Railcoop : troisième voie ou instrument du libéralisme ?

2023-1486 - Prise de participation de la Métropole de Lyon au capital de la SCIC Railcoop -

M. le Conseiller HAON : Monsieur le Président, vous sollicitez l’assemblée pour une prise de participation de la Métropole de Lyon au capital de la SCIC Railcoop et désigner un représentant de notre collectivité.

Pour travailler mon intervention, je me suis rendu sur le site de cette coopérative où on est vraiment invités à devenir acteurs de la mobilité et à embarquer à bord du premier opérateur citoyen, ce qui corrobore la présentation qui est faite dans ce rapport.

Railcoop serait donc, d’après les médias, la troisième voie citoyenne entre le 100 % public et l’ouverture à la concurrence. Les habillages ventant les vertus du train comme maillon essentiel de la transition écologique ne masquent pas les réalités, conséquence de toute une histoire du transport ferroviaire et des transports de voyageurs et de marchandises, tout mode confondu. Trente ans de politique libérale, qui ont poussé à la privatisation des compagnies nationales historiques.

Les vertus du train sont, certes, incontestables et nul ne saurait nier que se battre pour empêcher les fermetures de lignes ou pour des réouvertures de lignes est un combat légitime, combat que les communistes n’ont de cesse de mener depuis des années et, notamment, avec le fameux RER à la lyonnaise. Combat, donc, légitime et de surcroît quand il est issu d’une volonté citoyenne qui revendique ses besoins de transports sur son territoire.

Cependant, ces vertus ne peuvent être dissociées des politiques publiques de transport et d’aménagement du territoire. Effectivement, quelles sont les motivations vertueuses de la société italienne Trenitalia, qui concurrence la SNCF, avec ses TGV entre Lyon et Paris ou de Transdev, filiale privée de la Caisse des dépôts, qui a gagné l’exploitation d’un train régional entre Marseille et Nice, si ce n’est le profit à tout prix ?

Alors, la question qu’on se pose : quelle est la place de Railcoop, qui annonce relancer le ferroviaire sur des lignes abandonnées par la SNCF, considérée par ladite société comme défaillante sur ses missions de service public ?

Oui, il y a bien défaillance et le constat est, hélas, juste. Mais, la critique est aisée. Oui, pour les dirigeants de Railcoop, il est aisé de partir du constat, en évacuant les causes des défaillances de la SNCF -calculées et organisées pour mieux la désintégrer et répondre ainsi aux exigences de la libéralisation du réseau.

Depuis des années -et faisant fi des besoins, des avis des cheminots, des usagers-, les dirigeants de l’entreprise n’ont fait que faire succéder les plans de prétendue relance… et les outils de sabordage… avec :

– la création de RFF, en 1997 ;

– l’ouverture à la concurrence du fret ferroviaire, en 2006 ;

– la Loi d’orientation des mobilités (LOM), en 2019, qui a éclaté la SNCF en cinq sociétés anonymes, est une nouvelle étape pour l’ouverture à la concurrence des services voyageurs.

Les cheminots se sont sentis bien seuls, hormis les communistes -qui ont toujours été à leurs côtés-, dans cette bataille historique pour défendre le service public SNCF contre les lois du marché et vitale pour l’avenir du service public en général. Le Gouvernement en place l’avait bien mesuré : surtout, ne rien lâcher, et peu importait le prix à payer.

Alors, l’annonce par Railcoop d’ouvrir de nouvelles lignes, vers la fin 2022, ne s’intègre-t-elle pas dans cette stratégie d’ouverture à la concurrence ? La difficulté est de mesurer ce qui tient de l’opportunisme de ce qui tient de la réponse sincère aux besoins des populations. Donc, Railcoop : troisième voie ou instrument du libéralisme ?

La volonté rendue publique de Railcoop de mettre en circulation la ligne Lyon-Bordeaux ainsi que, en Normandie, des trains supplémentaires se substituant aux trains grâce à l’ouverture de nouvelles lignes dès décembre 2022, y compris face aux TER existants, questionne et dévoile, en tout cas, un changement de nature de son projet vertueux.

Finalement, rien de nouveau au château libéral :

– financer les pertes de l’opérateur privé,

– ne pas investir pour le service public TER,

– continuer de supprimer des emplois de cheminots,

avec la bénédiction de l’entreprise, facilitée dans son œuvre libérale. Et Railcoop devient, finalement, un outil du libéralisme.

La SCIC Railcoop adhère au projet Les Licoornes, qui regroupe plusieurs coopératives œuvrant pour la transition et dont l’objet est de transformer l’économie. Partir d’un modèle entièrement coopératif, qui dénonce l’exploitation et la recherche du profit, pourquoi pas ?

Sauf que nous en revenons à l’origine, qui n’est jamais évoquée ni dénoncée : l’exploitation capitaliste. Dénoncer les entreprises comme la SNCF pour leur prétendue lourdeur ou s’attaquer à des marchés verrouillés et proposer, dans le cadre de la libre concurrence, un vertueux modèle coopératif ne fait pas de cette société un modèle de vertu. Et n’est-ce-pas se tromper de combat ? Pour toutes ces raisons, monsieur le Président, chers collègues, notre groupe votera contre cette délibération.

La vidéo de l’intervention : https://youtu.be/uea1XtvCDrs?t=21161