M. le Conseiller MILLET : Monsieur le Président, chers collègues, merci au Conseil de développement de son travail d’écoute des citoyens. Il nous alerte sur trois points : l’information, le Plan de mobilités et les impacts sociaux.
D’abord, l’information… Nous le savons tous, la majorité des habitants ne connaissent pas, ou mal, la loi et le projet métropolitain de ZFE. Mais permettez-nous d’être critiques des formulations proposées « positiver la ZFE et rendre les alternatives désirables ». Faut-il, comme les publicitaires, « positiver » et rendre des politiques publiques « sexy », comme ils disent ? Je vous rassure, je ne désire pas mon vélo… Eh non, le renforcement de la communication et de la sensibilisation ne peuvent suffire. Il faut aussi que la puissance publique écoute et entende. C’est ce qu’a fait le président en décidant de modifier le projet de ZFE. Oui, les maires ont un rôle important à jouer, et pas seulement pour accompagner mais aussi pour organiser, avec la Métropole, les réponses publiques aux besoins de mobilité et, pour cela, il faut d’abord connaître et comprendre ces besoins.
La ville de Vénissieux a organisé, ce début d’année, une large concertation des Vénissians. 3 000 d’entre eux ont répondu en face à face ou en porte-à-porte à un questionnaire, et 1 000 ont répondu à un sondage permettant d’avoir un échantillon représentatif. Le Conseil de développement aurait pu appeler à renforcer de telles démarches. À Vénissieux, nous en avons beaucoup appris et, même si le travail d’analyse est en cours, je peux vous en donner quelques éléments illustratifs :
– Pour les CSP-, la mobilité est à 70 % liée à l’emploi, alors que pour les CSP+, elle est à plus de 50 % liée aux loisirs. Voilà qui interroge sur l’équité de traitement d’une ZFE qui ne fait pas la différence entre les motifs de déplacement.
– Pour les Vénissians en emploi concernés par la ZFE, la majorité ne pense pas pouvoir changer de véhicule, même après explication des aides proposées, et la moitié pense réduire leurs déplacements dans Lyon et prendre le risque, de temps en temps, du non-respect de la ZFE…
Bref, l’enjeu premier est bien un enjeu d’accompagnement et la sanction ne peut pas être l’outil central de la ZFE, sauf à aggraver terriblement les ségrégations territoriales.
Nous partageons le deuxième point évoqué par le Conseil de développement concernant le Plan de circulation global. Mais nous ajoutons que c’est, justement, le Plan des mobilités en discussion qui devrait être le cadre de déploiement de la ZFE. C’est lui qui peut nous dire comment peuvent évoluer les mobilités et, donc, comment accompagner les habitants. Nous rappelons, à ce sujet, que l’un des enjeux principaux pour les territoires voisins est bien la place du rail. De ce point de vue, la délibération de ce jour actant la sortie de la Région de Modely est inquiétante.
Enfin, le Conseil de développement alerte, avec raison, sur les impacts sociaux et sociétaux. Rappelons que la Gauche avait voté, en 2021, contre la loi Climat et résilience, notamment parce qu’elle imposait ces ZFE à toutes les agglomérations.
Mais nous ne pouvons pas nous contenter d’évaluer les résultats dans 3 ans pour décider aujourd’hui de ce qu’il faut faire. Là encore, le président a eu raison de rouvrir le chantier de la zone étendue, tant la carte imposant la ZFE à l’est en en exonérant l’ouest est apparue comme une illustration de l’iniquité du projet.
Nous proposons de renforcer la demande d’une évaluation de la ZFE dans la zone centrale dès aujourd’hui et de réaliser, sans attente, une étude à grande échelle de l’impact prévisionnel de la ZFE sur l’ensemble de la métropole en multipliant les canaux -les agences de mobilité, bien sûr, mais aussi les entreprises, qui ont une connaissance fine des déplacements des salariés. Nous avons besoin d’un travail de concertation prolongée sous diverses formes -sondages, face à face, porte-à-porte, … auquel le Conseil de développement peut être associé, mais qui doit impliquer des dizaines de milliers de citoyens.
Permettez-moi, pour conclure, de vous présenter les principes adoptés hier, à l’unanimité, par les 110 délégués de la Conférence fédérale du PCF préparant son 39ème Congrès :
- Les étiquettes Crit’Air sont inadaptées et injustes. Elles légitiment un véhicule hybride lourd, à la conduite brutale, et interdisent un véhicule diesel plus léger, bien entretenu et utilisé en éco-conduite. Elles se focalisent sur les émissions d’azote alors que les études montrent que les poussières ont plus d’impact sanitaire. L’évaluation d’une voiture devrait être associée à son contrôle technique et tenir compte de l’ensemble de ses émissions.
- Le passage forcé au tout-électrique est un non-sens économique, social, environnemental et industriel. Encore une décision européenne qui joue dans la guerre des géants de l’automobile dans un marché en difficulté, et l’innovation défie l’administration… le groupe Mazda vient de sortir un hybride diesel qui respecte les normes d’émissions d’azote…
- Appuyer l’agenda de la ZFE sur l’agenda de développement des alternatives -transport en commun, covoiturage, services mobilités, modes actifs. C’est le Plan des mobilités en discussion au SYTRAL qui doit définir l’agenda de réduction de la part modale de la voiture et définir, ainsi, le cadre réaliste de l’agenda de la ZFE.
- Réévaluer le besoin d’investissement du SYTRAL, pourtant doublé par la majorité métropolitaine actuelle. Repenser le modèle de mobilité métropolitain suppose de trouver les financements nécessaires pour répondre aux besoins, et notamment en intégrant le projet de RER métropolitain -alternative essentielle pour les territoires périphériques de la métropole.
- Il faut aussi un plan de consolidation du SYTRAL pour sortir des difficultés de recrutement, de maintenance, des qualités de service et je ne crois pas que l’allotissement y soit favorable.
- Il faut mieux prendre en compte la situation du marché de l’automobile et, notamment, comprendre l’impact sur le marché de l’occasion, pour ne pas jeter à la casse trop de véhicules qui pourraient apporter une réponse à un coût social et environnemental maîtrisé. C’est un des résultats de l’enquête vénissiane. Il serait très pertinent de favoriser l’acquisition d’un Crit’Air 2 pour l’abandon d’un Crit’Air 3 comme un palier intermédiaire avant d’accéder au Crit’Air 1.
- Enfin, une ZFE juste doit être incitative et ne peut reposer sur des sanctions. Nous considérons qu’un habitant qui ne peut changer de véhicule ni de mobilité n’est pas un délinquant. Le principe de faire payer un PV ZFE, indépendamment de la situation de la personne et des efforts faits ou non pour tenir compte de la ZFE, est injuste d’autant plus quand la ZFE autorise des véhicules lourds, qui ne sont propres que par leur classification…
Voilà notre contribution pour une ZFE juste et efficace.
La vidéo de l’intervention : https://youtu.be/dpQ7p5BXx60?t=2540