M. le Conseiller MILLET : Monsieur le Président et chers collègues, sur les trois délibérations, la première -que nous voterons- subventionne le remplacement de vieux foyers bois individuels, un des principaux émetteurs de poussières, notamment en hiver, et nous nous en félicitons.
Mais, comme la deuxième cause d’émissions polluantes -comme vient de le dire notre collègue- est la voiture, cette délibération, plutôt que d’aller vers des zones de péages urbains, légitimerait une politique de subvention pour le changement des vieux véhicules les plus polluants. D’autant que les foyers bois se trouvent dans les propriétés individuelles, donc plutôt les couches sociales aisées, ce qui nous conduit à différencier le niveau de subvention quand les vieux véhicules, souvent diesel, se trouveront toujours dans les familles populaires et précaires.
La deuxième délibération reconduit les subventions à ATMO, dont le travail d’observation, d’accompagnement et de communication est indispensable à nos politiques publiques pour la qualité de l’air.
Cependant, nous attirons l’attention sur des messages simplistes, qui deviennent faux et qui n’aident pas les citoyens à comprendre les enjeux et les priorités. De ce point de vue, il est dommage que le dernier rapport de Santé publique France évoque 48 000 décès anticipés dus à la pollution de l’air en précisant -je cite- : « À titre de comparaison, en 2008, les accidents de la route ont fait 4 403 victimes. Le tabac est, quant à lui, responsable de 78 000 décès par an ». Cette phrase, extraite de son contexte, conduit à croire que la pollution de l’air est dix fois plus grave que les accidents de la route et presque aussi grave que le tabac. Or, c’est faux. Il faut parler d’espérance de vie, de nombre de mois de vie perdus, ce que fait d’ailleurs le rapport ensuite. Il faut dire non pas 48 000 décès évités mais 48 000 décès retardés. Le catastrophisme alimente tous les complotismes et dévalorise des politiques publiques efficaces depuis dix ans.
Bien sûr, les messages simples comme « la pollution de l’air fait 48 000 morts par an » ont beaucoup de succès médiatique, trop souvent pour en faire un instrument de peur qui éloigne le citoyen de la réalité. Rappelons que l’espérance de vie a baissé en France en 2015 non pas à cause de la pollution mais d’une plus faible vaccination des personnes âgées contre la grippe, de la canicule de juillet et d’un épisode de froid. Autrement dit, l’accompagnement des personnes âgées contre la précarité énergétique, pour une médecine préventive et contre l’isolement aurait un effet plus important sur la surmortalité des personnes âgées que la baisse de la pollution, cette année-là en tout cas. Rappelons aussi que l’espérance de vie, sur une longue période, a augmenté depuis plusieurs années : on ne perd pas neuf mois d’espérance de vie, on gagne neuf mois de moins.
En fait, tout le monde oublie l’enjeu principal de l’espérance de vie qui concerne d’abord la situation sociale et le sexe. Ainsi, les femmes cadres qui vivent plutôt dans des zones urbaines de centre-ville ont une espérance de vie bien supérieure aux hommes ouvriers vivant dans les zones périurbaines. Mieux, nous respirons un air de bien meilleure qualité que ce que nous respirions il y a quelques décennies et il s’agit, au contraire, de continuer à observer, prioriser et agir pour la réduction des émissions.
La troisième délibération met l’accent sur la qualité de l’air par le numérique. Une start-up numérique a forcément le vent en poupe dans l’ère Macron. Rappelons que le numérique ne produit que des 1 et des zéros et que c’est à travers des outils de production physique, donc non numérique, qu’il peut piloter la production ou la réduction de quoi que ce soit.
D’autre part, notons que ce monde merveilleux des applications numériques à l’ère de la mobilité est un merveilleux monde du jetable, bien loin des discours sur le développement durable. Il est vrai que le numérique ne pèse rien et que ses déchets n’ont pas besoin d’être recyclés, sauf que tout cela consomme de l’énergie. Les géants du web sont des énergétivores dont il faudrait mieux faire connaître le coût en pollution de l’air. Cependant, nous voterons aussi cette délibération car la mise à disposition de données numériques sur la qualité de l’air est évidemment une bonne chose et il est utile de le financer, de permettre au maximum d’acteurs d’utiliser ces données intelligemment.
Mais la vérité est que la réduction des émissions est d’abord un enjeu sur les moyens de chauffage et de transport. De ce point de vue, nous pensons, pour notre part, qu’il faudrait renforcer les moyens d’observation et de recherche d’ATMO, par exemple pour mieux assurer le couplage entre modèles et observations, ce qui suppose de renforcer la capacité de mesures.
Je vous remercie.