Monsieur
KIMELFELD, Président de la Métropole de Lyon,
Monsieur LE
FAOU, Vice-Président de la Métropole de Lyon – Urbanisme, Renouvellement
urbain, Habitat, Cadre de vie,
Monsieur DIAITE, Directeur de la Protection de l’enfance à la Métropole de Lyon,
Lyon, le 31 mars 2020
La Métropole de Lyon responsable de la mise à l’abri urgente des personnes migrantes et des mineur·es non accompagné·es face à la crise sanitaire du Covid-19
Messieurs,
Dans le contexte de la crise internationale du COVID-19, les nombreuses difficultés inhérentes à la prise en charge des personnes migrantes et des mineur·es non accompagné·es sur la métropole de Lyon sont exacerbées : hébergement, accès à l’alimentation, accès à l’éducation ou à la santé, les mineur·es non accompagné·es, non reconnu·es et pour certains reconnu·es, sont dans des situations très compliquées depuis que l’État a pris des dispositions de confinement suite à la crise sanitaire.
Pour les
jeunes en squats ou à la rue, il est impossible de faire respecter les règles sanitaires
du fait de la proximité des personnes, du manque de matériel d’hygiène et de la
forte diminution de l’intervention des associations d’aide sur place. Les
jeunes, pris en charge par les associations financées par la Métropole sont
quant à eux confrontés, qu’ils soient hébergés à l’hôtel ou en appartements, au
manque de personnel éducatif suite au sous-effectif initial puis aux arrêts
maladie ou aux confinements des uns et des autres, et au manque de moyens
financiers et logistiques pour leurs prises en charge en cette période de
crise. De plus, le bureau de l’asile et de l’hébergement de la préfecture du
Rhône ne répond plus présent depuis le début du confinement.
Ces
difficultés portent préjudice au développement de ces jeunes ayant malheureusement
déjà subi un parcours migratoire d’une extrême violence. Cet épisode de crise
humanitaire, source d’anxiété et facteur de risque, peut amener et/ou exacerber
des impacts psychosociaux : augmentation des comportements à risques, crainte
de l’adulte, sentiment de désespoir et épisodes de dépression, difficultés de
sommeil, maladies psychosomatiques, manque de motivation et d’estime de soi,
perte de la dignité et de l’auto-confiance, effets sur les capacités
d’apprentissage…
Depuis sa
création, la Métropole de Lyon a récupéré la compétence et a ainsi l’obligation
légale de la prise en charge des mineur·es non accompagné·es.
Malgré
l’appel à projet de la Métropole de Lyon en 2019, la prise en charge des
mineur·es non accompagné·es, effectuée par la Mission d’Evaluation et d’Orientation
des Mineurs Isolés Étrangers, l’association Forum Réfugiés et les associations
financées par la Métropole, reste discriminatoire par rapport aux enfants de
nationalité française.
Certes, une
prise en charge éducative a été progressivement mise en place pour une partie
des mineur·es non accompagné·es se retrouvant à la rue ou logé·es à l’hôtel
depuis, pour certains, près de deux ans. Mais nous savons que ces jeunes
associations ne sont pas toutes en capacité de subvenir aux besoins des
mineur·es non accompagné·es et que la Mission d’Évaluation et d’Orientation des
Mineurs Isolés Etrangers, ayant l’autorité parentale exclusive, ne prend pas
toujours des décisions dans l’intérêt supérieur de l’enfant.
De plus, quand les jeunes arrivent à majorité, ils se voient proposer des contrats jeune majeur de trois ou six mois « renouvelables », et non des prolongations de prise en charge initiale conformément à l’article L.221-1 du Code de l’action sociale et des familles.
Or, ces contrats jeune majeur ne proposent pas un réel suivi éducatif individualisé, si ce n’est un suivi ponctuel par la Maison de la Métropole pour les solidarités. Ils ne prennent en compte que l’hébergement à l’hôtel et une allocation dérisoire. Nous vous rappelons que le contrat jeune majeur devrait être d’une durée minimale d’un an renouvelable, celui-ci pouvant être étendu jusqu’à 21 ans. Le conseil économique, social et environnemental avait pourtant rendu un avis en mars 2015 et recommandé la systématisation des contrats jeune majeur jusqu’à 21 ans, voire 25 ans pour les jeunes ayant besoin d’une protection particulière.
Malgré des
efforts fournis par la Métropole, ce circuit de prise en charge demeure obstrué.
Aujourd’hui, suite aux remontées d’informations provenant des différents
collectifs et associations, nous constatons malheureusement encore que :
- 150 jeunes mineur·es non accompagné·es
et majeur·es sous contrat jeune majeur sont logé·es dans des hôtels avec une
prise en charge sommaire.
