Archives par mot-clé : Séance publique du 17 septembre 2018

Territoire éducatif innovant : et le service public dans tout ça ?

N° 2018-2994 - Territoire éducatif innovant - Subvention au Centre de recherches interdisciplinaires - 2018 -

Mme la Conseillère BURRICAND : Monsieur le Président, chers collègues, je dois vous dire que cette délibération m’a demandé un gros travail de recherches. J’aime bien comprendre ce que je vote, c’est le minimum de respect pour nos électeurs. Le moins qu’on puisse dire, c’est que, même en commission, les éléments justifiant cette subvention et le choix des intervenants étaient plus que flous.

Les remous, les contestations suscités par Edumix l’année dernière au Collège Elsa Triolet, les discussions sur ces thèmes avec des enseignants divers me conduisent à ne pas prendre ce sujet à la légère. La démarche proposée ici ne fait pas consensus dans le corps enseignant.

Je me suis donc interrogée : qui est François Taddei -dont le nom ne m’était jusque-là pas parvenu-, qu’est-ce que le CRI, qu’est-ce qu’Ashoka, que recouvre le concept de « société apprenante » ?

La délibération elle-même interroge : pourquoi ce florilège de formules aussi séduisantes que vides ?

Il en est de même pour la convention que j’ai pris soin de lire. J’en cite quelques extraits :

« Identifier et fédérer les acteurs du changement provenant de mondes différents (institutions publiques, société civile, secteur privé, recherche, etc.) »

Public/privé dans l’Éducation nationale ?

L’appui sur Ashoka est explicite. Je suis donc allée voir ce qu’était Ashoka puisqu’en commission aucune réponse sérieuse ne m’avait été donnée sur cette ONG. Je n’ai pas vraiment été rassurée.

Ashoka France annonce ses objectifs :

Détecter les entrepreneurs sociaux dont les innovations répondent aux enjeux de société dans tous les domaines et accompagnent leur développement. Mais qui détermine les enjeux ; à partir de quels critères, de quels objectifs ; qui décide qui est innovant, sur quelle base ?

Connecter des acteurs de différents horizons (ceux de la société civile comme des secteurs publics ou privés) « pour accélérer l’émergence de nouveaux modèles en faveur de l’intérêt général ». Tout dire pour ne rien dire…

Ashoka résume ainsi son projet : « Pour être acteur du changement et contribuer à transformer positivement la société, les nouvelles générations doivent acquérir des compétences et des qualités essentielles telles que la prise d’initiative, la collaboration ou l’empathie »… Je dois dire que le mot « empathie » utilisé dans un tel contexte m’a choquée. Auront-ils encore droit à la colère et à la révolte ?

Ashoka affirme aussi vouloir que « chaque individu, dès le plus jeune âge, soit en mesure de transformer positivement la société dans laquelle il grandit ». Quelle ambition ! Pour combien se concrétisera-t-elle sans action collective et transformation sociale ? Et Ashoka ne prétend rien de moins que de transformer l’expérience éducative avec ses « Changemakers Schools » et ses « Fellow Ashoka », se prétendant en quelque sorte maître à penser de l’éducation.

Parlons argent ! Ashoka, c’est 42 millions de dollars dont 2 millions pour la France. Des partenaires comme American Express, Cartier, Bettencourt, BNP Paribas, la fondation Bettencourt Schueller finançant largement le CRI, dont je ne suis pas certaine qu’il ait besoin d’argent public. En tout cas, nous n’avons pas les éléments pour le décider aujourd’hui. Le ministre de l’Éducation nationale a annoncé la suppression de 1 800 postes, pour l’essentiel, dans les collèges. Je manque peut-être un peu d’empathie mais pas de sens critique : quand on affaiblit un service public et qu’on y introduit, sous prétexte d’innovation, des officines privées financées par les grosses fortunes mondialisées, c’est qu’il y a un loup.

Nous nous opposerons donc à cette délibération.

Le bâtiment durable sur fonds public ?

