M. le Conseiller MILLET
: Monsieur
le Président, chers collègues, tout d’abord,
permettez-moi de remercier le vice-président Thierry Philip et les services
pour le travail réalisé sur ce plan Oxygène et pour cette Commission générale. Ce qui me
conduit à vous rappeler, monsieur le Président, que plusieurs groupes politiques
(dont le groupe Communiste et Parti de gauche) vous demandent une Commission
générale sur le logement. Certes, c’est un sujet moins médiatique, où il est
plus difficile de discourir sans en venir au concret, mais c’est une urgence
sociale et politique. C’est, dans mon expérience, le premier sujet sur lequel
les habitants interpellent le Maire.
Mais
revenons à la qualité de l’air. Nous nous félicitons que ce document répète,
encore une fois, ce que le discours médiatique masque le plus souvent : la
qualité de l’air s’est amélioré, ces dernières décennies, dans l’agglomération
lyonnaise comme, d’ailleurs, presque partout. Cette réalité confirme que les
discours du catastrophisme qui nous parlent de l’effondrement qui vient sont
non seulement des mensonges mais, surtout, l’effet d’une bataille idéologique
qui veut détourner les Français des vrais responsabilités de la crise
environnementale, les convaincre que ce sont eux les coupables -ceux qui vivent
mal mais doivent accepter des sacrifices-. Or, tous ces discours prétendument
écologistes, qui visent à cacher le système économique derrière des choix
techniques, n’ont qu’un effet et, pour beaucoup, qu’un but : protéger, justement,
ce système économique dominant qui, comme le disait Marx, épuise la terre et le
travailleur.
Je vais
le dire de manière plus brutale. Ceux qui répètent, sans d’autres explications,
« 48 000 morts… 48 000 morts… 48 000 morts… » comme argument justifiant une urgence absolue
sont dans le même registre que ceux qui répètent « immigrés… immigrés… immigrés… ». Les deux jouent sur les
peurs pour construire une campagne politique qui ne conduit qu’à exaspérer les
tensions sociales et à diviser les Français. C’est la même chose quand
j’entends dire, dans cette assemblée, « particules
ultrafines, particules ultra-dangereuses ».
Redisons-le.
À part l’ozone, tous les polluants sont en très forte réduction depuis 2000.
Arrondissons les chiffres pour faciliter leur mémorisation : baisses de 80
% pour le soufre, des deux tiers pour le monoxyde de carbone, de la moitié pour
les NOx et les poussières, … Oui, nos enfants respirent un air bien meilleur
que nous à leur âge !
Et pourtant,
il reste beaucoup à faire ! Et pourtant, il y a encore 13 000 habitants
au-dessus des seuils réglementaires et 11 % au-dessus des seuils OMS ! Donc,
il faut renforcer les politiques publiques -ce que propose ce plan Oxygène-, mais
nous affirmons qu’on ne peut le faire sans prendre en compte les inégalités
sociales qui sont au cœur des freins à la transformation environnementale des
mobilités comme du logement.
La Zone de faible émission est un excellent terrain de démonstration. Rappelons que si les pollutions se moquent bien sûr des limites administratives, l’air propre aussi (comme les nuages et le vent). Très souvent, les Isérois respirent l’air de la raffinerie de Feyzin, le Vercors respire l’ozone fabriqué au-dessus de l’agglomération lyonnaise et les Rilliards, Mr Vincendet, peuvent sentir les zones industrielles de Vénissieux, par vent du sud, ou des pesticides du Beaujolais, par vent d’ouest… mais tous peuvent bénéficier d’un air frais venant d’Auvergne, qui chasse les pollutions par grand vent. Les histoires de l’urbanisme expliquent ainsi cette règle, qui met les zones industrielles à l’est des agglomérations et les quartiers riches à l’ouest. Ceux qui font croire aux Grands Lyonnais qu’il faut être dans la zone ZFE pour en bénéficier les trompent ! Non, la ZFE pousse à la transformation d’un parc de véhicules qui circulent dans toute l’agglomération, ce qui a des effets dans toute l’agglomération. Si la première pollution visée, celle des oxydes d’azote, se concentre autour des axes de circulation, l’artisan qui travaille à Lyon, Vénissieux et Rillieux, et qui change son véhicule, en fera bénéficier les Lyonnais, les Vénissians et les Rilliards, ainsi que tous les riverains du périphérique et des axes de circulation qu’il utilise.
