Un plan de gestion de la demande sans moyens nouveaux…

N° 2018-3259 - Plan partenarial de gestion de la demande de logement social et d’information des demandeurs (PPGID) 2018-2023 -

M. le Conseiller MILLET : Monsieur le Président, chers collègues, permettez-nous d’abord de demander pourquoi ce n’est pas la Vice-Présidente au Logement social qui présente cette délibération… Il est vrai que comme Maire, elle n’a pas jugé utile de donner l’avis de sa Commune… tout un symbole de la « macronie » ! …

Cette délibération est bien illustrative des terribles limites de nos institutions et de notre vie démocratique que le mouvement social bouscule avec raison. Dans les 42 revendications transmises par les Gilets jaunes aux députés, la proposition 1 dit brièvement : « Zéro SDF : URGENT » et la proposition 25 demande, d’une part, la « limitation des loyers » et, d’autre part, « plus de logements à loyers modérés ». Ces demandes percutent une réalité que nous connaissons bien avec une question simple…

Cette délibération contribue-t-elle à organiser une réponse à la hauteur de ces deux revendications ? Chacun connaît la réponse… Bien sûr que non ! … Les échanges du Bureau de la Conférence intercommunale confirment que ce qui est proposé, même pour les promoteurs de ce plan, n’interviendra que faiblement et progressivement sur le problème global du mal-logement. Tout simplement parce que l’écart entre l’offre et la demande se creuse, malgré nos efforts de construction, autant pour le logement que pour l’hébergement. La file d’attente des demandeurs dépasse désormais 65 000 demandes. Il faudrait 6 ans pour y répondre, sans aucune nouvelle demande, au rythme actuel d’attribution. Sans une augmentation radicale du parc, nous savons que la situation va continuer à se tendre et que, donc, toutes les mesures proposées ne vont pas réduire le mal-logement.

Cela ne veut pas dire qu’elles sont inutiles. Évidemment, les 11 000 attributions annuelles sont autant de familles ou de personnes qui ont trouvé une solution, pas idéale bien sûr mais toujours digne et assurant un droit fondamental. Certaines propositions nous aideront à mieux gérer les demandes, notamment en faisant mieux correspondre les propositions : par exemple en utilisant les 5 000 logements en sur-occupation pour répondre aux 5 000 logements en sous-occupation… ce qui pourrait faire des milliers de demandeurs satisfaits même si, bien sûr, il y a d’autres critères de choix du logement et, donc, de satisfaction… Mais, les mesures proposées prendront des années pour avoir un effet quantitatif et ne feront que freiner une pression en hausse !

Nous pourrons donc, dans l’avenir, entendre une nouvelle fois cet appel qui a désormais 64 ans :

« Mes amis, au secours… Une femme vient de mourir gelée, cette nuit à trois heures, sur le trottoir du boulevard Sébastopol, serrant sur elle le papier par lequel, avant-hier, on l’avait expulsée… »

Vous en connaissez tous l’auteur, et vous savez aussi que ce n’est pas une vieille histoire. Vous trouverez sans difficulté les articles de presse évoquant les morts de froid à la rue l’hiver dernier… et vous n’avez pas encore oublié les deux incendies meurtriers liés à l’habitat indigne à Aubervilliers ou l’effondrement meurtrier à Marseille cet automne… Vous me direz, ce n’était pas le logement social mais si l’habitat indigne existe, c’est bien que les demandeurs de logement social en attente y sont contraints !

Il faut le dire et le répéter : il n’y a pas de bonne gestion de la demande tant qu’il y a un tel écart entre l’offre et la demande. Et ce plan intervient une année après l’attaque gouvernementale brutale contre les APL et les bailleurs, attaque justifiée par un « choc de l’offre », pour construire plus et moins cher, dont nous connaissons tous le résultat : un choc inverse, cassant la tendance précédente à la hausse dès l’automne 2017, confirmée par une baisse de 5 % en 2018.

Redisons-le d’une manière simple : ce que les demandeurs demandent, ce n’est pas un plan de gestion de la demande, c’est un logement.

