Mme la Conseillère BURRICAND : Monsieur le Président, chers collègues, notre précédente séance était tout juste hier, mais cela paraît un siècle… La crise sanitaire amenée par le COVID-19… La crise économique et financière exacerbée par la pandémie… En quelques semaines, nous sommes entrés dans une autre histoire…
Cette
situation a remis en avant l’utilité essentielle et l’engagement pour l’intérêt
général de femmes et d’hommes que des Gouvernements successifs avaient
maltraités : en premier lieu le personnel soignant et celui des Ehpad, les
salariés des services publics -tout particulièrement ceux de la collecte des
déchets, de la Poste, du nettoiement, des services sociaux, les agents des TCL-
mais aussi tous ces salariés souvent précaires, mal payés, mal protégés des
grandes surfaces et des sociétés de sécurité qui permettent que la distribution
alimentaire continue.
Les collectivités locales, particulièrement les Communes, sont au premier rang de la mobilisation pour protéger des vies en faisant respecter le confinement, en permettant la continuité des services publics, en organisant la solidarité et, bientôt, en rendant possible la sortie du confinement, nous l’espérons évidemment. Nous sommes fiers de tout ça ! Mais nous n’oublions pas comment nous avons été ponctionnés, contractualisés. Nous n’oublions pas les discours qui ont présidé à la naissance de la Métropole et qui visaient à affaiblir ce lieu essentiel de citoyenneté que sont les Communes. Nous n’oublions pas le prix payé au dogme de la réduction de la dette. Nous n’oublions pas que si les masques, les tests, les respirateurs nous ont manqués, c’est parce que ce Gouvernement, après d’autres, a choisi de délocaliser, de supprimer des fabrications essentielles (comme à Luxfer ou à la FAMAR), de réduire jusqu’à la corde le nombre de lits d’hôpitaux.
Dans cette
délibération, vous annoncez une série de mesures urgentes autour de trois
volets : soutien au tissu économique, associatif et solidarité aux
personnes.
Le soutien
au tissu économique tient une grande place. Nous ne le contestons pas, dans la
mesure où il s’agit de préserver l’emploi dans les petites entreprises
-notamment dans le secteur commercial et artisanal, de fait sinistré-. Nous
approuvons, pour l’essentiel, ces mesures qui complètent les dispositions du
Fonds de solidarité nationale comme celles concernant les loyers des
entreprises que nous percevons.
Nous
partageons aussi les quelques exclusions qui sont pointées : ceux dont les
profits augmentent dans la période, ceux dont les réserves sont suffisamment
colossales ou dont les ressources ne sont pas modifiées et, nous ajouterons,
ceux qui vont continuer à verser des dividendes.
Mais, il
demeure des questions :
- Vous annoncez vouloir aider les PME et ETI : sur quels critères et avec quel contrôle sur
les retombées pour l’emploi ?
- Vous envisagez de renforcer l’effort sur les petites entreprises
qui ne répondent pas aux critères du FSN. C’est nécessaire. Quid
des artisans, commerçants, auto-entrepreneurs qui ne sont, pour l’instant, pas
aidés -souvent les plus fragiles- et qui se trouvent en grandes difficultés,
d’autant que les assurances (à l’exception de l’annonce faite ce jour par l’une
d’entre elles) ne prennent pas en charge les pertes d’exploitation pour pandémie ?
Quelles décisions et actions utiles de la Métropole pour ces personnes qui
démarraient souvent leur activité et ne disposent d’aucune réserve financière,
y compris pour eux-mêmes ? Des réponses urgentes sont attendues.
Concernant
le tissu associatif, nous approuvons le maintien des subventions, mais les
mesures annoncées sont très en deçà de votre engagement auprès des acteurs
économiques. Pourtant, les associations vont subir une baisse importante de
leurs rentrées du fait de l’annulation de nombreuses initiatives et elles
représentent à peu près 10 % des emplois dans la Métropole. Surtout, elles sont essentielles pour le
maintien du tissu social, et leur fragilisation serait dommageable pour
l’avenir alors que chacun sait que nous sommes entrés dans une nouvelle grave
crise économique et financière, aggravée encore par le Coronavirus. Nous sommes
très attentifs aux associations d’insertion. Certaines se trouvent en
difficultés du fait de disparitions des chantiers. Nous souhaitons un point
précis sur leur situation.
