Comment contribuer à l’éducation au développement durable en montrant les contradictions, les limites, les difficultés ?

N° 2016-0946 - Rapport développement durable de la Métropole de Lyon - 2015 -

M. le Conseiller MILLET : Monsieur le Président, chers collègues, ce rapport est le premier de la Métropole, mais fait suite à ceux réalisés par la Communauté urbaine, avec lequel il marque d’ailleurs une évolution vers un document plus synthétique, plus pédagogique. Bien évidemment, le premier enjeu est d’intégrer les nouvelles compétences issues du Département et notamment les questions sociales, qui sont un des trois piliers du développement durable, mais aussi des compétences sur l’agriculture, le transport ou les collèges qui sont elles aussi des enjeux importants de toute politique de développement durable.

Mais on ne peut aborder ce rapport sans tirer les leçons de la COP21, tant cet événement a été marquant. Mais, s’il est marquant comme événement médiatique, il n’est vraiment pas un tournant des politiques mondiales contre le réchauffement climatique. James Hansen, l’un des scientifiques américains les plus connus, qui avait alerté le Congrès sur le dérèglement climatique en 1988, dit : « C’est une imposture, c’est un faux ».

Le blogueur climatique du journal Le Monde et auteur connu, Sylvestre Huet, parle du caractère schizophrène du texte qui, dès le préambule, précise qu’il existe un « écart significatif » -euphémisme de diplomate- entre les promesses agrégées des États en termes d’émissions de gaz à effet de serre et l’objectif climatique des 2°C, ce qui ne les a pas empêchés d’évoquer l’objectif de 1,5°C !

Or, la température d’octobre 2014 avait déjà frôlé le 1°C de plus et les trois derniers mois de 2015 sont pour la première fois tous au-dessus du 1°C ! Et tous les climatologues expliquent que la quantité de gaz à effet de serre déjà émise fin 2015 représente une augmentation à venir de 0,6°C. Autrement dit, nous avons déjà dépassé le 1,5°C que nous ont promis les dirigeants de la COP21 ! En fait, si les objectifs de réductions volontaires d’émissions déposés à la convention sont tous respectés -ce qui est plus qu’incertain-, la planète est sur une trajectoire aux alentours des 3°C.

Et ne parlons pas du transport aérien qui reste toujours en-dehors de toute action de réduction des émissions -et vous savez bien pourquoi-, puisque les Gouvernements, de Gauche comme de Droite, sont tous persuadés qu’il faut suivre les conseils des gourous de Chicago pour spécialiser chaque économie sur ses « avantages comparatifs » dans la concurrence et, donc, bien sûr pour booster les échanges.

Ce journaliste du Monde n’est pas Communiste mais, peut-être, l’écouterez-vous ! Son analyse est très pertinente -je le cite- : « Affronter cette contradiction pour engager des politiques climatiques sérieuses conçues à l’intérieur d’un projet plus vaste de progrès humain met en cause ce que croient la plupart des Gouvernements de la planète. Ils croient au capitalisme et même à sa dérégulation forcée -l’Union européenne continue de vouloir déréguler et accentuer la concurrence sur les systèmes de production d’électricité et les réseaux ferroviaires, un non-sens devant la planification écologique nécessaire-, ils croient à la nécessité d’une caste de riches et de super-riches -et souvent en font partie-, ils méprisent souvent la démocratie même réduite à l’apparence, ils n’ont pas besoin de « céder » aux lobbies industriels, ils souhaitent ardemment que ces derniers existent. » Fin de citation.

Et, pendant que Fabius tombe dans les bras de Hollande pour illustrer le grand succès de cette COP21, Macron rêve de jeunes devenant milliardaires grâce à la net-économie, pas pour résoudre les problèmes économiques et sociaux mais pour avoir accès à leur jet privé… Et les syndicalistes de Goodyear ont droit à neuf mois de prison ferme.

Autrement dit, ce qui est marquant dans cette COP21, c’est qu’elle est le comble de ce qu’est devenue la démocratie occidentale, une vaste scène médiatique dont les acteurs foulent aux pieds toute vérité.

Revenons alors au rapport sur le développement durable avec en tête cette question : comment contribuer à l’éducation au développement durable en montrant les contradictions, les limites, les difficultés, loin du grand show médiatique à la mode de la COP21 ?

L’approche évoquée en commission par le Vice-Président Bruno Charles nous paraît bonne. Aller vers le suivi d’indicateurs objectifs dont l’évolution, positive ou négative, pourrait être le support du débat public. C’est d’ailleurs dans cette approche que la Ville de Vénissieux construit son rapport depuis quatre ans, en s’appuyant sur le référentiel gouvernemental des agendas 21, certes critiquable mais qui a le mérite d’exister. On pourrait utiliser aussi les tableaux de bord Cit’ergie puisque la Métropole et trois Communes les utilisent, même si le travail administratif pour en assurer le suivi paraît bien lourd.

Permettez-moi de conclure en passant aux travaux pratiques. Le rapport n’évoque pas le plateau des Grandes Terres. Vous savez que c’était une des belles réussites de notre politique Nature, mise en œuvre dans la proximité par trois Communes regroupées dans un syndicat intercommunal, dissout le 1° janvier 2015 par le Préfet mais grâce à la loi créant la Métropole. Depuis, les services de la Ville de Feyzin ont fait au mieux pour maintenir l’existant. Avec beaucoup de difficultés pour le faire reconnaître par les services de la Métropole, les trois Communes signent une convention pour prolonger ce travail jusqu’à fin 2016 mais avec des moyens divisés par deux. Bien entendu, tout n’a pu être maintenu et des actions exemplaires pour le développement durable ont cessé : la plantation de haies variées par les écoles, l’expérimentation du Bois raméal fragmenté (BRF) avec les agriculteurs ou la surveillance ornithologique du site. Cet exemple illustre l’exigence de présenter les actions avancées avec les contradictions et les difficultés que les citoyens connaissent nécessairement et qui doivent donc être discutées dans le débat public.

Je vous remercie.