Mme la Conseillère PICARD : Nous connaissons tous ici la définition du mot « contrat », et la nécessité qu’il y ait consentement de toutes les parties signataires pour que ce dernier soit valide. Nous connaissons également la définition du mot « consentement ». En droit, « la violence » est une contrainte physique ou morale, exercée sur un contractant, en vue d’obtenir de celui-ci un consentement forcé.
Je me permets ce petit rappel de vocabulaire, monsieur le Président, pour placer mon propos et affirmer que les prétendus « contrats » entre l’État et les collectivités territoriales ne sont, en vérité, qu’une mise sous contrôle de nos collectivités.
Ici, c’est l’État qui décide de façon unilatérale du contenu de ce document, c’est l’État qui choisit les critères, c’est l’État qui tranche et c’est l’État qui punit.
Parce qu’un « contrat imposé » est un contresens, je parlerais plutôt de contrainte, d’injonction, voire de diktat.
L’objectif est limpide : faire de nos collectivités des coquilles vides ; démanteler le service public, tout simplement parce qu’il est jugé non rentable. Comme si la rentabilité était devenue une condition de l’action publique.
Nous devons reconnaître à Emmanuel Macron qu’il fait ce qu’il dit, et il va vite. Sa politique est d’une cohérence à toute épreuve pour la destruction totale de ce qu’il considère comme l’ancien monde, dépassé, démodé. Il multiplie les réformes, donnant une fausse impression de dispersion. Mais, en réalité, chacun de ses actes politiques a pour vocation d’abattre un modèle de société qui freine ses ambitions libérales. Ce qu’il détruit, c’est notre identité, notre structure.
Tous les acquis sociaux passent à la moulinette : statut des cheminots, Code du travail, aides sociales. Le budget des hôpitaux est en berne ; celui de l’éducation, insuffisant. Toutes ses orientations politiques sont favorables à ceux qui payent l’ISF, défavorables à ceux qui ont besoin des APL. Il court-circuite notre démocratie, déstructure notre système républicain -en s’attaquant à son premier maillon que sont les Communes-.
Dans le même esprit que la suppression de la Taxe d’habitation, la contractualisation est une mise au pas des collectivités, amoindries dans leur autonomie, privées de leur liberté de choix et de leurs missions. Dans les faits, l’État s’immisce dans la construction souveraine des budgets. Cela constitue la remise en cause de la décentralisation, et du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales.
Dans le discours, Emmanuel Macron aime flatter l’imagination des usagers. Il prône l’ouverture des médiathèques le dimanche, la multiplication des places en crèches, un retour à la semaine de quatre jours -avec un Plan mercredi, qu’il laisse à d’autres le soin de financer-. Dans les faits, il enlève les moyens qui permettraient de développer ces services à la population.
Pire, cet étau budgétaire qui se resserre, assorti d’une logique marchande, aura pour conséquence de diminuer la réponse aux besoins de la population et l’éloignement maximum du principe d’équité. Principe d’équité, sur lequel j’insiste, et qui avait été mis en lumière par le Plan Borloo, préconisant des dépenses de fonctionnement allant jusqu’à + 2 %, pour les villes en rénovation urbaine. Sans surprise, Macron a balayé ce plan qui, pour reprendre les termes méprisants du Président, aurait sans doute coûté « un pognon de dingue ».
Avec la croissance naturelle des budgets de fonctionnement -liée notamment à une évolution normale de la masse salariale, la revalorisation du point d’indice, l’impact de la réforme Parcours Professionnels Carrières et Rémunérations-, chaque collectivité concernée, toutes tendances politiques confondues, se retrouvera amputée par ces soi-disant contrats. Je suis persuadée, monsieur le Président, que, derrière votre présentation complaisante du dispositif macroniste, vos services vous ont déjà alerté et que des choix difficiles vous attendent pour rentrer dans la toute petite case du 1,19 % attribuée à la Métropole.
Le Gouvernement Macron nous a déjà donné plusieurs exemples où des injonctions ministérielles engageaient les finances municipales quand, dans le même temps, ces dernières sont incessamment dégradées. Comme, par exemple, le dédoublement des classes qui, je le redis, est une mesure que nous validons sur le fond mais qui mobilise des moyens que l’on nous retire.
La construction de nouveaux équipements nécessite la mobilisation de fonctionnaires territoriaux. Chacun comprendra que la limitation des budgets de fonctionnement empêchera de développer l’investissement, avec des conséquences négatives pour l’activité économique et l’emploi. Les Gouvernements précédents s’étaient attaqués à l’investissement des collectivités par des coupes drastiques de dotations. Mais jouer avec l’investissement, c’est jouer avec l’emploi local puisque 70 % des investissements sont portés par les collectivités territoriales.
Que nous demande-t-on de valider aujourd’hui ? Toutes les collectivités sont d’ores et déjà sous contrôle. Politiquement, personne ne peut être d’accord avec ce principe, sauf les adeptes Macronistes. Certaines collectivités vont pouvoir se permettre de tenir tête et ne pas signer, car l’augmentation de leurs dépenses de fonctionnement est en dessous de ce que le Préfet aura décidé pour elles.
Même Les Républicains songent à l’organisation d’une fronde, qui aurait peut-être dû naître au moment où le Président Sarkozy a commencé le travail en rabotant les dotations.
Cette délibération nous demande de valider un système pervers, mais a-t-on réellement le choix face aux pénalités annoncées ? Les victimes de ce jeu de dupe sont les usagers, les habitants -surtout les plus défavorisés, selon les mots d’Emmanuel Macron : « les derniers de cordée »-.
Je vous remercie.