Mme le Conseillère ARTHAUD : Monsieur le Président, madame la Vice-Présidente, cher.e.s collègues, le Schéma directeur déchets à l’horizon 2030 qui nous est présenté est l’occasion de faire le point sur un enjeu urbain essentiel : le service public des déchets, que nous ne pouvons dissocier des enjeux de salubrité et de santé publique.
Ce Schéma directeur déchets définit la politique métropolitaine en matière de prévention et de gestion des déchets, qui a pour ambition la sobriété en matière de consommation et de production de déchets ainsi qu’une meilleure valorisation des déchets produits.
Nous nous questionnons sur les objectifs très ambitieux annoncés sur la réduction de la production de déchets : – 25 % d’ici à 2030. Certes, la métropole a vu, de 2010 à 2020, une baisse de 9,1 % de la quantité de déchets par habitant, ce qui est quasiment similaire à l’objectif national d’une baisse de 10 %. Mais c’est en oubliant de préciser que l’objectif métropolitain de baisse avait été fixé à 15 % dans le dernier Schéma directeur des déchets de la métropole. Nous pouvons, bien sûr, agir sur les biodéchets et les emballages et papiers qui représentent une grande partie des OMR (Ordure ménagère résiduelle). Cependant, force est de constater que l’extension des consignes de tri des emballages plastiques est parallèle à une augmentation du taux de refus : l’accompagnement des usagers est donc nécessaire, voire prioritaire, dans la volonté de réduction des déchets.
Nous nous félicitons des conclusions sur la tarification incitative, qui vise à écarter une redevance ou une taxe incitative : abandon du service public, pour la première ; inégale, pour la seconde. Le retour d’information aux usagers est un levier qui nous paraît judicieux pour faire évoluer les pratiques.
Le Schéma directeur déchets est présenté comme visant à décliner une offre de services adaptés aux spécificités du territoire. Or, les inégalités territoriales ne nous semblent pas suffisamment prises en considération.
Il existe de profondes inégalités dans la consommation comme dans le rapport aux déchets et à l’espace public. Nous savons que les inégalités commencent dans la consommation : des études analysent le contenu de poubelles par échantillonnage de camions de collecte et montrent des profondes différences de contenu des poubelles selon le type de quartier. Ce n’est pas surprenant, d’ailleurs. Allez comparer les rayons d’une grande surface d’une ville populaire avec ceux de la même grande surface d’une ville plus aisée, et encore plus avec les rayons des commerces de quartiers riches et gentrifiés !
Une action de sensibilisation spécifique aux quartiers populaires a eu lieu, par exemple, à Vénissieux en avril/mai et nous en attendons les résultats prochainement. Le premier diagnostic a confirmé nos préoccupations : plus de 2 500 logements vénissians n’ont, tout simplement, pas de collecte sélective parce que la Métropole a décidé de supprimer les bacs jaunes compte tenu de leur mauvaise utilisation.
On ne peut progresser sans mettre plus de moyens dans le service public pour ces quartiers populaires. Pourtant, devant les difficultés bien réelles des services de collecte, ce qui est en train de se faire, c’est plutôt de réduire l’engagement du service de collecte en simplifiant ses tournées et en reportant sur le bailleur ou le syndic plus de travail avec, notamment, le déplacement de points de collecte regroupés en bordure de voirie principale. Pourtant, face aux difficultés techniques dans la collecte des sites denses de Lyon, la Métropole organise un service dit « complet » en prenant en charge la gestion des bacs dans l’immeuble, alors qu’elle est à la charge du bailleur ou du syndic ailleurs. Ne faut-il pas réfléchir à un rôle plus important du service public dans les quartiers populaires ? Avec, donc, plus de moyens. Et nous pensons que, parfois, ce sont bien les silos enterrés qui sont une bonne réponse, bien que coûteux.
Nous voulons renouveler notre appel à mieux prendre en compte cette réalité des quartiers populaires dans la politique métropolitaine des déchets.
Nous restons plus que circonspects sur un discours qui, derrière la formule « zéro déchets », oublie cette réalité que nous connaissons tous. L’objectif annoncé de réduction de 25 % des déchets par habitant et de division par deux des déchets ménagers incinérés nous semble relever du vœu pieux tant qu’on n’arrive pas à inverser la tendance dans les quartiers populaires. Nous nous abstiendrons donc sur cette délibération.
Fondamentalement, nous ne partageons pas un des piliers autour duquel s’articule la politique métropolitaine de prévention et gestion des déchets : « porter un projet de société positif, bienveillant, porteur de sens et de lien social autour de la philosophie du zéro déchet ». Nous portons, nous, un projet d’égalité, de justice sociale, de lutte contre le capitalisme porteur d’engagement et de lien social, fondé non sur un principe philosophique mais sur un acquis du marxisme : ce sont les luttes de classes qui font l’histoire.
La vidéo de l’intervention : https://youtu.be/z76rfFiC91k?t=19151