M. le Conseiller MILLET : Monsieur le Président et chers collègues, ce plan est un plan de secours face aux urgences du mal-logement décrit dans le rapport annuel de la Fondation Abbé-Pierre, présenté en avril à Lyon devant, malheureusement, bien peu d’élus. Si la loi de 1990 qui affirme le principe de « garantir le droit au logement » s’applique avec le même résultat que notre Constitution qui affirme le droit au travail, nous ne pouvons que comprendre la profonde fracture politique qui réduit toujours plus la légitimité de nos institutions.
C’est pourquoi, si ce plan contient de nombreuses actions nécessaires et utiles et si nous soutenons les évolutions proposées, on ne peut cacher la question des moyens derrière l’enjeu de la « fluidité ». Bien sûr, quand une famille entre dans l’hébergement d’urgence, c’est pour en sortir, pour espérer en sortir et retrouver une situation de droit au logement. Mais cette fluidité est impossible avec une pression de la demande très élevée car elle suppose alors de forcer des départs du logement social. C’est d’ailleurs le cœur du double discours de la loi Égalité citoyenneté qui fait le contraire de son principe affiché de mixité sociale.
Vous aviez dit il y a un an, monsieur le Président, que la pression sur le logement social dans l’agglomération était due aux demandeurs d’asile, formule bien critiquable que la Droite ou le Front national reprennent avec plaisir. Mais, en fait, le lien entre hébergement et logement social est dans la situation économique : il ne peut y avoir de fluidité dans le logement sans fluidité dans la vie économique et sociale, ce qu’on appelle « l’ascenseur social » dont vous savez qu’il reste coincé au sous-sol créé par les « jobs act » et autre loi Travail !
Nous voulons insister sur les moyens de l’accompagnement de personnes en difficulté dont le nombre augmente, comme la gravité des situations où se mêlent difficultés économiques et sociales mais aussi de santé, psychologiques, d’addictions, de violences, rendant le travail social de plus en plus dur. Il faut donc parler du nombre de travailleurs sociaux, de leur disponibilité pour un accompagnement de terrain, de leur capacité d’aller à la recherche de personnes qui parfois fuient les institutions. Et nous ne pouvons en rester à la description technique, statique du public concerné sans prendre en compte les trajectoires de vies : on ne répond pas de la même manière à une personne qui survit au RSA après deux procédures d’expulsion avec effacement de dette et une qui -entre guillemets- « découvre », en fin de droit, la dette de loyer.
Tant que nous ne mettons pas en face des actions nécessaires de ce plan, une évaluation du besoin et, donc, des ressources, nous laissons les travailleurs jongler dans l’urgence. L’action 3.2 devrait ainsi non seulement « soutenir » le logement accompagné mais en « développer » fortement les moyens. De même pour l’hébergement de femmes victimes de violences dans l’action 4.5. Sans cela, nous ne pourrons que constater l’aggravation : rendez-vous au prochain rapport de la Fondation Abbé-Pierre.
C’est sans doute pourquoi la concertation avec les Communes en est restée au stade de l’état des lieux et que nous avons découvert le projet de PLALHPD avec cette délibération. Je remercie cependant Michel Le Faou qui a pris le temps de rencontrer des élus intéressés et même de nous faire passer, fin juillet, quelques fiches actions. Mais j’avais cru que nous aurions le temps d’y travailler en septembre-octobre, dommage !
Cela illustre encore une fois la difficulté de la Métropole à s’organiser pour penser avec les Communes. Ce sera la même question pour le Plan partenarial de la gestion et de l’information des demandeurs (PPGID) qui devrait être validé par la Conférence intercommunale du logement puis par notre Conseil fin 2016 mais que nous ne connaissons pas encore. Allons-nous découvrir, Michel Le Faou, dans une délibération une grille de cotation du logement ?
De nombreux Maires répondent à des demandeurs en difficulté, mettent en œuvre selon leurs moyens des dispositifs d’aide. Les Communes sont acteurs des politiques publiques du mal-logement mais absents de ce plan. Par exemple, aucun lien n’est organisé entre les Communes et la Maison de la veille sociale métropolitaine, ce qui renvoie le suivi des urgences communales au hasard des contacts personnels.
Un travail partenarial entre Métropole et Communes sur ce PLALHPD aurait sans doute ajouté l’étude de données au niveau communal dans l’orientation 1, l’évaluation territoriale des orientations 2 et 3… Il aurait précisé que les CCAPEX (Commissions départementales de coordination des actions de prévention des expulsions locatives) peuvent être organisées à l’échelle communale quand c’est utile.
Et je voudrais, sur un troisième point, aborder la question de l’action 4.7, à partir de l’expérience vénissiane contre les expulsions. Il se fait un énorme travail social pour éviter les expulsions et pour accompagner les expulsés. Car -comme le disait un Maire lors de la première Conférence intercommunale du logement- est-ce qu’on a résolu le problème quand une famille expulsée est relogée en Droit au logement opposable (DALO) quelques semaines plus tard à proximité ? Il se reconnaîtra sans doute.
Il faut connaître, donc, le devenir des familles expulsées ou qui ont quitté les lieux sans solutions, autrement dit assurer un suivi de toutes les personnes entrées dans une procédure d’expulsion. Nous demandons que cela soit ajouté à l’action 1.1 dans un travail qui ne peut pas être que statistique mais doit associer l’ensemble des acteurs. Cela permettrait, dans l’action 1.2, de prendre en compte la situation particulière des expulsés dans la définition des publics prioritaires.
Nous comprenons que, du point de vue du bailleur, il faut parfois mettre fin à une situation où aucune solution de refinancement n’est possible. Nous savons que, pour la personne, le relogement, l’hébergement est parfois indispensable pour sortir du cycle infernal de l’enfermement dans la dette. Mais nous savons que l’expulsion ne règle rien, que c’est le relogement qui peut ouvrir la reconstruction d’une situation de droit.
C’est pourquoi il faut créer des places d’hébergement pour les personnes en fin de procédure d’expulsion. Il faut garantir un principe, finalement simple, qu’on pourrait dénommer « le relogement d’abord ». Cela suppose de renforcer les moyens face aux enjeux et le montant affecté à cette action, 50 000 € entre l’État et la Métropole, est tout à fait insuffisant.
Il faut, en fait, transformer la procédure d’expulsion en procédure de relogement et, donc, suspendre la procédure d’expulsion lorsque le dossier est amené en CCAPEX, déclarer toute personne sous la coupe d’un concours de la force publique comme public prioritaire. La contrainte ne doit avoir comme objet que de construire réellement une solution de relogement qui, de fait, évite l’expulsion. Vous voyez que les arguments juridiques du Maire de Vénissieux, dans ses arrêtés anti-expulsions, reposent non pas sur un parti pris idéologique mais sur une volonté politique concrète et pragmatique.
Au total, nous voterons cette délibération en soulignant avec force l’enjeu des moyens nécessaires pour être à la hauteur de l’urgence.
Je vous remercie.