Qualité de l’air : pour un vrai débat citoyen !

N° 2016-1304 - Métropole respirable - Démarche d'amélioration de la qualité de l'air -

M. le Conseiller MILLET : Monsieur le Président, chers collègues, cette délibération nous propose d’adopter les recommandations de l’OMS comme objectif global à atteindre en 2030 et nous soutenons cet objectif. Ce plan Métropole respirable, ou plan Oxygène, doit aboutir à des propositions qui seront soumises à une consultation des habitants, des Communes et autres acteurs de la qualité de l’air ; en tout cas, c’est qui est écrit dans la délibération et je regrette qu’aucun des intervenants ne l’ait évoqué dans la présentation. Nous pensons qu’on devrait arriver à un programme détaillé et définitif en fin d’année 2016. Nous pensons qu’il faudra prendre le temps nécessaire et que ce délai paraît un peu court, d’autant qu’il faut l’articuler avec les pouvoirs de police des Maires.

Cependant, pour un vrai débat citoyen, il faut faire appel à l’intelligence des habitants et éviter le catastrophisme qui conduit le plus souvent à des réactions populistes. L’étude récente plaçant l’impact sanitaire des particules fines au même ordre de grandeur que le tabagisme et l’alcool doit, par exemple, être présentée en soulignant les progrès qui ont été faits ces dernières années et qui peuvent donc être poursuivis et bien entendu en évitant toute conséquence parasite du type de celle qu’a citée Thierry Philip : « Le tabac, on s’en fout puisque de toute façon l’air est déjà pollué », d’autant que la responsabilité respective du tabac et des poussières, dans les évaluations de décès, n’est pas identique. J’aurais souhaité que Thierry Philip précise la notion de décès prématurés parce qu’un décès prématuré de trois ans à cause des pollutions ou n’est pas de même nature qu’un décès prématuré de quinze ans par tabagisme.

L’excellent film-documentaire Demain montre qu’on peut tenir sur ces enjeux cruciaux un discours positif qui appelle à l’effort de compréhension et d’action, loin du marketing des peurs dont beaucoup d’ONG États-uniennes sont spécialistes, loin du slogan « Penser global, agir local » qui paraît si naturel que personne ne réalise qu’il nous pousse donc à ne pas penser sur nos actions locales, autrement dit à ne faire qu’appliquer sans réfléchir ce que l’idée dominante du moment nous propose et qu’il ne faut évidemment pas agir globalement, c’est-à-dire faire de la politique pour changer de société.

C’est au contraire en faisant de la politique qu’on peut répondre à ce sentiment que de toute façon tout le monde triche, après le scandale de la fraude aux normes d’un constructeur automobile. C’est la puissance publique qui a la responsabilité d’organiser les contrôles et les mesures et, comme nous avons Air Rhône-Alpes pour l’air ou l’ASN pour le nucléaire, il faut une agence publique de contrôle des émissions des véhicules ou systèmes potentiellement polluants.

De même, il faut tenir compte des données qu’a rappelées Thierry Philip : sur quinze ans, on a une forte baisse de l’ensemble de nos émissions et, donc, l’enjeu qui nous est posé c’est bien de poursuivre ces efforts parce que, si nous avons la même baisse des émissions dans les dix prochaines années que celle que nous avions dans les quinze dernières, nous serons certainement proches de l’objectif des normes de l’OMS.

Il faudrait d’ailleurs une étude sur une plus longue durée car je suis convaincu qu’aujourd’hui, nos enfants respirent dans l’agglomération un air beaucoup moins pollué que celui que nous respirions il y a cinquante ans. Je peux citer les chiffres de la chaufferie urbaine de Vénissieux, dont les émissions en soufre et en azote ont été divisées par vingt depuis les années 1980, ou celles de l’usine Carbone Savoie qu’a citée Thierry Philip, le plus grand émetteur de HAP (Hydrocarbures aromatiques polycycliques) du sud-est de la France jusqu’en 2011 et dont l’investissement sur de nouveaux systèmes de filtration a divisé les émissions par dix.

De même, il faut redire que la qualité de l’air est d’abord un phénomène météorologique global et que les nuages ne s’arrêtent pas aux frontières. On le dit en général des nuages radioactifs mais c’est vrai aussi des nuages de poussières. Faire appel à l’intelligence, c’est aussi donner les éléments de connaissance, par exemple sur l’impact du foehn -vent dont on sait qu’il transporte des sables- sur les poussières ou sur l’impact des mines géantes de Cologne en Allemagne (100 kilomètres carrés d’exploitation de charbon à ciel ouvert).

De la même manière, la baisse de la part de l’industrie dans la pollution doit être rapportée à l’évolution de l’activité industrielle car nous avons bien une forte désindustrialisation, et notamment de l’industrie lourde. Il y a donc la part liée à l’activité et la part réelle des industriels qui ont fait d’énormes progrès sur les process eux-mêmes, pour des raisons économiques bien sûr afin de réduire leur consommation énergétique mais aussi pour respecter des normes leur permettant de maintenir leur site, ce qui était le cas de Carbone Savoie en 2011.

Il nous faut, de ce point de vue, des analyses plus précises sur les principaux sites facteurs d’émissions et, comme on le fait dans les PPRT, mettre en place des démarches partenariales fixant des objectifs de réduction avec maintien de l’activité. On peut penser, par exemple, à la raffinerie de Feyzin dont les incidents répétés en 2015 inquiètent les riverains, même si son nuage noir se dépose en général au loin, à l’est, bien en-dehors de l’agglomération, ce qui permet de constater qu’il n’y a pas d’impact local. On peut inclure dans ces démarches nos efforts de valorisation énergétique ; cela a été fait sur nos installations de traitement d’eau.

Enfin, nous voulons dire clairement que nous refuserons toute mesure de gestion des pics de pollution qui ne prendrait pas en compte son impact social. Interdire les véhicules les plus polluants est évidemment une mesure qui revient à une ségrégation sociale, autorisant les possesseurs d’énormes 4×4 ou berlines dernier cri au détriment des vieux véhicules que beaucoup d’habitants de nos banlieues font durer le plus longtemps possible.

Nous proposons des axes d’études alternatifs à une interdiction qui serait, pour nous, ségrégationniste :

  • La gratuité des transports collectifs les jours de pics de pollution, mesure simple et qui affirme le principe du droit pour tous à l’accès à l’agglomération ;
  • Un nombre de passagers minimum pour tout véhicule, ce qui revient à réduire le nombre global de véhicules et à responsabiliser tous les usagers ;
  • L’organisation du covoiturage sur voiture propre avec des aires, comme on en trouve en zone rurale, autour des points d’entrée dans l’agglomération, lieux qui peuvent aussi être des lieux d’animation et de sensibilisation ;
  • Voire, pour les pics vraiment les plus forts, une interdiction totale des véhicules pendant une certaine durée ; cela peut paraître exagéré mais les 50 000 morts du tabagisme ont bien conduit à une interdiction dans les lieux publics ;
  • Enfin, une réflexion particulière sur les véhicules professionnels qui ont été cités tout à l’heure, pour lesquels, là aussi, il y a inégalité entre la grande entreprise qui peut financer des véhicules propres et l’artisan qui fera durer sa vieille camionnette. Il nous faut certainement une réglementation contraignante facilitant le renouvellement rapide du parc avec une aide financée par une taxe assurant la solidarité du secteur, en incluant les bénéficiaires, distributeurs, promoteurs.

C’est avec l’ensemble de ces éléments que nous contribuerons au débat pour une démarche de Métropole respirable avec les habitants.

Je vous remercie.