M. le Conseiller MILLET : Monsieur le Président, chers collègues, cette délibération permettra de renforcer les moyens de l’action publique sur l’air, autant par la connaissance de la qualité de l’air que nous apporte l’association ATMO que pour le programme d’actions de notre plan Oxygène. Mais elle est l’occasion de rappeler nos commentaires sur ce plan que les évènements de ces derniers jours confirment largement.
Oui, il faut agir pour réduire les émissions polluantes et garantir des villes « respirables », mais qui ne voit pas le risque d’un discours faussement consensuel, qui s’appuie surtout sur le catastrophisme pour mettre en avant, sans débat politique, des mesures aux fortes conséquences sociales alors même que les moyens d’une stratégie de long terme sont plus qu’incertains.
Chacun a pu mesurer la difficulté de la circulation alternée qui supposerait au fond une instrumentation systématique, comme pour le péage londonien, avec le coût et les conséquences que l’on connaît. Au moins, la circulation alternée est a priori neutre socialement mais l’interdiction des vieux véhicules, tout comme l’interdiction basée sur un étiquetage, a de lourdes conséquences sur qui est autorisé à circuler ou pas. Pouvons-nous vraiment faire croire qu’on pourra gérer les émissions des transports par des mesures inégales et essentiellement répressives ?
Les décisions fortes de Ségolène Royal pour accélérer la transition électrique, notamment des taxis et utilitaires, sont une bonne chose. On verra comment le budget pourra accompagner une telle politique si elle devient massive car une prime de 10 000 €, si elle doit transformer significativement un parc de 40 millions de véhicules d’âge moyen de plus de huit ans, demande quelques milliards par an pour ne pas être qu’un outil de communication.
C’est le vrai sujet : quels moyens pour une transition accélérée des modes de transport et de chauffage ? Bien sûr, d’abord organiser la gratuité des transports publics pendant les pics. Et surtout, comment doubler en dix ans les capacités des transports urbains collectifs ? Peut-on imaginer une offre de transport en taxis collectifs publics électriques interconnectés aux transports publics, utilisant les techniques modernes de réservation et d’allocation permises par les plate-formes collaboratives, ce qui serait entre nous la meilleure réponse à l’uberisation de l’économie ? Comment avancer vers le développement de RER lyonnais ? J’en profite pour ma collègue des Républicains et apparentés pour dire que nous pouvons avoir des projets de société radicalement différents et nous retrouver sur des actions concrètes.
Le discours du catastrophisme sur l’air est profondément antidémocratique. Il faut redire que l’air est aujourd’hui de bien meilleure qualité dans nos villes qu’il y a trente ans -et je le dis pour notre collègue de l’UDI qui fait semblant de ne pas le savoir-, il est meilleur pour de mauvaises raisons comme la désindustrialisation mais aussi pour de bonnes raisons : les efforts des industriels, dont les chaufferies urbaines, et aussi les efforts des constructeurs automobiles.
Nous savons tous l’impact notamment des particules fines sur les maladies pulmonaires et je redis qu’en dix ans, dans le document du plan Oxygène, on fait état que les émissions de particules fines ont été divisées par deux dans l’agglomération lyonnaise. Donc il n’est pas question de les minimiser. Mais qui ne voit pas que la médiatisation autour de chiffres toujours plus alarmistes, jouant par exemple -et j’avais demandé à monsieur Thierry Philip de nous faire un commentaire- sur la comparaison de décès anticipés de deux ans avec des décès anticipés de quinze à vingt ans qui évidemment ne sont pas comparables, a des effets contreproductifs en relativisant d’autres sources comme le tabagisme -dont, au passage, Airparif nous indique que le tabagisme représente tout de même 1 % des émissions de poussières- et surtout en poussant à un conservatisme social en défaveur des choix politiques progressistes pour une autre politique des transports.
Comment peut-on dans le même temps contraindre nos chaufferies urbaines biomasse à s’arrêter pour activer des chaudières gaz alors même que la raffinerie de Feyzin est autorisée à brûler son pétrole suite à un incident technique ? Quel bilan, d’ailleurs, pour les poussières ?
Car, au fond, le pic de pollution est d’abord un phénomène météorologique qui maintient sur place la pollution que nous avons toute l’année mais dont nous faisons profiter le reste du temps les régions voisines et dont les causes sont aussi -au passage- l’industrie allemande du charbon-. L’urgence n’est pas seulement de la réduire les jours de pics mais toute l’année et, pour cela, oui, il faut changer de système.