M. le Conseiller MILLET : Monsieur le Président, chers collègues, nous le disions une nouvelle fois dans le Débat d’orientations budgétaires et nous pensons que notre budget que nous voterons devrait mieux le prendre en compte. La situation sociale est terrible, les inégalités et les injustices se creusent, les urgences bousculent la vie de milliers de familles et la réduction apparente du chômage cache mal une précarisation galopante.
Nous avons découvert, il y a quelques jours, l’étude de l’Observatoire de la cohésion sociale de l’Agence d’urbanisme. Un travail dense et rigoureux qui illustre, avec une grande force, une réalité terrible. D’abord, sur l’aggravation des inégalités territoriales dans notre métropole, avec un revenu médian entre 8 140 et 14 000 € dans les quartiers prioritaires, quand il se situe à 22 550 € en moyenne dans la métropole, et, pis, il est inférieur à 10 000 € dans dix quartiers, en baisse en valeur nette dans la majorité des quartiers, c’est dire à quel point l’inflation est en train de ronger la vie de milliers de familles. Permettez-moi d’insister : un revenu médian de 8 140 €, cela représente -pour une famille de 3 enfants- moins de 10 € par jour et par personne du ménage, en supposant même que les APL couvrent totalement le loyer. C’est tout simplement impossible et, dans certains quartiers, ce sont les conditions de vie de la moitié de la population !
Mais c’est toute la métropole qui fait face à la crise sociale avec une hausse de 8 % des ménages à bas revenus entre 2018 et 2020, même s’ils sont évidemment plus nombreux en QPV, avec une alerte forte sur les quartiers dits « de veille active ». Lors de la présentation, l’élue de Meyzieu a dit son inquiétude devant les « îlots » de difficultés sociales dans certains quartiers récents de sa ville, l’élue d’Écully a évoqué les terribles violences qu’a connues sa ville et la pression sur de nombreux habitants, après le drame de Vaulx-en-Velin, qui souligne que les plus pauvres paient le prix fort des injustices.
Il y a évidemment des résultats positifs de la politique de la ville et de l’effet des rénovations urbaines, notamment sur l’éducation -avec une forte réduction des écarts de réussite en collège entre quartiers prioritaires et autres quartiers, un écart divisé par 3 entre 2012 et 2020. Ce qui montre, d’ailleurs, à quel point le discours de la mixité sociale est ambigu. Mais, un tiers des quartiers ont plus de 25 % de jeunes non scolarisés, sans emploi ni formation. Et la baisse du chômage un peu plus forte dans les QPV qu’ailleurs traduit, en fait, une explosion de la précarité, plus rapide dans les QPV, pratiquement en hausse de 50 % de 2014 à 2021.
Dans ce contexte, les politiques « logement » successives sont en échec et nous avons perdu 6 500 logements locatifs à bas loyers, dans un contexte de faiblesse de la construction qui ne répond à la demande, ni quantitativement ni qualitativement. Si cela a permis de réduire le taux de pauvreté de quelques quartiers, ce n’est pas parce qu’on a sorti des habitants de la pauvreté, mais parce qu’on les a envoyés ailleurs ! Et, dans ce contexte, non seulement nous n’atteignons pas l’objectif de 25 % d’attributions au premier quartile hors QPV, mais ce taux recule de 18 à 14 % dans la métropole hors QPV !
Cela conduit à un indice de sensibilité qui se détériore. Cet indice compose la faiblesse des revenus, de l’emploi, du niveau d’études et de la part de familles monoparentales. Il permet à l’échelle IRIS (Îlots regroupés pour l’information statistique) de mesurer l’évolution sociale d’un quartier. Si on s’appuie sur cet indice, alors de nombreux quartiers de la métropole devraient devenir prioritaires dans notre agglomération.
Nous reviendrons certainement sur cette étude prochainement, mais nous avons choisi de lui consacrer cette intervention budgétaire car elle confirme, de manière rigoureuse et globale, que les alertes associatives, militantes, syndicales doivent être prises au sérieux et en urgence. Nous devons changer de braquet pour notre objectif d’une métropole de justice et d’égalité.
Or, la situation budgétaire nous montre que c’est possible. Les données économiques sont positives pour nos recettes. D’un côté, le remplacement de la fiscalité locale foncière ou locative par une fiscalité sur la consommation, très injuste socialement, a cependant un effet positif, puisque nous bénéficions, en quelque sorte, de l’inflation. De même, l’accroissement des hauts revenus et des profits profitent à de nombreux riches qui investissent dans la pierre. Il y a donc des acheteurs malgré une offre neuve en baisse, ce qui fait que les recettes de DMTO (Droits de mutation à titre onéreux) restent dynamiques.
Cela conduit à un autofinancement conséquent nous dit le rapport, avec un taux d’endettement qui reste contenu et un niveau de crédit de paiement d’investissement plus élevé, pour une troisième année de mandat, que sur tous les mandats précédents.
Mais c’est justement parce que nous avons une situation financière saine que nous devons apporter une réponse à la hauteur de la crise sociale et de l’aggravation des inégalités.
Je sens que les réactions seront fortes à Droite, mais nous redisons ici qu’il y a des gagneurs dans la crise, des revenus en forte hausse et qu’il est indispensable de les faire contribuer plus fortement aux besoins des politiques publiques. Cela devrait nous conduire, nous le redisons, à augmenter le taux de CFE, seule fiscalité dont nous maîtrisons encore le taux, quitte à renforcer nos politiques de soutien économiques pour les acteurs économiques qui sont en difficultés.
C’est d’ailleurs la logique qui nous a conduit à expérimenter une hausse de la Taxe d’aménagement dans certains quartiers. Mais il faut aller plus loin, que ce soit sur la taxe d’urbanisme, la contribution transport ou la fiscalité foncière.
C’est nécessaire pour être au niveau de nos objectifs d’investissements utiles, notamment pour les collèges. Nous avons décidé d’une hausse de la PPI consacrée aux ouvrages d’art, qui était présentée en commission déplacements, devant le constat du mauvais état des ouvrages qui sont devenus de notre responsabilité. C’est donc possible et, dans le même esprit, il faut accélérer notre schéma directeur des collèges dont nous craignons qu’il ne prenne du retard.
C’est nécessaire aussi pour faire encore plus sur nos politiques sociales, et notamment donner plus de moyens à nos maisons de la métropole pour mieux prendre en compte les urgences sociales. Nous demandons de fixer un objectif de nombre maximum de personnes suivies par travailleur social, pour assurer un suivi personnalisé des situations, la capacité réelle à « aller vers » -condition du recul du non-accès au droit.
Nous allons délibérer d’un projet métropolitain des solidarités : il doit reposer sur une évaluation transparente de la capacité à répondre aux urgences sociales, et le rapport de l’Agence d’urbanisme nous montre à quel point il faut faire plus.
Nous voterons, bien entendu, ce budget en vous proposant, monsieur le Président, de planifier une Commission générale sur la situation sociale de notre métropole avec les éléments que nous donnent l’Agence d’urbanisme.
Je vous remercie.
La vidéo de l’intervention : https://youtu.be/uea1XtvCDrs?t=6259