N° 2018-3011 - Participation exceptionnelle pour l’accueil de la 7° édition du Congrès national du bâtiment durable à Lyon - Subvention -

M. le Conseiller MILLET : Monsieur le Président, chers collègues, cette délibération vient compléter le financement public par l’ADEME et la Région d’une initiative, par ailleurs très intéressante, de Congrès des professionnels du bâtiment durable. La Métropole apporte -achète- un espace publicitaire pour valoriser ses propres actions, ce qui peut se comprendre, mais aussi une subvention qui représente 5 % du budget du congrès, ce qui est peu, mais porte la participation publique à 66 % du budget !

Très sincèrement, nous considérons que les promoteurs immobiliers et les grands groupes de la construction ont les épaules assez solides pour financer eux-mêmes un tel congrès et nous voterons donc contre cette délibération.

Pacte de cohérence métropolitain et orientations de l’État, même combat !

N° 2018-3039 - Projet guichet numérique métropolitain - Convention -

Mme la Conseillère PIETKA : Monsieur le Président, madame la Vice-Présidente, chers collègues, ce dispositif, qui s’inscrit dans le Pacte de cohérence métropolitain (adopté en 2015), s’inscrit également -et la délibération le rappelle- au sein des orientations de l’État : « faciliter la circulation des données entre les administrations… simplifier les démarches de l’usager… ».

On ne pourrait donc que s’en féliciter si certains éléments ne nous autorisaient à tempérer l’enthousiasme que ces innovations semblent engendrer.

En premier lieu, parlons de la fracture numérique. Je reconnais que vous en tenez compte puisque le déploiement du guichet numérique métropolitain comporte un service d’assistance aux usagers.

Pourtant, si « l’intelligence numérique » peut faire rêver, il n’en demeure pas moins qu’une profonde inégalité vient entacher l’accès de tous à ces guichets numériques dont on nous assure qu’ils seront demain la nouvelle panacée.

Une étude de la très sérieuse Agence du numérique nous dit que 13 millions de personnes en France se sentent en difficulté face au développement des usages numériques. Or, sans tenir compte de ce problème d’exclusion, le Gouvernement persiste à envisager 100 % de service public dématérialisé, et cela à l’horizon 2022 ! C’est un véritable déni de citoyenneté auquel n’échappe guère le projet métropolitain.

Et que dire de la suppression des contacts humains… et des emplois qui vont avec ? C’est, malheureusement, très souvent le corollaire du développement de la numérisation des services publics. Nous avons tous l’exemple, dans nos Communes -qu’elles soient rurales ou urbaines avec des quartiers défavorisés- de suppressions de permanences CAF, CPAM, CARSAT, … au motif que la dématérialisation des contacts les rendraient inutiles. Ainsi, petit à petit, des services publics de proximité disparaissent, accroissant les difficultés des personnes âgées, des familles les plus précaires, y compris des jeunes, dont on imagine à tort qu’ils maîtrisent tous le numérique. Et la prise en compte de ces publics n’apparaît pas comme une priorité dans « la mise en marche » de votre projet.

De surcroît, les grands services publics s’en tirent à bon compte en confiant les missions qu’ils ont abandonnées à des points d’information et autres Maisons des services au public… financés, pour une part, par les collectivités locales.

Il me reste à souligner la question de l’association des Communes au projet. Le fait que des villes se portent volontaires pour l’expérimenter ne signifie pas que vous aurez pris en compte suffisamment toute la diversité des freins, des attentes, voire de la faible préparation de certaines d’entre elles. Rien ne garantit non plus que votre projet prenne réellement en compte les projets existants dans certaines villes, de manière à conserver à celles-ci une politique numérique propre.

Compte tenu de ces éléments et conformément à notre vote du 2 novembre 2015 sur le Schéma directeur territorial d’aménagement numérique de la Métropole, sans l’assurance de votre part de mettre en œuvre les moyens nécessaires à une véritable citoyenneté numérique, nous nous abstiendrons sur cette délibération.

Salariés d’Uni-Est : un peu d’humanité !