Concernant
les bénéficiaires du RSA, nous approuvons -suite à la décision de l’État- la
reconduction automatique des droits et la suspension des procédures. Nous
approuvons les mesures prises pour permettre la mise en œuvre de ces décisions
sur notre territoire ainsi que la simplification des procédures d’accès.
Mais nous
avons noté que l’ordonnance concernant le RSA précise que les droits seront
examinés pour la période écoulée depuis le confinement à compter du mois de
septembre. Nous imaginons déjà les difficultés dans lesquelles pourraient être
plongées des familles qui auront à rembourser des trop perçus, liés parfois à
des variations minimes de revenus. Il ne faudrait pas reprendre d’une main ce
qui a été donné de l’autre. Nous devons adopter une ligne de conduite qui
préserve les plus en difficultés.
Votre mesure
concernant le cumul possible, durant la période d’urgence sanitaire, entre un
emploi lié aux besoins essentiels et le RSA peut aller dans ce sens, à
condition qu’elle ne pèse pas pour une concurrence sauvage entre salariés, la
baisse des salaires et contre la sécurité au travail. Nous voulons des mesures
précises en ce sens, des contrôles. Nous avons vu trop de salariés, y compris
dans les plus grands groupes de distribution, travailler dans des conditions
dangereuses au regard du COVID-19. Il faut plus de garanties sur les conditions
de travail.
Enfin,
concernant les mesures de solidarité, il manque vraiment trois volets, même si
nous comprenons qu’il est difficile de répondre à tout en même temps.
- Le premier
concerne le logement social. La bienveillance ne suffira pas. Les difficultés
accrues des locataires pour régler leur loyer se confirment et il faut
absolument éviter l’endettement des familles tout en soutenant les bailleurs.
Nous proposons qu’une aide « COVID-19 » soit créée dans le cadre du
FSL, financée par l’État et la Métropole, pour compenser les pertes de
revenus de nombreux locataires suite à la fermeture d’activés économiques et au
chômage technique : une
aide versée aux bailleurs, facilement attribuable sur critères simples par les
bailleurs et les services sociaux.
- Notre
deuxième remarque concerne les Ehpad. S’il y a un lieu où l’absence de tests et
de masques a coûté des vies, c’est bien là ! La décision de tester tous
les résidents et personnels est venue bien tard. Les premières réponses de
l’ARS justifiant l’absence de tests systématiques relèvent du déni de
responsabilité. Nous savons tous le drame vécu par ceux dont les proches sont
partis sans au revoir, avec le doute que l’absence de visites ait accéléré leur
fin. Nous nous rappelons les manifestations des personnels des Ehpad quant à
leurs conditions de travail. Une réflexion sérieuse doit s’engager vite, tant
sur le ratio résidents/personnels que sur l’organisation du travail, la forme
et la taille des établissements. Nous sommes là au cœur de nos compétences. Et
c’est une question urgente.
- Enfin, nous
proposons une aide spécifique aux familles modestes qui fréquentent
habituellement les cantines des collèges aux tarifs les plus bas et se
trouvent fortement pénalisées du fait de leur fermeture
Pour le
reste, nous approuvons les mesures proposées, tout en considérant qu’il faut
soutenir les grandes associations nationales de solidarité auprès de l’État. Il
faut aborder toutes les difficultés, notamment économiques et sociales, des
étudiants pour prévenir les décrochages en liaison, évidemment, avec la Région
et l’État.
Monsieur le
Président, l’État va-t-il rattraper son retard concernant les masques, les
tests, la mise à l’abri des malades pour éviter les contagions ? Il faut
bien dire que les collectivités locales ont été plus réactives que lui, mais
cela ne le dédouane pas de ses responsabilités.
Serez-vous de ceux qui demanderont, comme nous, la levée de la
contractualisation, la fin du dogme de la dette et des coupes sur les
dotations, l’abandon de la réforme des retraites et de l’assurance
chômage ?
Malgré les
coups portés, ce qui reste en « France des Jours heureux » -que le
Président se permet de citer sans vergogne- contribue encore à une protection
sociale des populations. Nous doutons que le Gouvernement en tire les leçons.
Le « Jour d’après » a la couleur d’un ciel nuageux plutôt que d’un grand soleil. Nous voterons cette délibération, en espérant que vous entendrez nos demandes.
La vidéo de l’intervention : https://youtu.be/mXQMO8VgjoQ?t=12344