La politique et les femmes engagées en politique méritent mieux que ça !

N° 2018-3185 - Rapport annuel sur la situation en matière d’égalité entre les femmes et les hommes - 2018 -

Mme la Conseillère PEYTAVIN : Monsieur le Président, vous nous présentez dans ce rapport -que madame Rabatel a fort bien développé- la situation de l’égalité entre les femmes et les hommes, en nous proposant un Plan d’action triennal autour de 3 axes :

  • Le 1°, c’est la Métropole qui s’engage à développer les cultures communes de l’égalité femmes-hommes.
  • Le 2° axe, la Métropole s’engage à promouvoir l’égalité femmes-hommes dans ses politiques RH.
  • Et dans le 3° axe, la Métropole s’engage à promouvoir l’égalité hommes-femmes (ou femmes-hommes) dans ses politiques publiques.

Au moment où nous débattons de ce rapport et de ce plan d’action, la campagne de l’ONU « Tous unis pour mettre fin à la violence à l’égard des femmes et des filles » s’achève. Elle avait débuté le 25 novembre, Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes.

En lien avec le sujet, l’orientation 2.6 de l’axe 2 dit « prévenir les violences faites aux agents sur leur lieu de travail et lutter contre le harcèlement sexuel et le harcèlement moral ». Donc, effectivement, ce plan d’action l’interroge. L’objectif affiché est positif.

Bien sûr, nous le soutenons mais il appelle plusieurs questions et remarques. Une fois la violence ou le harcèlement constaté, quelles décisions seront prises par la Métropole ? Quelles seront les suites pour les agents, victimes ou agresseurs ? Ce sont des questions auxquelles le plan d’action n’apporte pas de réponse concrète.

Aujourd’hui, la violence à l’égard des femmes est une des violations des Droits de l’homme les plus répandues. Selon l’Organisation mondiale de la santé, une femme sur deux tuée dans le monde a été assassinée par son partenaire, son conjoint ou sa famille et, en France, les chiffres sont terribles et empirent chaque année : une femme meurt tous les trois jours sous les coups de son compagnon ou de son ex-compagnon.

Malheureusement, la violence à l’égard des femmes et des filles est aussi une des moins signalée par les victimes, qui n’osent pas, souvent, se faire connaître pour des raisons qui ne devraient plus exister et contre lesquelles nous devons lutter : sentiment de honte, peur de représailles, crainte quant à l’impunité ou la clémence dont bénéficieront les agresseurs, intériorisation des représentations selon lesquelles une femme victime de violence l’a mérité.

En France, en 2018, 14,4 % des femmes déclarent avoir été victimes de violence sexuelle au cours de leur vie mais le taux des plaintes n’est que de 12 % pour les viols et 10 % pour les agressions sexuelles.

En France, la question de l’égalité hommes-femmes, c’est sûr, est de mieux en mieux prise en compte dans le cadre législatif et réglementaire, et par les politiques publiques : ce qui permet d’avancer dans la lutte contre les violences.

D’énormes progrès ont été accomplis depuis la loi sur la Répression du viol en 1980, la loi sur le Harcèlement sexuel en 1992, la loi de 2006 renforçant la Prévention et la répression des violences au sein du couple, la loi de 2014 pour l’Égalité réelle entre hommes et femmes, la loi de 2015 améliorant la Protection des femmes demandeuses d’asile victimes de violence et, en août dernier (le 03/08/2018), la loi renforçant la Lutte contre les violences sexuelles et sexistes qui élargit, notamment, la définition du harcèlement en ligne.

Malgré toutes ces lois, il reste encore beaucoup à faire. Les belles intentions affichées par les plans interministériels de lutte contre les violences faites aux femmes qui se sont succédé ne sont jamais suivis de moyens à la hauteur des enjeux. Malgré l’affichage de l’égalité entre les femmes et les hommes comme grande cause du quinquennat, le Président et le Gouvernement actuels ne semblent pas encore avoir pris la mesure du problème.

Le fait que les politiques pour l’égalité femmes-hommes ou contre les discriminations ne bénéficient que d’un secrétariat d’État, et pas d’un véritable ministère, n’est qu’un exemple.

