M. le Conseiller MILLET : Monsieur le Président, chers collègues, il est assez instructif de discuter ensemble la feuille de route du tri des déchets et le plan de Prévention : d’un côté, un ensemble d’actions très opérationnelles que nous soutiendrons -en insistant sur certaines- et, de l’autre, un plan global tout à fait représentatif de ce que nos politiques publiques produisent en grande quantité… des rapports, des plans, des stratégies qui font couler beaucoup d’encre et de salive, mais dont on a souvent du mal à mesurer l’impact réel sur les objectifs affichés… Bien entendu, le groupe Communiste ne critique pas le principe d’un plan pour conduire une politique publique, au contraire, mais l’enjeu est bien celui des moyens de la politique publique que ce plan doit réaliser et les outils démocratiques de son évaluation par les citoyens. La crise sociale et politique actuelle montre qu’il faut se méfier des faux consensus et, de ce point de vue, il aurait été plus clair de séparer la présentation du rapport par la Vice-Présidente et l’intervention du groupe politique EE-LV.
Nos remarques sur ce plan ont fait l’objet d’une contribution détaillée. Notons que nous avons la mission TEOM qui poursuit son travail, le groupe politique Déchets animé par Thierry Philip, la Commission consultative d’élaboration et de suivi présidée par Émeline Baume pour ce PLPDMA… Peut-être peut-on simplifier…
D’abord, un point de vocabulaire : les mots ne sont jamais neutres. La formule « prévention des déchets », comme on parle de prévention des accidents ou des incivilités, porte en elle, au fond, la dévalorisation des déchets considérés comme illégitimes, illégaux en quelque sorte alors que les déchets font partie de la vie naturelle et que leur gestion est une invention de l’urbanisation, du préfet Poubelle au code de l’Environnement. Certains les appellent « minerai urbain », une ressource dont l’enjeu est bien dans les conditions de sa valorisation !
C’est pourquoi nous insistons sur notre responsabilité générale sur ce que nous produisons et comment nous le produisons, le distribuons et le récupérons pour le valoriser en réusage, recyclage, transformation ou même incinération -qui n’est pas un gros mot-. Parler d’économie circulaire, c’est justement considérer le déchet non comme un mal mais comme un moment du cycle général de la production et, donc, comme une ressource. Permettez-moi une analogie simple, celle de l’eau. L’eau que l’on consomme n’est pas un déchet, même si nous la rejetons. L’enjeu du cycle de l’eau n’est pas dans le volume d’eau qui est constant sur terre dans ses différentes formes, mais dans notre impact sur la pollution de l’eau et, donc, le coût de son traitement. Au final, toute production de déchet doit s’analyser dans le rapport entre sa valeur d’usage et son coût de traitement global.
Nous prenions dans notre contribution l’exemple des couches-culottes… Qui peut décider à la place de la mère ? C’est le plus souvent elle qui en décide, de l’usage ou non de couches jetables ? Et qui a décidé de la conception de ces couches en tenant compte de leur cycle de vie global incluant leur collecte et traitement ?
Notre deuxième commentaire porte sur le bilan et l’analyse des difficultés rencontrées, notamment ces deux dernières années -après des progrès significatifs de 2005 à 2015-, avec une stagnation du volume de déchets, une nette baisse de la collecte sélective et de la qualité du tri. La feuille de route montre que nos services ont de nombreuses propositions qui résultent évidemment du bilan qu’ils tirent de leurs diverses expériences, mais il nous semble que cela devrait faire l’objet de manière beaucoup plus objective et transparente d’une partie du rapport.
Il faudrait, c’est un troisième commentaire, prendre en compte les données territorialisées à la fois du MODECOM (MéthOde DE Caractérisation des Ordures ménagères), qui nous indique ce que nos concitoyens rejettent, et des données quantitatives et qualitatives de la collecte. Il était frappant de constater, dans le dernier MODECOM, les différences territoriales significatives selon les typologies de quartier, mais nous ne semblons pas en tenir compte dans nos actions -que ce soit celles de prévention du PLPDMA ou cette feuille de route-.
Enfin, sur ce PLPDMA, nous demandons l’étude d’une filière de valorisation des biodéchets et, donc, des conditions de leur collecte, sachant que le développement du compostage individuel et local est pertinent pour sa valeur pédagogique mais ne peut apporter de réponse à la hauteur du gisement, d’autant qu’il est émetteur de gaz à effet de serre.
Nous demandons aussi de renforcer les actions en direction des réseaux de distribution pour les emballages, les actions en direction des marchés. À l’inverse, nous ne croyons pas réaliste de proposer la fin des textiles sanitaires, qui sont une nécessité absolue dans la santé, ni des imprimés, sachant que le coût environnemental du numérique peut être bien supérieur au coût d’une filière papier recyclée.
Nous demandons d’étudier un véritable observatoire des usages et des techniques pour partager une connaissance des alternatives à un déchet -de la conception du produit à sa production et sa distribution-, pour chercher le meilleur compromis entre qualité d’usage, coût économique et coût environnemental complet et faire apparaître aussi les « mauvaises pratiques » qu’il faudrait réduire, voire interdire !
En conclusion sur le PLPDMA, nous ne pensons pas que l’objectif de réduction de -1,5 % par an soit adapté, d’autant plus qu’il est très éloigné du dernier chiffre connu (-0,2 % entre 2015 et 2016). Sans le construire à partir de choix plus précis selon les déchets et les actions décidées, il n’est qu’un « vœu » -comme les 1,5°C pour l’évolution du climat-, il est plus l’enjeu d’un débat médiatique que d’une vraie décision politique. L’objectif de 1,5 % par an, appliqué depuis le dernier chiffre connu (297,4kg/habitant en 2016), conduirait à une réduction d’un tiers des volumes de déchets en 2024. Les moyens accordés à cette politique, centrée sur la sensibilisation, sont totalement insuffisants pour espérer atteindre un tel objectif ! C’est d’abord la part des déchets non recyclés qui doit nous préoccuper. C’est celle-là qu’il faut réduire -soit qu’on réduise le déchet à la source, soit qu’on trouve comment le trier et le valoriser- !
Pour conclure sur la feuille de route du tri, nous nous félicitons d’une délibération concrète, détaillée, excellent support de dialogue avec les citoyens sur ce que nous pouvons améliorer et qui ouvre de nombreuses perspectives d’évolution du service public. Nous apprécions particulièrement le souci de la relation avec les partenaires et les Communes, la prise en compte des débats sur le financement -y compris de la collecte des déchets assimilés-. Il faudra, bien sûr, que les moyens nécessaires à certaines actions soient évalués et présentés lors de prochaines délibérations.
Nous proposons d’ajouter une action sur les marchés forains dans l’axe 2, et d’avoir une attention particulière aux relations avec les bailleurs sur deux aspects. Le premier, dans l’axe 6, concerne la collecte des encombrants par les bailleurs qui, pour nous, doit être organisée avec la Métropole et dans le cadre du service public et de son financement pour éviter le piège de messages contradictoires entre le message déchetterie et celui des bailleurs. Le deuxième, dans les axes 2 et 6, sans doute concerne le lien entre gestionnaire de bacs et équipe de collecte autour de l’optimisation d’un effort partagé opérationnel, en recherchant les conditions pour que le gestionnaire de bac soit un acteur de la qualité des bacs de tri qu’il remet à la collecte.
Au total, nous voterons ces deux délibérations.
Je vous remercie.