N° 2018-2962 - Insertion - Mise en œuvre de la subvention globale du Fonds social européen (FSE) 2017-2020 - Retrait des protocoles d’accord des Plans locaux pluriannuels pour l’insertion et l’emploi (PLIE) du territoire -

Mme la Conseillère PIETKA : Monsieur le Président, au détour de cette délibération qui engendre une certaine mélancolie parmi les élus membres d’Uni-Est -dont je suis pour la Ville de Bron-, je voudrais, monsieur le Président, faire une nouvelle fois appel à votre sens de l’équité pour reconsidérer la situation des salariés de notre association qui se retrouveront sans solution dès la fin de cette année.

Le cabinet de placement que vous proposez est, certes, un geste qui vous honore mais il ne garantit pas qu’une solution acceptable soit trouvée pour chacun d’entre eux.

Vous n’y êtes pas obligé, je le conçois. Mais la taille de notre collectivité et la multiplicité des métiers qui existent en son sein pourraient permettre d’examiner humainement la situation de ces personnes dont les qualifications sont indiscutables.

Je vous remercie.

M. LE PRESIDENT : Quelques mots… Je ne vais pas rajouter grand-chose, car beaucoup de choses ont été dites…

D’abord, bien évidemment, ici personne ne remet en question, n’a jamais remis en question -pour avoir assisté à beaucoup de réunions avec vous (avec les Maires, avec les adjoints) qui représentiez vos Communes dans Uni-Est, pour avoir assisté à beaucoup de Conseils d’administration d’Uni-Est- l’expertise, l’expérience, l’engagement et l’histoire aussi d’Uni-Est. Dans le même temps, il ne faut pas croire que la Métropole serait arrivée comme cela foulant au pied tout cela en faisant fi du passé.

Non, nous l’avons fait, je crois, dans une concertation la plus large possible. Nous avons été aussi, il faut le dire, dans l’accompagnement dès le 1° janvier 2015 pour les problèmes de trésorerie. On n’a pas simplement, à la Métropole, constaté les problèmes de trésorerie. Nous avons été actifs avec vous, y compris dans les négociations avec la banque. J’ai beaucoup, à titre personnel -en tout cas comme 1° Vice-Président-, accompagné votre Président de l’époque sur un certain nombre de négociations difficiles avec les banques pour pouvoir assurer la vie d’Uni-Est. Et puis, on en a pas beaucoup parlé, cela nous a permis aussi, collectivement, de maintenir l’action des associations et des acteurs sur les territoires parce que la situation de trésorerie d’Uni-Est aurait pu emporter, à un certain moment -entre 2015 et aujourd’hui-, un certain nombre de structures dans la tourmente avec, comme premières victimes, les allocataires du RSA et celles et ceux qui cherchent un emploi.

Je crois que l’on a tous été mobilisés et il n’y a aucune raison que l’on ne soit pas encore mobilisé. On a beaucoup parlé, bien sûr, de l’organisation interne et il nous faudra -et c’est pour cela que j’ai souhaité, moi, -comme vous l’avez dit madame Pietka- qu’il y ait un cabinet de placement pour les salariés alors que nous ne sommes pas, effectivement, en premières responsabilités auprès de ces salariés. Mais nous nous le devions, par solidarité, d’accompagner au mieux l’ensemble de ces questions de ressources humaines.

Maintenant, je crois que ce qui est devant nous c’est de ne jamais oublier le pourquoi nous faisons cela. Nous faisons cela -pas pour inventer de nouvelles organisations, pour trouver de nouveaux équilibres politiques- non… nous faisons cela pour mettre, finalement, au cœur celles et ceux qui en ont besoin, c’est-à-dire les allocataires du RSA et celles et ceux qui cherchent un emploi. C’est cette mission qui est devant nous aujourd’hui, et je souhaite que nous puissions -et nous l’avons déjà entamé avec les Communes qui ont adhéré et celles qui voudront participer- être le plus efficace sur ces questions-là.

Je vous remercie.