La semaine dernière, le Haut Conseil à l’égalité dénonçait un budget très largement insuffisant pour lutter contre les violences que subissent chaque année 225 000 femmes en France.

En matière d’hébergement d’urgence aussi, l’État ne joue pas son rôle de protecteur des victimes. Seules 5 000 places existent aujourd’hui, alors qu’il en faudrait 16 000 pour répondre à la demande. Un peu partout, donc, les Communes, les collectivités, les associations compensent le manque d’engagement de l’État en finançant les mises à l’abri.

À Vénissieux, nous avons fait le choix de mettre à disposition des femmes victimes de violence, et de leurs enfants, un logement et de leur proposer un accompagnement social en lien avec notre partenaire, l’association de victimes, et l’intervenant social du Commissariat de police. Nous réfléchissons, par ailleurs, à mutualiser ce logement avec celui de la Ville voisine -à savoir Saint Fons- pour pouvoir, quand c’est nécessaire, faire bénéficier cette femme d’un éloignement géographique important.

Longtemps, les violences faites aux femmes sont restées tues. Lentement, des prises de conscience de la société et un nouveau rapport à ces violences émergent permettant une avancée pour la cause des femmes. L’année dernière, la forte médiatisation des mouvements « MeToo » ou « BalanceTonPorc », l’implication de personnes ont permis la prise de conscience sur le phénomène du harcèlement sexuel.

Une grande majorité de femmes subissent à un moment ou un autre de leur vie sociale ou professionnelle, et ces mouvements ont pour effet de libérer la parole des victimes de viol et d’agressions sexuelles et de porter l’opinion à les entendre. Ils ont, enfin, permis de mettre fin à l’impunité dont bénéficiaient les auteurs de ces actes. Cette libération de la parole a été facilitée et relayée par les réseaux sociaux.

« Réseaux sociaux », parlons-en… parce que, malheureusement, ces mêmes réseaux sociaux sont aussi devenus des outils pour les agresseurs. Le cyberharcèlement est une forme de violence psychologique nouvelle, insidieuse dont les conséquences sont bien réelles et durables : sentiment d’infériorité, repli sur soi, perte de confiance. Loin de ne concerner que les adolescents, ces pratiques ont essaimé partout et, notamment, dans la sphère publique.

Il est déjà difficile, aujourd’hui pour les femmes, de trouver leur place en politique : les femmes ne représentent que 40 % des élus à l’Assemblée nationale et 32 % au Sénat et, malgré la parité imposée par la loi dans les assemblées locales, les femmes sont peu présentes dans les exécutifs : seules 7 % des maires sont des femmes et elles ne sont que 10 à diriger un département.

Or, si les hommes et les femmes politiques sont attaqués avec une virulence égale, par le biais des réseaux sociaux, force est de constater que les femmes le sont souvent en fonction de leur genre plus que de leur appartenance politique… critiques liées au physique, au style vestimentaire, à l’âge, à la maternité, à la couleur des cheveux… Rien n’est épargné aux femmes qui font preuve d’engagement ! La politique et les femmes engagées en politique méritent mieux que ça !

Les propos nauséabonds, sous couvert de blogs et de pages Facebook prétendant ouvrir à un débat d’idées, témoignent de la lâcheté de leurs auteurs. Ils démontrent, s’il en était encore besoin, le courage et la persévérance dont font preuve les femmes engagées et élues en politique malgré les attaques dont elles font l’objet, malgré les barrières qu’il reste à faire tomber.

Les femmes ont toute leur place sur la scène politique et, malgré ces comportements indignes du débat public, il faut qu’elles soient de plus en plus nombreuses à s’engager et à faire entendre leurs voix.

Enfin, je vais finir -si vous me permettez, monsieur le Président, car j’ai dépassé le temps imparti mais d’autres l’ont fait avant moi- en lançant un appel aux hommes qui veulent s’engager aux côtés des femmes pour lutter contre toutes les formes de violence.