- Plusieurs dizaines de garçons
et filles n’ont pas été reconnu mineur et ne sont pas pris en charge par l’Aide
sociale à l’enfance. Ils ont engagé un recours auprès du juge des enfants pour
faire reconnaître leur minorité et être confié au service de l’Aide sociale à
l’Enfance de la Métropole de Lyon.
- Ces derniers, comme environ 300 jeunes majeurs
de 18 à 21 ans, sont tributaires de solutions
d’hébergement offertes par des particuliers ou des associations, dont les ressources
restent insuffisantes pour couvrir la totalité des besoins de ces adolescents, d’autres
se sont résignés à des abris précaires dans la rue ou au sein de squats où la cohabitation
avec des adultes demandeurs d’asile se fit de plus en plus aléatoire, sinon impossible.
Nous vous
rappelons qu’Adrien Taquet, le Secrétaire d’État chargé de la protection de l’enfance
depuis 2019, a réaffirmé que, durant cette crise sanitaire, l’ensemble des
mineur·es qui atteignent l’âge de 18 ans seront suivis par l’ASE et que les
jeunes évalué·es mineur·es ou majeur·es peuvent demander à être mis·es à l’abri
suite à l’amendement n° 203, adopté dimanche 22 mars avec la loi n° 2020-290. Cette
loi vise à interdire les « sorties sèches » de l’Aide sociale à
l’enfance durant la mesure de confinement. Ceci afin d’éviter que des jeunes majeur·es
ne se retrouvent à la rue.
Dans la
mesure où votre mandat se porte garant de la sécurité de ces personnes migrantes,
il en va de votre ressort de ne pas les exposer à de nouveaux préjudices.
En ce temps
de crise, il est important de respecter pleinement le cadre du droit national
et international. Les dispositions nationales de la loi n° 2016-297 du 14 mars
2016 définissent les principes clés de la protection de l’enfance et notamment
l’article AL. 112-3. qui stipule que : « La protection de l’enfance vise à garantir
la prise en compte des besoins fondamentaux de l’enfant, à
soutenir son développement physique, affectif, intellectuel et social et
à préserver sa santé, sa sécurité, sa moralité et son éducation, dans le
respect de ses droits. » L’article
20 de la Convention internationale des droits de l’enfant souligne que « tout
enfant qui est temporairement ou définitivement privé de son milieu familial,
ou qui dans son propre intérêt ne peut être laissé dans ce
milieu, a droit à une protection et une aide spéciale de l’État »
et que « les États parties prévoient pour cet enfant une protection de
remplacement conforme à leur législation nationale ».
Les manquements
mentionnés ci-dessus menacent les principes de notre Nation.
Les mairies
d’arrondissement et la Métropole de Lyon ont le pouvoir d’utiliser les logements
vacants pour pallier les manquements de l’État en matière d’hébergement d’urgence
de ce public. Le préfet peut réquisitionner des logements vacants ou des
locaux. La Mission d’Évaluation et d’Orientation des Mineurs Isolés Étrangers,
ayant l’habitude de travailler avec des hôtels pour le logement des mineur·es non
accompagné·es et des jeunes sous contrat jeune majeur, peut également mobiliser
des places d’hébergement. Les bailleurs sociaux peuvent mettre à disposition
les logements vides pour cette mise à l’abri. Les associations prestataires ont
parfois encore des logements vacants, à l’instar de l’association Terrami.e.s
qui dispose de 15 logements vacants, notamment au niveau de la Part-Dieu.
Nous sommes actuellement dans une situation d’urgence et des actions d’urgence doivent être mises en place dans les jours qui viennent afin de protéger l’ensemble des résident·es de la métropole de Lyon d’un risque sanitaire accru.
La solidarité dans le cadre de cette crise sanitaire est aussi une solidarité pour les personnes les plus démunies et malheureusement aussi les plus touchées.
Cette prise en charge doit devenir pérenne. Il en va de l’intérêt
général.
De ce fait,
nous, associations, collectifs, organisations syndicales et citoyen·nes
signataires, vous demandons expressément :
- De prendre les mesures nécessaires pour mettre à l’abri et
subvenir aux besoins alimentaires, sanitaires et éducatifs de l’ensemble des
personnes migrantes sans domicile et particulièrement les mineur·es non
accompagné·es, les mineur·es non reconnu·es, les majeur·es de moins de 21 ans
et les familles avec enfants.
- D’appliquer les règles de conduites à tenir pour la protection de l’enfance dans le cadre du Covid-19, détaillées dans la fiche éditée par le gouvernement et ainsi « mobiliser les ressources du territoire, afin de permettre aux établissements et services de continuer leurs activités dans des conditions adaptées à la situation », « un appui par le renfort de professionnels et de bénévoles pour des activités éducatives, sportives ou de loisirs » et également « le recours à l’intérim, à des plateformes mutualisées avec d’autres établissements, à l’aide des fédérations associatives ».
Nous
restons disponibles pour échanger plus longuement sur la mise en place de ces
mesures.