Une « Ruche industrielle » pour les salariés ?

N° 2019-3569 - Subvention à la Ruche industrielle - 2019 -

M. le Conseiller MILLET : Cette délibération commence par nous faire croire que l’hirondelle d’un solde net positif de l’emploi dans l’industrie en 2018 ferait le printemps, sans rien dire de la poursuite de la désindustrialisation sans freins dans notre pays et dont les symboles sont connus : ALSTOM Belfort et Grenoble, Ascoval, Ford à Bordeaux, cristallerie d’Arc, papeterie Arjowiggins, Whirpool, … Mais, derrière les noms symboles, il y a les faits : on produit trois fois moins de voitures, en France, en 2018 qu’il y a 15 ans ! La chute s’accélère.

Mais on nous présente, à chaque occasion, la métropole comme un territoire avec une météo économique inverse, et on nous promet une métropole « fabricante ». Il faut, pour cela, subventionner des acteurs supposés pleins de bonnes intentions. Mais, au fait, les acteurs de cette « Ruche industrielle » touchent combien de CICE ou de CIR ? Et pour en faire quoi ?

Sur le fond, nous sommes convaincus que le discours métropolitain sur l’industrie et l’économie ne peut inverser les logiques économiques profondes. On continue à nous faire croire que le problème de l’industrie est celui du coût du travail, comme si AIRBUS était installé à Toulouse parce que les salaires y sont plus bas ! La vérité est que l’industrie est d’abord un enjeu d’investissements, de cohérence des filières et de formation. La revue Fusions & Acquisitions Magazine montre que les acquisitions étrangères en France s’accélèrent et identifie les risques sur les brevets, les filières.

Vous savez tous, je l’espère, qu’une des premières mesures de GE rachetant ALSTOM a été de transférer les brevets dans une filiale Suisse… Pour reprendre le site, il faudrait aujourd’hui les lui racheter !

Selon le cabinet Trendeo, 48 % des investissements industriels dans le monde depuis 2016 ont été faits en Asie, 26 % sur le continent américain et, seulement, 17 % en Europe. Les projets les plus axés sur l’usine du futur sont concentrés dans les pays au PIB le plus élevé… pour l’Europe : le Danemark, l’Autriche et la Finlande… la France n’étant que septième ! …

Comme le dit André-Yves Portnoff, Professeur invité à HEG (Haute école de gestion) Fribourg sur la chaire Edgar Morin et de l’association « Manifeste pour l’industrie » : « La désindustrialisation de la France ? Pas une fatalité. Un choix délibéré par ignorance ou égoïsme myope. »

Il affirme que la meilleure manière de protéger l’industrie est de ne pas la brader… et que s’est-il passé sur le site de Bosch Vénissieux… un des plus grands groupes industriels mondiaux -75 milliards d’euros de chiffre d’affaires, 5 milliards d’euros de résultat net, 6 milliards d’euros d’investissements par an (principalement en Allemagne et en Europe de l’Est)-… mais qui se désengage de la France… son Directeur annonçant récemment, pour la première fois, la possible fermeture du site de Rodez ! …

Rappelez-vous du Préfet déclarant il y a un an : « On vous a donné en Crédit d’impôt compétitivité (CICE) et en Crédit d’impôt recherche (CIR) plus que vous n’investissez, (…) Et, en retour, vous voulez licencier sur le site de Vénissieux. Je n’accepte pas, il y a pas de raison que j’y perde autant. Nous attendons un retour sur investissement, sur le territoire. »

Alors, monsieur le Président, vous me direz, nous n’y pouvons rien et nous faisons tout notre possible pour la revitalisation industrielle de ce site et ce projet de « Ruche » peut y contribuer. Pourquoi pas ? … et nous ne sommes pas contre cette ruche industrielle, surtout si elle permettait de mettre à disposition des plateformes technologiques pour aider les TEP et PME… Mais, franchement, la présence de Bosch dans ce tour de table est symboliquement provocatrice : après avoir supprimé 1 000 emplois, le groupe met quelques milliers d’euros pour aider à la transformation numérique alors même que sa responsabilité serait de mettre des millions pour un réinvestissement dans l’industrie du futur dont ce groupe est pourtant un des champions.

Vous savez comme nous que le projet d’installation de NAVYA sur le site ne se fera pas et nous souhaitons, pour notre part, que la métropole accompagne le défi de la réussite de Boostheat, par exemple, en cherchant des sites publics susceptibles d’accueillir ses chaudières, comme le fait la Ville de Vénissieux.

En tout cas, nous dirons chiche à cette « Ruche industrielle », sans aucune illusion sur son impact réel mais en insistant pour que les plateformes qui seront développées soient mobilisables par les organismes de formation professionnelle du secteur -et notamment l’AFPA, le GRETA, le CERTA- qui sont tous confrontés à l’enjeu de l’accompagnement des salariés dans la transformation numérique des métiers de l’industrie.

Je vous remercie.