M. le Conseiller MILLET : Monsieur le Président, chers collègues, nous ne pouvons que partager les six ambitions de cette contribution pour des mobilités plus propres, plus connectées, plus solidaires, plus intermodales, plus sûres, plus soutenables. Mais nous ne comprenons toujours pas le non-dit permanent du discours métropolitain de la mobilité sur la place du rail pour ces objectifs. Nous savons tous qu’il est plus propre, plus sûr, plus soutenable, plus solidaire dans le cadre d’un service public. Et l’enjeu central de la mobilité métropolitaine devrait justement être de le rendre plus connecté, plus intermodal, en affirmant l’ambition d’une intégration forte du rail à dimensions régionale et nationale et du réseau de transports en commun -ce qui ne se limite pas, loin de là, à la question du ticket évoquée par plusieurs intervenants mais pose, bien sûr, la question d’une articulation de type RER, point sur lequel nous rejoignons notre collègue de l’UDI-.
Malheureusement, cette ambition est absente et cela vous enferme dans des décisions engagées par votre prédécesseur -comme l’Anneau des sciences, qui avait fait l’objet d’un riche débat public, dont on comprend bien qu’il est désormais derrière nous, avec le COL dont l’ancien Président devenu ministre a enfin confirmé ce que nous savions tous, il n’en voulait pas !-. L’expression « Anneau des sciences », qui semblait promettre une vision d’intégration entre est et ouest s’inscrivant dans la réduction de la part modale de la voiture, est réduite à l’objectif de « boucler le périphérique lyonnais », tout un symbole quand on connaît à l’est la fracture urbaine que représente ce périphérique et l’injustice territoriale explosive de consacrer tous nos efforts à un périphérique ouest « au Top », si je peux me permettre.
Les mots « rail » et « train » sont absents de ce texte et le mot « gare » n’est cité que deux fois. La désaturation du Nœud ferroviaire lyonnais est présenté dans la logique d’un grand hub multimodal au cœur de la métropole basé sur les grandes gares de Saint-Exupéry -au passage, qui se trouverait donc au cœur de la métropole-, de Perrache et Part-Dieu, en totale incohérence avec le SCOT et son approche d’une métropole multipolaire dans laquelle les autres gares devraient jouer un rôle essentiel. C’est tout le projet absent du PDU à long terme qui manque dans cette contribution.
Le jeu institutionnel historique de la concurrence entre la Métropole, en projet, et la Région, ambitieuse, exacerbé par des oppositions politiques factices nous prive de l’ambition d’un report modal massif de la voiture vers le train pour les mobilités radiales quotidiennes, condition pour réduire la charge sur le périphérique, condition aussi pour une vraie intermodalité rail-transports en commun.
De plus, comme nous l’avions fait remarquer au moment du PDU, si nous avons des résultats significatifs dans le développement des transports en communs, le PDU limite son ambition aux capacités financières connues. Autrement dit, il n’est pas à la hauteur des besoins pour changer vraiment de modèle de mobilité métropolitaine.
Permettez-moi de penser qu’il y a un lien étroit avec les débats actuels sur la SNCF et, sur ce point, je ne sais pas si notre collègue de l’UDI nous suivra. Car, au fond, le courant politique dominant à Gauche et à Droite qu’a rassemblé le mouvement « En marche » ne croit qu’au marché, et plus au service public. En 1938, la création de la SNCF répondait à l’incapacité du privé et du marché à répondre aux besoins, et il fallait déjà gérer leur dette colossale et certains proposaient déjà de remettre en cause le statut, dans le contexte de la fin du Front Populaire.
50 ans plus tard, à l’orée des années 1990, le grand service public de la SNCF était cité en exemple pour sa régularité, et c’est le choix politique de lui faire financer le TGV qui a replongé sa dette. Depuis, -à coups de restructurations, de filialisations comme « OuiGo », d’externalisations, de désinvestissement sur la maintenance, d’abandon scandaleux du fret-, ce sont les choix des Gouvernements successifs qui, derrière l’alternance, sont tous allés dans le même sens de la mise en cause du service public. Vous avez rendu malade la SNCF et vous voulez, aujourd’hui, tenter de porter le dernier coup.
Et pour le fret, nous avons l’expérience de la privatisation ! La SNCF service public transportait, il y a 30 ans, 50 millions de tonnes-kilomètres de fret. Les 5 opérateurs, dont 4 privés, de la dérèglementation transportent aujourd’hui 32 millions de tonnes-kilomètres. Voilà la vérité de l’efficacité de vos solutions économiques.
Nous ne vous laisserons pas faire ! Et nous appelons tous les élus qui s’intéressent à la mobilité métropolitaine à prendre connaissance des propositions alternatives des syndicats de cheminots, à refuser le faux débat du statut -cette manipulation médiatique d’un Président qui veut faire croire que la mise en cause du statut des cheminots donnerait des retraites aux paysans-, à poser les questions décisives de l’ambition du rail pour l’aménagement du territoire, du niveau de service attendu, des investissements nécessaires pour une infrastructure qui ne peut être rentable aux délais des exigences d’actionnaires et qui ne peut se justifier que dans le très long terme des politiques publiques.
Nous serons jeudi à la manifestation des cheminots, avec les fonctionnaires, les hôpitaux et Ehpad, … Le printemps se prépare, chers Collègues !