Et c’est pour cela que je m’adresse à vous, monsieur le Président, et que je vous interpelle directement pour vous dire à quel point nous avons été choqués par votre absence de réaction et de réponse lorsqu’une femme, élue de cette assemblée, vous a informé des insultes sexistes dont elle a été victime via le blog d’un individu dont je tairai le nom mais qui se trouve être un agent employé à la Métropole. Cette élue a déposé plainte, et elle a gagné en deux fois : en 1° instance et en appel mais, là aussi, silence de votre part.

Alors, moi personnellement, j’ai assisté aux deux audiences et quand j’ai entendu, de la part de l’avocat de la Défense, qu’un Vice-Président de cette assemblée avait rédigé un courrier attestant de la moralité de l’individu concerné, je peux vous dire que j’en suis restée abasourdie. Comme quand j’ai découvert que le Député de la XIV° circonscription du Rhône -qui, pourtant, a voté un nombre conséquent de lois promulguant les Droits des femmes et luttant contre les violences, dont la dernière (le 03/08/2018)- avait lui aussi apporté son soutien à l’accusé.

Voilà, monsieur le Président, ce que je voulais vous dire et ce que je voulais dire à cette assemblée, et j’espère de tout cœur que les femmes agents de la Métropole seront soutenues par la Métropole et son Président.

Merci.

MONSIEUR LE PRÉSIDENT : Monsieur Grivel ?

M. le Vice-Président GRIVEL : Les remarques de notre collègue du groupe Communiste s’entendent toutes puisqu’on sent très bien que ces remarques sont faites à partir de la vie des gens : on est au cœur de la vie de ceux qui subissent un certain nombre de difficultés, de discriminations et de harcèlements.

Je veux simplement vous dire que le Numéro vert est fait pour que chacune et chacun puissent avoir un recours tout à fait impersonnel (en tout cas sur le plan de la neutralité), puissent avoir un référent et puissent avoir la possibilité de contacter quelqu’un en toute discrétion. C’est pour cela que le Numéro vert prend de l’essor, et c’est important.

Vous avez aussi fait allusion à ce que fait la Métropole. La Métropole, ce n’est pas une personne tout à fait sans contenu. Derrière, il y a un certain nombre de gens qui interviennent : ils relèvent des médecins, des psychologues. La structure en tant que telle a des managers, que nous formons aujourd’hui, voire certains secteurs associatifs, qui prennent le relais des travailleurs sociaux, et voire, à un certain moment, il y a aussi l’aide des organisations syndicales, qui jouent un rôle non négligeable.

Enfin, pour ce qui concerne les remarques que vous avez faites sur le plan partiel, je voudrais aussi vous dire que ces remarques sont utiles mais il faut compléter ces remarques avec le souci d’avoir une ouverture car ce sont des femmes et des hommes… Une ouverture à la demande et une certaine souplesse en matière de contrat du travail puisque, quand il y a une demande de 80 %, il faut savoir dire oui et quand, quelques années ou quelques mois plus tard, il/elle demande à revenir à 100 %, il faut savoir dire oui.

Donc, c’est à la Métropole d’avoir de plus en plus cette réponse immédiate pour coller à la réalité de vie des familles des uns et des autres et avoir cette souplesse permanente.

Enfin, bien sûr, la dernière remarque concernant les élus. Je voudrais simplement vous dire que je comprends très bien qu’on puisse avoir le souci des élus puisque, effectivement, nous sommes dans un exécutif qui compte 24 Vice-Présidents, dont 8 femmes ; 27 membres à la Commission permanente, dont 10 femmes ; 113 Conseillers, dont ¼ de femmes. Évidemment, nous ne sommes pas dans l’équilibre, mais je pense que les temps qui viennent modifieront cela sensiblement.

Je voudrais simplement vous dire que je ne voudrais pas que l’on change l’angle de ce rapport annuel. Il s’agit, effectivement, de regarder la vie de tous les jours et le travail de 9 200 agents. C’est un rapport qui concerne les agents de la Métropole de Lyon et que l’on y consacre un moment, que l’on regarde de quelle manière nous pouvons améliorer notre intervention auprès d’eux : ils le méritent.