M. le Conseiller MILLET : Monsieur le Président, chers collègues, mettons tout de suite une question au clair : cette délibération inclut le nord de Vénissieux dans le périmètre sans avoir été discutée ni au plan technique ni au plan politique avec la Ville. Cela n’aurait pourtant pas posé de problème puisque la Ville est favorable au développement des réseaux de chaleur et que les cartes proposées sont pertinentes ; enfin, la Ville, à part l’UMP locale, pardon, Les Républicains… -non, chez nous, ce sont des apparentés- qui dénoncent à chaque occasion les réseaux collectivistes.
Donc c’est révélateur, monsieur le Président, de la réalité des relations entre Communes et Métropole, en pleine discussion du Pacte de cohérence métropolitain. Dans la Communauté urbaine, on retirait un dossier en commission pour désaccord du Maire concerné. On sait que ce n’est pas l’esprit de la loi créant la Métropole mais on mesure mieux que l’exécutif métropolitain comme les directions de la Métropole, entièrement engagés dans leur souci de l’affirmation métropolitaine, ne « calculent » plus les Communes -pour employer un langage courant-. À tel point qu’après avoir participé, en urgence, à une réunion du Comité de pilotage réseau de chaleur de Vénissieux -ce dont je la remercie-, la Vice-Présidente, introduisant le séminaire du Schéma directeur de l’énergie jeudi dernier ne cite pas les Communes dans les partenariats nécessaires de la Métropole.
Il faut être clair, il y a quelque chose qui ne va pas dans la gouvernance métropolitaine, quelque chose qui est déjà engagé dans la disparition des Communes. Mais c’est l’enjeu du Pacte de cohérence métropolitain, pas de cette délibération. D’autant qu’il y a de quoi dire sur un dossier qui pèse 2 milliards d’euros et chacun peut comparer les conditions de préparation de cette délibération avec celle sur l’eau en 2012. Deux réunions du Comité de pilotage énergie en février, puis plus rien, jusqu’à une présentation en commission Proximité, environnement et agriculture sans que les élus n’aient la délibération et une présentation il y a trois jours ouvrés en commission Finances, institutions, ressources et organisation territoriale.
On nous dit qu’il y a urgence compte tenu de la date de fin de la convention de gestion existante. Mais le réseau va de convention en convention depuis six ans et le classement sans suite a un an. Comment justifier que, pour l’essentiel, les élus ne découvrent une telle délibération qu’au dernier moment ? On peut comprendre une certaine fébrilité devant la succession des difficultés juridiques mais personne ne peut croire un seul instant qu’on s’en protégera en réduisant le débat politique et public.
La conséquence ou la cause est que cette délibération ne s’inscrit pas clairement dans une stratégie métropolitaine connue et partagée. Elle est présentée en commission Proximité, environnement et agriculture la veille du lancement du Schéma directeur des énergies, alors qu’elle en constitue sans doute la délibération la plus importante du mandat. Elle évoque un Schéma directeur des réseaux de chaleur de 2012 -et nous avions pris cette compétence en 2011- en oubliant que ce schéma directeur reste inconnu des élus et des Communes.
La rédaction est approximative. On ne peut tout de même pas dire -je cite- : « Compte tenu de l’échéance au 31 décembre 2016 de la convention provisoire, il appartient à la Métropole de décider du mode de gestion sur un territoire élargi au Carré de soie et au nord de Vénissieux » ; aucun rapport de causalité entre la date et le périmètre ! Par contre, la mise en cohérence du périmètre avec une stratégie d’agglomération est une question légitime qui mérite mieux que trois lignes dans cette délibération. Il est vrai qu’il y a trois lignes aussi pour définir le rôle d’autorité organisatrice alors que nous avions, pour l’eau, construit une délibération entière et séparée.
Il n’était pas facile d’articuler un agenda, nécessairement long, de construction du Schéma directeur de l’énergie avec la nécessité d’agir vite sur cette DSP. Mais le choix inverse de concertation minimum sur la DSP et d’ambition maximum sur le schéma directeur laisse des questions essentielles dans l’ombre. Comment parler de mise en cohérence des réseaux de chaleur sans aborder la question centrale des tarifs, qui vont effectivement de 54 euros à Rillieux à 100 euros à Givors, Lyon se situant à 70 euros ? Sachant qu’il ne faut pas comparer des réseaux avec incinérateur et TVA à 5,5 % et un réseau fossile avec TVA à 20 %.