Comme
pour toutes les actions destinées à réduire notre impact environnemental, nos
décisions doivent donc être basées sur le coût économique et social du résultat
environnemental obtenu. C’est ce que nous défendons pour le climat en demandant
d’afficher partout le coût de la tonne de carbone évitée. C’est ce que nous défendons
pour la qualité de l’air, et qui n’est pas fait pour l’instant. Nous demandons
de connaître l’impact sur les artisans et chauffeurs les plus fragiles
économiquement, afin d’orienter les aides pour leur plus grande efficacité et
éviter tout effet opportuniste.
Nous
avons, dans tous les quartiers populaires, des centaines de chauffeurs avec,
souvent, de vieux véhicules qui assurent ce dernier kilomètre de la
distribution pour les vendeurs en ligne, dont les grands vendeurs mondiaux. Ces
chauffeurs posent des problèmes de circulation dans Lyon et des problèmes de
stationnement dans la première couronne. Ceux qui proposent d’étendre
géographiquement la ZFE, sans jamais évaluer son coût économique et social,
portent une terrible responsabilité face aux travailleurs de cette distribution
ubérisée, qui sont les premiers contraints par la ZFE.
C’est,
bien sûr, la même chose pour la circulation différenciée, qui ne tient pas
compte des inégalités sociales. Si elle permet de réduire la circulation, donc
les émissions polluantes… qui a moins circulé ? … qui a été empêché de
circuler ? … Vous le savez bien… pas les gros SUV hybrides rechargeables
des premiers de cordée lyonnais ! … pas les nouveaux véhicules électriques
haut de gamme à plus de 50 000€ ! … et même pas les véhicules électriques
de milieu de gamme, qui coûtent 10 000€ de plus que leurs équivalents
thermiques ! … Non, ceux qui ont permis cette baisse de circulation sont
d’abord les familles populaires avec des véhicules de plus de 10 ans, souvent
diesel. Même les aides, qui semblent importantes, ne suffisent pas à un smicard
pour changer de véhicule. Et, au passage, pourquoi pas alors une interdiction
totale de circulation qui aurait un effet encore plus important et, cette fois,
égalitaire ?
Non,
nous savons tous que l’enjeu de la qualité de l’air est la pollution de fond
toute l’année, et non pas les pics. C’est pourquoi nous répétons l’urgence de
réouvrir le dossier du PDU. Le groupe Communiste et Parti de gauche était le seul
à le demander, depuis deux ans. Nous sommes heureux que la campagne électorale
conduise certains à nous rejoindre, et nous en profitons pour insister sur
l’urgence de proposer un autre avenir au boulevard périphérique que celui du
modèle parisien… inventer une mobilité circulaire en transport en commun… des
liaisons rail cadencées avec toutes les villes de l’aire urbaine, et même de la
région, pour réduire les flux pendulaires entrants dans l’agglomération…
C’est
aussi la vraie réponse à la question de la vitesse sur le périphérique, dont le
bilan nous dit que l’effet est très variable en fonction de la météo et des
événements de circulation. Aux heures de pointe, ce n’est pas, bien sûr, la
vitesse qui est polluante mais la densité de voitures -une question
fondamentale pour la place du périphérique dans un PDU à réinventer-.
Reste à
souligner que les résultats du [R] Challenge nous semble bien faibles pour
l’instant. Nous insistons pour relancer le projet de réseau de capteurs
citoyens, qui va finir par se construire sans la métropole si nous ne mettons
pas plus de moyens sur cette action. Elle est importante, justement, pour faire
le lien entre le citoyen et l’action publique, favoriser l’éducation populaire
à cet enjeu du climat non par de la communication mais par l’action citoyenne.
En
conclusion, nous ne pouvons que nous féliciter d’avoir obtenu de nouvelles
aides de la Région et de l’ADEME, ce qui nous permet de renforcer les actions
en cours. Mais, si cela nous conduira sans doute à poursuivre les bons
résultats environnementaux et à améliorer encore plus la qualité de l’air pour
les habitants, cela n’aidera pas à faire reculer les inégalités sociales dans
les mobilités et le logement.
De fait, il n’y a pas d’écologie possible sans s’attaquer au système économique, au capitalisme. Quand l’écologie n’est ni de Gauche ni de Droite ou à Gauche et à Droite « en même temps », elle est une impasse et conduit au renoncement, comme le départ de Nicolas Hulot. Non, l’environnement et la qualité de l’air sont des exigences de l’intérêt général, des besoins publics non marchands : ils relèvent d’une politique de service public. Comme pour les retraites, ils ont besoin du rassemblement des forces progressistes, des forces de transformation sociales.
Je vous remercie.