Mme la Conseillère PICARD : Monsieur le Président, votre
charte départementale-métropolitaine de prévention des expulsions locatives
propose un objectif de réduction des expulsions de 10 % par an d’ici 2025 :
ce n’est pas acceptable. Il faut les réduire à zéro, sans délais : c’est
un état d’urgence.
Partout en France, la pauvreté
s’intensifie : près de neuf millions de Français vivent en dessous du
seuil de pauvreté, une personne pauvre sur trois a un emploi. Dans
l’un des pays les plus riches au monde, des dizaines de milliers de personnes
vivent dans des conditions très dégradées, dorment dans la rue ou vivent dans
des caves. La précarité alimentaire touche un Français sur cinq. Chômage,
maladie, séparation, … le moindre accident de la vie peut faire basculer une
famille dans la spirale de l’exclusion.
Dans le même temps, la crise
du logement s’accentue :
- 15 millions de personnes touchées, dont près d’un million privées de logement personnel, et 31 000 enfants sans toit.
- Les expulsions locatives atteignent un nouveau record. Selon
la Fondation Abbé-Pierre, en 2017, près de 15 600 ménages ont été expulsés
de leur logement, soit une augmentation de 106 % en quinze ans.
Pauvreté, précarité, les
femmes sont les premières victimes de ce fléau. Près de 4,7 millions d’entre
elles vivent en dessous du seuil de pauvreté. Les mères de familles
monoparentales sont particulièrement touchées. Parmi celles qui travaillent,
plus d’1/4 vit sous le seuil de pauvreté, soit un million de femmes. Écarts de
salaires, instabilités des temps de travail, emplois précaires, … sont autant
de facteurs qui alimentent la spirale de la pauvreté. Les femmes représentent
deux sans domicile fixe sur cinq.
Une agression sexuelle sur une
femme sans-abri a lieu toutes les huit heures en France. Une situation abjecte
et scandaleuse au pays des Droits de l’homme. Face à cet état d’urgence, les
dispositifs ne sont pas à la hauteur. L’hébergement d’urgence, un droit
pourtant inscrit dans le Code de l’action sociale et des familles, n’est pas
assuré.
La Fédération nationale des acteurs
de la solidarité souligne un manque de places ne permettant pas de répondre à
l’ensemble des demandes d’hébergement. Dans le Rhône, 83 % des demandeurs
reçoivent des réponses négatives. Selon le rapporteur de l’ONU, la France est
coupable de violations des Droits de l’homme dans sa gestion des sans-abri.
En 2018, 612 personnes sont
mortes dans la rue. Le moins que l’on puisse faire est de refuser, catégoriquement,
toute expulsion sans solution de relogement. Cette lutte est menée par des
associations telles que la CNL, des syndicats, des forces progressistes, des habitants
et des collectifs, comme le « Réseau d’alerte et de solidarité ».
Le travail que nous mettons en
place, pour prévenir les expulsions, est fondamental. En 2018, à Vénissieux, ce
sont 201 assignations au tribunal, 76 concours à la force publique
accordés, 53 expulsions programmées. Grâce au travail considérable mené en
amont par la Ville, les bailleurs et les acteurs sociaux, plus de 50 % des
situations ont pu être solutionnées, évitant ainsi l’expulsion.
Malgré toute l’énergie
déployée par la Ville, et ses partenaires locaux, vingt expulsions n’ont pu
être évitées l’an dernier. Chacune d’entre elles est un échec, un déchirement.
Si les dispositifs étaient plus développés, notamment au tout début de la
spirale infernale, si l’État prenait ses responsabilités sur la question de
l’hébergement, si la Métropole s’engageait pleinement, on pourrait réduire ce
nombre d’expulsions de vingt à zéro.
Depuis dix ans, en tant que
Maire de Vénissieux, je porte ce combat en prenant des arrêtés portant
obligation de relogement avant toute expulsion locative, interdisant les
saisies mobilières et les coupures d’énergies. Par cette persévérance, je veux
faire évoluer la loi car les expulsions locatives sans relogement sont contraires
aux prérogatives du plan pour le Logement d’Abord. J’invite les 59 Maires de
cette assemblée à faire de même.
Nous croyons profondément en
notre République. Sa Constitution, dans son préambule, inscrit dans le marbre
les droits fondamentaux de notre Démocratie. Nous croyons profondément en notre
État de droit, en sa justice et son indépendance. Nous ne nous résignons pas. Notre
lutte contre les expulsions est une lutte pour la dignité humaine.
Interdire que de nouvelles
personnes, de nouvelles familles soient mises à la rue est le préambule.
Ensuite, il faut nous attaquer sérieusement à la crise du logement. Notre
groupe a contribué au plan Logement d’Abord, notamment comme alternative à
l’expulsion. La Métropole doit doubler le rythme de constructions et créer
8 000 logements sociaux par an, pour faire passer le taux SRU de la
Métropole de 24 à 32 % en 2030. Des logements sociaux neufs doivent exister de
partout, pour ne pas créer de nouveaux ghettos de logements sociaux anciens
dans les quartiers prioritaires. Une maîtrise publique foncière est indispensable
pour limiter la spéculation.
Pour financer ces mesures, il
faut un retour à une véritable aide à la pierre et au 1 % logement, aujourd’hui
réduit à 0,45 %.
Une charte de prévention des
expulsions locatives, pourquoi pas mais nous pourrions aussi commencer par
respecter la loi et les dispositifs existants : loi DALO, SRU, loi Brottes
(sur l’interdiction des coupures d’eau).
La création, par la Ville de Vénissieux,
d’une Commission de coordination des actions de prévention des expulsions, à
l’échelle locale, nous a permis de consolider notre logique de prévention, avec
des résultats significatifs. Nous avons pris cette initiative par nécessité,
pour pallier les carences de l’État et de la Métropole, théoriquement en charge
de la CCAPEX. Une commission, que vous n’avez pas développée sur le territoire
de Vénissieux. Aujourd’hui, notre CCAPEX locale est efficace et reconnue par
nos partenaires. Notre dispositif devrait pouvoir bénéficier, également, des
moyens métropolitains.
Pour conclure, Monsieur le Président, nous insistons sur l’objectif du nombre d’expulsions sans solution de relogement, c’est Zéro.
Je vous remercie.