Les tarifs dépendent aussi des équipements de production et des conditions de leur financement. Avec un tarif d’abonnement de 20 euros par kilowatt à Lyon, les incinérateurs ne pèsent pas sur l’investissement du réseau et le même tarif d’abonnement est à 50 euros à Vénissieux qui a connu des investissements successifs importants pour sortir de la dépendance aux énergies fossiles mais qui lui permettent, depuis 2015, de se situer dans les tarifs moyens de l’agglomération, avec une TVA à 5,5 %. Comment parler de deux petites extensions de périmètre sans situer l’enjeu d’agglomération à vingt ans ? Prenons un exemple, monsieur le Président : quid du renouvellement des installations du Grand stade dans quinze ans ? Raccordées ou pas raccordées ?
Venons-en aux trois éléments du contenu de la délibération. Ils portent principalement sur le choix du mode de gestion pour lancer la consultation mais nous n’avons que peu d’éléments sur le futur contrat. Le cahier des charges devrait être disponible pour les élus. Je ne suis pas sûr d’ailleurs que la brièveté de la délibération ne soit pas une faiblesse juridique.
Vous ne nous dites rien sur la bonne manière de nous protéger des attaques qui ne manqueront pas. Les arguments sur le mode de gestion sont un copier-coller des délibérations précédentes, sans tenir compte de la situation concrète. Il aurait par exemple été utile de commenter la solution du marché CREM utilisée pour le réseau de Sathonay Camp.
Il est bien curieux de ne parler que des risques techniques d’exploitation en régie d’une installation de production, alors que nous avons une expérience positive sur un incinérateur, sans dire un seul mot des risques juridiques de la DSP, que nous connaissons pourtant bien. L’argument de la complexité technique et des risques financiers de l’exploitation sont-ils de même valeur à l’échelle d’une Commune et à l’échelle de la Métropole ?
Nous ne croyons pas que le secret soit la bonne réponse, au contraire. D’ailleurs, ce n’est pas la DSP de l’eau qui a été annulée. Et pourtant, vous aviez accepté un débat beaucoup plus large, même si nous l’avions jugé encore insuffisant. Un vrai débat citoyen oblige à construire solidement les analyses et les présentations. C’est un facteur de consolidation juridique d’un dossier et c’est la sensibilisation des acteurs, techniciens, directions et élus à ces enjeux juridiques qui permettent la maîtrise collective de la procédure.
Nous notons d’ailleurs que la Vice-Présidente en charge de cette compétence et sa direction ne sont pas pilotes, au motif semble-t-il que les acteurs en lien avec les entreprises seraient potentiellement suspects. Comment accepter cette conception technocratique de la transparence à la mode américaine de la loi SOX -Sarbanes-Oxley pour ceux qui ne la connaissent pas- qui oblige à séparer celui qui fait et celui qui valide mais dont nous savons tous qu’elle n’empêche rien des corruptions du marché-roi ? Non, la seule réponse à l’exigence de transparence de la vie publique, c’est la qualité du débat politique et du débat citoyen.
Concernant les objectifs, les objectifs nationaux du plan Climat conduisent pour le réseau de chaleur à un scénario de 6 millions équivalents-logements, soit une multiplication par trois, avec un taux de couverture EnR de 75 %. Avec cette délibération, nous en sommes loin : nous doublons le réseau avec 60 % d’EnR. On nous parle de l’acceptabilité des chaufferies biomasse mais le site de Surville a une capacité de 100 MW ; le contrat de 2014 prévoyait 45 MW de bois pour 114 MW de gaz et ce dossier semble se limiter à 25 MW de bois, sans préciser ce qu’il faudra faire en gaz. D’ailleurs, nous en sommes ici à 60 % comme objectif pour le contrat. Nous étions à 61,5 dans la discussion en 2014.
Heureusement que les Communes ont développé la biomasse depuis dix ans : la Duchère, 75 % depuis 2008 ; Vénissieux, 40 % depuis 2010 et 60 % en 2017 ; Vaulx en Velin, 65 % depuis 2014 ; Rillieux la Pape, 15 % en 2014. Peut-être que l’acceptabilité se gère mieux au niveau communal ? À retenir pour le Pacte de cohérence métropolitain.
Les objectifs sont bien faibles aussi sur l’enjeu fort de la relation avec les usagers. De la transparence face aux défis de la perception de la facture par les habitants, de la confusion entre réseaux primaire et secondaire, entre charges récupérables ou non. Contrairement à ce qui était écrit, la relation avec les bailleurs doit être dans les objectifs de l’exploitant alors qu’il nous semble préférable d’exclure les produits accessoires éventuels cités dans la délibération, qui peuvent être source de confusion dans la lecture des résultats d’exploitation.
Cette question de la transparence repose encore une fois la question de la place des Communes dans les dossiers métropolitains mais elle interroge aussi sur le contenu technique des dispositifs. Allons-nous, comme pour l’eau, vers un réseau entièrement instrumenté en télé-relevés pour fournir aux acteurs concernés les données nécessaires à la compréhension de l’exploitation ?