Cela dit, ce n’est pas une raison pour ne pas améliorer une gestion de la demande très critiquée par des demandeurs, qui la pensent non transparente et inéquitable.

Notons que les défauts d’une organisation métropolitaine, qui n’a pas les moyens d’un fonctionnement démocratique à la hauteur de ses compétences, ont conduit à une préparation de ce plan bien peu participative -une seule Conférence intercommunale du logement pour en discuter, un Bureau de cette conférence inexistant, un service d’accueil et un portail mis en place avant toute validation politique, sans aucun dialogue avec les Communes concernées-.

Mais le plus important est le choix de la Métropole de faire reposer le projet sur le volontariat des Communes et des bailleurs. Nous aurions pu faire un choix radicalement différent, en séparant relation citoyenne avec les demandeurs, pour assurer leurs droits à l’information, objectif de la loi ALUR, et relation entre demandeurs et bailleurs. La Métropole aurait pu créer partout des Maisons de l’habitat et du logement, adossées aux Maisons de la Métropole, véritables lieux ressources pour les habitants dans le cadre de leur démarche en matière d’accès et de maintien dans le logement social, rendant visible l’engagement de la Métropole dans sa compétence logement.

Cette ambition n’a pas été retenue, et ce plan s’appuie sur le réseau d’acteurs et les moyens existants avec le risque de ne pas répondre aux objectifs affichés.

  • Aucun moyen supplémentaire pour l’accompagnement des demandeurs, alors que de nouvelles missions pèseront sur les Maisons de la Métropole.
  • L’accès au service d’accueil sera inégal sur le territoire.
  • L’augmentation des délais d’attente peut renforcer la méfiance des demandeurs et leur perception négative du système de gestion de la demande de logement social.

Pour autant, ce plan contient de nombreuses actions utiles aux acteurs du logement.

  • La construction d’un véritable réseau des professionnels du logement social favorise la cohérence et la qualité des relations avec les demandeurs.
  • Une définition partagée des priorités doit permettre une meilleure réponse aux demandes de mutation, aux demandes liées aux handicaps, aux demandeurs non attributaires après passage en commission d’Attribution.
  • Le renforcement du dispositif de gestion partagée des demandes de logement social à l’échelle métropolitaine, via le fichier commun de la demande et son portail public « logementsocial69.fr ».

Cependant, la prise en compte des publics prioritaires se heurte au décalage toujours plus grand entre les besoins et la capacité d’y répondre, autant en termes de nombre de logements que de niveau de loyers. De même, l’augmentation des besoins d’accompagnement pour l’accès et le maintien dans le logement se heurte aux limites de nos services et des subventions aux associations engagées dans ces actions (FSL, SAVS, SAMAH).

Le nombre de demandeurs prioritaires augmente, par l’augmentation globale du nombre de demandeurs mais aussi par la baisse du revenu médian des demandeurs, signe de l’aggravation de la pauvreté -y compris des salariés-. L’augmentation des situations d’impayés devrait conduire à développer et renforcer de manière significative les CAPEX, ce que ne propose pas ce PPGID.

C’est pourquoi nous continuons à demander, dans le cadre de ce plan :

  • Le renforcement des moyens humains et, notamment, des postes de travailleurs sociaux dédiés au logement.
  • La participation des offices métropolitains aux lieux d’accueil labellisés des Communes où ils sont présents, comme objectif de la subvention que nous leur versons.
  • La définition de règles de répartition de l’accueil de niveau 3 entre les villes, les associations et la Métropole.
  • Le renforcement des outils de caractérisation du parc social au travers des critères usuels de choix des demandeurs, sans le limiter à la location choisie mais de manière générale pour aider, notamment lors de l’entretien conseil de niveau 2, à mieux évaluer le lien entre critères de choix et délai d’attente.

Au total, un plan qui mobilise des acteurs du logement qui font beaucoup, du mieux possible, dans un cadre politique qui n’est absolument pas à la hauteur du défi du mal-logement. Un plan, que nous voterons pour les mesures utiles qu’il contient mais dont nous pouvons prédire qu’il ne réduira pas le ressentiment de tant de nos concitoyens devant les situations d’urgence et les délais d’attente.

Je vous remercie.