il est donc primordial qu’il soit écouté, entendu des différents acteurs de la Politique de la ville car il est le garant de la prise en compte des réalités de proximité.
Je vous remercie.