Enfin, concernant la préparation de cette délibération, ce qui est proposé pour sa mise en œuvre est totalement insuffisant. Comment peut-on réduire à trois élus le partage d’un dossier de cette importance ? Permettez-moi de citer l’expérience vénissiane, avec six groupes de travail avec les partenaires, une rencontre avec d’autres réseaux, à laquelle participait le Vice-Président de l’époque, monsieur Jacky Darne, deux Conseils citoyens du développement humain durable, deux Conseils de transparence du réseau, une commission DSP spécifique et un groupe de négociation de cinq élus, dont un élu d’opposition.
Nous vous faisons par amendement une proposition minimale, inclure dans cette délibération une commission de Délégation de service public spécifique, ce qui suppose d’en organiser l’élection à la rentrée pour permettre d’associer des élus impliqués dans l’enjeu énergétique. Nous souhaitons de plus que cette commission, qui doit donner un avis au Président sur l’analyse des offres, soit consultée une deuxième fois avant la fin de la phase de négociation. Nous demandons de plus que le Comité de pilotage énergie se réunisse pendant la période pour prendre connaissance d’abord du cahier des charges, puis de l’avis de la CDSP, enfin du résultat des négociations.
En résumé, cette délibération est en dessous des objectifs nécessaires au plan Climat, en dessous de ce qui est nécessaire en terme de transparence pour une réelle appropriation par les usagers. Sa préparation n’a pas permis, et la procédure ne prévoit pas, un réel partage politique, en lien avec les acteurs de l’énergie des Communes, renforçant donc les inquiétudes sur la conception des relations entre Métropole et Communes.
Sans l’amendement proposé, qui est rédigé et que je peux vous relire, et compte tenu que nous ne voulons pas compliquer un dossier important pour la place des réseaux de chaleur dans notre agglomération, dossier sur lequel notre collectivité est en difficulté, nous nous abstiendrons malgré nos critiques, en espérant que vous entendiez notre proposition d’amendement qui nous conduirait à voter pour cette délibération.
M. LE PRÉSIDENT : Merci beaucoup. Donc je vais mettre aux voix ce rapport. Vous voulez qu’on mette aux voix votre amendement ? Donc je le mets aux voix.
M. le Conseiller MILLET : Monsieur Gérard Claisse a répondu positivement. Nous avions posé deux questions, il y en a une où la réponse est positive, c’est la réunion du Comité de pilotage pour présenter le cahier des charges à la rentrée. Donc, de ce point de vue-là, j’entends la réponse positive.
Par contre, l’autre point précis, c’est de dire qu’il existe une Commission permanente de délégation de service public qui traite toutes les DSP et nous souhaitions que, compte tenu de l’importance de ce dossier, il y ait mise en place d’une Commission spéciale de délégation de service public pour cette consultation, qui serait élue dans les mêmes conditions que la Commission permanente, mais qui permettrait peut-être de mettre des élus plus spécifiquement intéressés par ce dossier. Il ne s’agit pas de remettre en cause le groupe de négociation qui a été mis en place, mais de faire en sorte qu’il y ait un suivi par cette Commission, pas une Commission permanente, qui soit motivée par le sujet. C’est le deuxième point qu’on souhaitait, qui était dans l’amendement.
M. le Vice-Président CLAISSE : J’entends bien cette proposition. Je pense malgré tout que la meilleure manière de sécuriser notre procédure sur un dossier tout de même très sensible est de faire en sorte de garder, pendant toute cette période de négociations, la confidentialité totale des négociations. Donc, sur cette deuxième partie de votre proposition, je vais rester sur la procédure telle qu’elle était en place depuis un mandat au Grand Lyon et donc désolé d’avoir à vous répondre de manière négative.
M. LE PRÉSIDENT : Je vais suivre monsieur Gérard Claisse, donc donner un avis négatif à la proposition d’amendement qui nous a été présentée.
Proposition d’amendement énoncée en séance par le groupe Communiste, Parti de gauche et républicain tendant à ajouter, dans l’exposé des motifs, les 3 paragraphes suivants :
« Compte tenu de l’importance de ce dossier et du travail en cours sur la prise de compétence énergie de la Métropole, une Commission spéciale de délégation de service public pour cette consultation sur le réseau de chaleur est mise en place. Cette Commission sera élue dans les mêmes conditions que la Commission permanente existante.
Elle donnera un avis sur l’analyse des offres afin d’engager la phase de négociation, puis une nouvelle fois avant la fin des négociations pour contribuer à la décision du groupe de négociation.
En parallèle, le Comité de pilotage politique énergie existant sera réuni pour prendre connaissance, d’abord du cahier des charges, puis de l’avis de la CCSPL, enfin du résultat des négociations. »