M. le Conseiller MILLET : Monsieur le Président, chers collègues, le soleil est la principale source d’énergie : 170 000 TWh reçus chaque heure, autant que l’humanité en consomme chaque année. C’est le soleil qui produit le vent, les marées, qui fait grandir les plantes et produit donc ce qui deviendra énergie fossile… Bref, presque tout vient du soleil.
Cependant, comme nous le savons tous aussi, le soleil brille principalement le jour, plus en été qu’en hiver et plus au sud qu’au nord, du moins de notre côté de l’Équateur.
Le résultat est que le photovoltaïque ne peut nous fournir de l’électricité que 1 200 h par an en moyenne, autrement dit 15 % du temps, et ce ne sont pas les heures de plus forte consommation ! Certains répondent : « mais quand il n’y a pas de soleil, il y a du vent ou de l’hydroélectricité ». Eh bien, pas vraiment, quand l’anticyclone s’installe pour quelques semaines, il y a peu de vent et toujours pas de soleil la nuit. En pratique, la réponse à l’intermittence c’est l’appel aux énergies fossiles, ce que les données allemandes confirment clairement, ou… la coupure, renommée « effacement intelligent » (c’est plus classe) !
Tant que nous n’avons pas de solution de stockage de masse de l’électricité, cette énorme énergie solaire ne peut donc être la ressource énergétique principale. Il est frappant de voir à quel point toutes les initiatives européennes -le Green Deal, le REPower, le Fit for 55- laissent de côté cette contrainte, pourtant majeure. Il est vrai que l’Allemagne considérait que couvrir l’intermittence avec du gaz était positive pour le climat puisque ça lui permettait de sortir du charbon. Patatras, le robinet du gaz se coupe et Allemagne comme Danemark (et la France, ce matin) relancent le charbon.
Voilà le contexte de cette délibération, qui s’inscrit dans la politique énergétique dominante en Europe comme en France, dont la première caractéristique est, je cite, « d’imposer une réduction massive des consommations énergétiques », une baisse de 30 % d’ici à 2030. Les scénarios énergétiques dominants proposent de diviser par deux la consommation d’ici 2050.
Il est aussi proposé d’accélérer la production d’électricité renouvelable, notamment via la filière solaire photovoltaïque, pour atteindre 245 GWh/an ; ce qui représenterait, au passage, 3 % de notre consommation totale -autant dire que ce n’est pas l’enjeu principal.
Nous sommes réservés sur les impacts environnementaux, économiques et sociaux, d’autant que l’expérience accumulée par le SigerLy montre que le bilan carbone et financier devrait conduire à privilégier les plus grandes des installations.
Le rapport précise que le niveau d’émission carbone du photovoltaïque est de 30 g CO2eq/kWh, 10 fois inférieures aux énergies fossiles, mais le rapport ne précise pas que c’est 4 fois plus que le nucléaire. Le niveau d’émission du réseau électrique, aux heures où le photovoltaïque produit, est souvent plus bas que celui du PV, qui représente alors une hausse de nos émissions ! C’est pourquoi nous demandons un bilan carbone de toute opération renouvelable, un bilan à la maille horaire, tenant compte de l’intermittence et de la nécessité d’autres sources d’électricité pour complémenter aux heures où le PV ne produit pas.
Le rapport veut aussi encourager l’implication citoyenne. Cela doit, pour nous, commencer par une sensibilisation ouverte au débat pour ne pas en rester à la publicité commerciale « votre toit vous enrichit ». Il faut de la pédagogie sur les défauts des renouvelables électriques : intermittence, émissions de carbone, provenance des panneaux, qualité de service, impact sur les réseaux.
Enfin, nous sommes circonspects sur les propositions économiques, de recours à des tiers investisseurs… qui devront bien être rémunérés… ce qui exige de la transparence sur qui paie et qui gagne dans ce modèle économique… De même, il est proposé des offres de fourniture électrique aux usagers de proximité, d’expérimenter l’autoconsommation collective, des contrats d’achat directs auprès de producteurs locaux. Nous rappelons notre attachement au service public, au tarif régulé, au droit à l’énergie pour tous, partout et nous ne soutiendrons pas une décentralisation qui organiserait la concurrence des territoires.
Dernier point d’interrogation, la délibération évoque nos capacités d’investissement et nos ressources de fonctionnement sans chiffres. Puisque nous ne voulons pas laisser le marché décider, nous pensons qu’il faut un investissement public et, donc, une ligne dans la PPI.
Au total, monsieur le Vice-Président, nous proposons une autre politique solaire, au plan national d’abord, mais que nous pourrions expérimenter au plan métropolitain.
D’abord, sortir l’énergie solaire du marché et de ses logiques de rentabilité, qui produisent toujours des gagnants et des perdants, des inégalités donc. Pour cela, il faut de l’investissement public et il faut un cadre, pour les investissements privés, qui garantisse qu’ils répondent à nos objectifs et, donc, qu’ils contribuent à une planification énergétique.
Il ne suffit pas de le dire comme un slogan de campagne électoral bien connu, il faut en tirer les conséquences et sortir de l’obligation d’achat à prix garanti financé par des taxes sur la consommation. Le projet solaire de la Vallée de la chimie, par exemple, aurait pu être l’occasion d’expérimenter la production d’hydrogène vert.
Ensuite, il faut relever le défi de l’intermittence en investissant sur toutes les formes possibles de stockage et en les intégrant dans le modèle économique de l’investissement solaire. On peut, par exemple, recharger des véhicules électriques -la ville de Vénissieux le fait le week-end sur l’installation solaire de son centre technique. Certains le font à coup d’énormes installations de stockage batterie. Nous ne sommes pas sûrs de la pertinence environnementale, mais on peut expérimenter (comme avec des stations de pompage eau).
Nous proposons aussi d’expérimenter le solaire thermodynamique, qui représente une forme de stockage permettant des taux de charge élevés, des installations pilotables comme le nucléaire ou les fossiles.
On peut aussi utiliser du photovoltaïque pour produire de l’hydrogène vert.
Enfin, il faut favoriser une filière industrielle régionale ou au moins nationale -et on connaît tous l’histoire douloureuse de Bosch ou Photowatt…
Oui, on peut donner toute sa place au solaire dans un mix énergétique avec nucléaire éolien et hydroélectricité, et ce n’est pas le marché et ses logiques qui doivent en décider.
Je vous remercie.
La vidéo de l’intervention : https://youtu.be/z76rfFiC91k?t=5658