La bataille de la retraite est aussi une bataille pour notre Métropole !

Intervention préalable -

M. le Conseiller MILLET : Monsieur le Président, chers collègues, meilleurs vœux à toutes et tous.

La bataille pour le droit à la retraite est décisive, et pas seulement pour la retraite. C’est bien le modèle de société que nous voulons, le sens que nous donnons à l’activité économique qui sont en jeu. Beaucoup de jeunes, notamment de jeunes diplômés, expriment avec force leur besoin de donner un sens au travail hors des seuls objectifs financiers qu’impose le système économique actuel, qui ne connaît qu’un critère de décision : l’intérêt des actionnaires, les dividendes et les valorisations boursières.

Les choix de financement des retraites sont au cœur de ces enjeux. Le sens du travail doit déborder de sa seule valeur marchande pour trouver sa valeur humaine, sa contribution aux cultures du travail qui sont fondatrices du pacte social.

On peut considérer les retraites comme un coût qu’il faut réduire ou on peut les considérer comme une des valeurs du travail moderne, orienter la valeur marchande créée par le travail vers la garantie de droits -celui de pouvoir faire des études, du côté des plus jeunes ; celui de pouvoir vivre une vie après le travail, pour les plus anciens.

Car, au fond, la seule question véritable est bien celle du niveau de vie des retraités qu’on considère comme légitime. Personne n’interdit à personne de continuer à travailler au-delà de l’âge autorisant la retraite et on pouvait lire avec passion Hubert Reeves, Directeur de recherche de 70 ans, comme on pouvait écouter avec émerveillement Rostropovitch jusqu’à ses 80 ans.

Mais ce dont nous parlons, ce sont des travailleurs usés par des années de travail contraint, difficile, qui peut être une fierté, une virtuosité, une créativité que l’ingénierie observe souvent attentivement quand elle veut automatiser une tâche, mais qui abîme les muscles, les os et les sens et qui font que les inégalités d’espérance de vie, et encore plus l’espérance de vie en bonne santé, sont aussi profondes que les inégalités territoriales de revenus que nous évoquerons à propos du budget.

Car le premier résultat du système de retraite français par répartition est que le taux de pauvreté des plus de 65 ans est un des plus faibles du monde occidental, deux fois plus faible que la moyenne de l’UE. Le niveau de vie moyen des retraités de 2013 reste stable 3 ans après la retraite, et même, scandaleux diront certains, pour les 4 premiers déciles de revenus, il a un peu augmenté, car la précarité avait fait baissé les revenus avant d’avoir enfin droit à la retraite.

C’est cela le vrai scandale contre lequel pestent les actionnaires d’AXA et de tous ceux qui veulent privatiser l’immense espace public que représente la SÉCU, et notamment sa composante retraite. La retraite par répartition protège les plus pauvres !

Et le pire, c’est qu’elle le fait avec une grande efficacité économique ! Le coût total de la retraite reste aux alentours de 15 % du PIB depuis le Papy-boom, les scénarios du COR (Conseil d’orientation des retraites) l’évaluent à 12 % en 2050. En fait, tous les scénarios évalués par les gouvernements successifs n’ont qu’un objectif, faire baisser cette part du PIB consacrée aux retraites par répartition.

Pour mieux expliquer ce que cela veut dire, on peut se représenter ce ratio individuellement. Mesdames, messieurs les élus, vous avez sans doute des parents retraités -pour les plus jeunes, des grands-parents-, et la question est simple : voulez-vous qu’ils soient, demain, plus pauvres afin que vous soyez plus riches ? C’est ainsi que se pose la question en moyenne. Mais il faut être plus précis, car les plus riches ont les moyens d’assurer le niveau de vie de leurs aïeux, même si la culture des familles à la Dallas ou Bettencourt est rarement celle des solidarités. Soyons donc plus précis. Les réformes ont pour but que les plus riches ne paient pas plus pour garantir la retraite des plus pauvres. Ce sont bien les familles ouvrières, les plus précaires, ceux qui sont cassés à 60 ans, qui sont concernés par cette réforme scandaleuse. Cette réforme est un outil de plus pour aggraver les inégalités sociales.

C’est ce que révèle l’espérance de vie en bonne santé mesurée par décile de revenu. Elle est inférieure à 62 ans pour les 4 premiers déciles, à 64 ans pour le 5ème mais elle est supérieure à 67 ans pour les 4 derniers, atteignant 71 ans pour le plus élevé ! Autrement dit, la réforme Macron, qui s’inscrit dans la lignée du Livre blanc de Rocard et des réformes Balladur, Fillon ou Touraine, a pour seul objectif de priver la moitié des Français du bénéfice de la retraite.

Oui, l’augmentation de l’espérance de vie fait que le nombre de vieux augmente et, donc, soit on les maintient de force au travail, soit on les plonge dans la pauvreté, soit on augmente la part du PIB qui leur est consacré. Dans un système par répartition, cela suppose une légère augmentation des cotisations. C’est ce que refuse le patronat et, donc, les droites ; c’est ce que l’orthodoxie libérale dit impossible. C’est ce que le mouvement social, qui se cherche, doit imposer.

Citons la synthèse du rapport du COR de juin 2021 :

« Les évolutions de la part des dépenses de retraite dans le PIB resteraient sur une trajectoire maîtrisée à l’horizon de la projection, c’est-à-dire 2070. C’était un résultat qui prévalait avant la crise sanitaire que nous traversons depuis 2020. C’est un résultat qui demeure valable après la crise. »

Cette réforme est injuste socialement, inutile économiquement et mensongère politiquement. Vous ne serez pas de ceux, monsieur le Président, qui me diront que ce sujet ne relève pas de notre conseil. Car vous savez que cela concerne nos agents, ceux qu’il faut le plus souvent reclasser avant 60 ans car leur métier est dur et usant -comme à la collecte- ou éprouvant dans la durée -comme dans la santé ou la petite enfance. Mais aussi car une forte progression de la pauvreté chez les seniors serait un défi de plus pour nos politiques sociales.

C’est pourquoi nous vous proposerons, monsieur le Président, un vœu en faveur du retrait de cette réforme lors de notre prochain conseil.

Je vous remercie.

La vidéo de l’intervention : https://youtu.be/uea1XtvCDrs?t=1178