M. le Conseiller MILLET : Monsieur le Président, à plusieurs reprises dans ce Conseil, la question d’une évaluation de l’impact des pôles de compétitivité sur l’emploi et l’activité a été évoquée sans résultat, et la présente délibération ne nous dit rien de plus à ce sujet. Je ne doute pas que notre collègue Rolland Jacquet, qui était intervenu dans le mandat précédent à plusieurs reprises sur ce sujet et qui a rejoint l’exécutif, va nous apporter cette fois des réponses.
La délibération nous parle de pôles de compétitivité qui deviennent des « usines à produits d’avenir », et permettez-moi de prendre un exemple qui associe Lyonbiopôle et le Cancéropôle.
Il y a quelques temps, le groupe SANOFI -membre important de Lyonbiopôle- a abandonné la production de l’Immucyst, un médicament traitant le cancer de la vessie -maladie socialement importante avec 12 à 13 000 cas déclarés par an-. Théoriquement, la loi oblige l’industrie pharmaceutique à produire les médicaments essentiels, mais l’Agence nationale de la santé s’est retrouvé impuissante car la production avait été délocalisée au Canada dans le cadre de la stratégie de mondialisation de SANOFI sur le marché nord-américain.
Manque de bol, les ratés et aléas technologiques s’accumulent et, dès 2014, le traitement commence à manquer. Les malades fortunés vont se faire soigner en Suisse et l’Agence nationale de la santé met en place des restrictions aux cas les plus graves.
Le Professeur Colombel, des HCL, constate que cela a augmenté les récidives et une hausse des ablations de la vessie, très coûteuses pour la Sécurité sociale. Et, finalement, l’an dernier, SANOFI annonce l’arrêt de la production pour insuffisance de rentabilité.
L’urologue estime le surcoût, pour la Sécurité sociale, à 10 millions par an -sachant que le groupe SANOFI a bénéficié de 140 millions d’euros par an de Crédit impôt recherche et a racheté pour 3 millions de ses actions afin de soutenir le cours-.
Voilà une approche concrète de la réalité des comportements de ceux que nous soutenons par ces politiques publiques. Ce n’est, bien sûr, qu’un exemple et il n’annule pas les dizaines de projets, utiles et réussis, que tous les acteurs de ces pôles de compétitivité font vivre. Mais il nous interroge sur le cadre des politiques publiques d’aide au développement économique.
Nous considérons qu’il n’est pas sérieux de se faire plaisir en valorisant des activités de R&D si les décideurs principaux n’ont, comme seul critère de décision de leurs investissements, la rentabilité au service des oligarchies économiques.
Nous vous demandons, monsieur le Président, d’intervenir auprès de SANOFI pour obtenir un réinvestissement local pour la production de ce médicament en mobilisant, justement, le pôle de compétitivité et le Cancéropôle dans cet objectif.
Nous nous abstiendrons sur cette délibération.