M. le Conseiller R. Debû : Monsieur le Président, madame la Vice-Présidente, chers collègues, j’interviens en lieu et place de Léna Arthaud, qui a dû s’absenter pour raisons professionnelles.
Le droit à l’Interruption volontaire de grossesse est l’une des grandes conquêtes de notre monde moderne, l’un des symboles de liberté et d’émancipation des femmes. Pour les femmes, la maîtrise de la fécondité est une condition première d’indépendance, de liberté et d’autonomie. Mais c’est aussi un droit particulièrement attaqué et de manière récurrente !
Considéré en France comme crime contre l’État jusqu’en 1942, l’avortement était puni de la peine de mort. Il était pratiqué de façon clandestine, mettant chaque fois en danger la vie de la femme qui y avait recourt. Après mai 68, le débat sur sa légalisation devient incontournable -notamment suite à la déclaration, en 1971, de 343 femmes célèbres qui, bravant le risque de poursuites pénales, ont eu le courage de signer le manifeste Je me suis fait avorter, plus connu sous le nom de Manifeste des 343 salopes. En 1975, la loi Veil a ouvert une nouvelle page de l’émancipation des femmes et de la reconnaissance de leur droit de disposer de leur corps. Depuis l’adoption de cette loi, plusieurs évolutions ont permis d’améliorer l’accès : allongement jusqu’à 14 semaines de grossesse, élargissement des lieux où l’IVG peut être pratiquée, diversification des professionnels autorisés à le pratiquer, amélioration de sa prise en charge par la CPAM. Ce droit a été réaffirmé avec l’inscription de la loi du 8 mars 2024 dans la Constitution. À ce jour, ce sont plus de 200 000 femmes qui ont recours, chaque année en France, à un avortement et on estime qu’une femme sur trois devra y recourir au moins une fois dans sa vie.
Acquis de haute lutte, ce droit est sans cesse remis en cause par le système patriarcal, fondé sur la prise de pouvoir et, donc, le contrôle du corps des femmes. L’avortement continue de soulever des débats violents, houleux, sous l’influence des milieux les plus réactionnaires, masculinistes, du RN et, toujours, sous le poids des fanatiques religieux. L’accès à l’IVG peut encore être un véritable parcours du combattant : clause de conscience, désinformation, accueil culpabilisant, délais trop longs. La casse du service public, avec un manque de moyens grandissant dans le système de santé publique et une multiplication des déserts médicaux, entrave l’accès à l’IVG. Le planning familial estime à 130 le nombre de centres fermés en 15 ans. L’association vient de publier le 1er baromètre sur l’accès à l’avortement, mené par l’IFOP, où sont constatées ces difficultés : 1 femme sur 3 a ressenti des pressions lors de son avortement, la moitié des femmes ayant eu recours à un IVG ont dû attendre plus de 7 jours pour obtenir un rendez-vous, au lieu des 5 jours recommandés par l’OMS. Nous ne pouvons qu’être inquiets des politiques austéritaires imposées à notre système de santé qui participent à l’allongement des délais d’attente, à la raréfaction des médecins, à l’éloignement des CIVG, contraignant de plus en plus de femmes à aller à l’étranger pour réaliser une IVG. L’inscription de cette « liberté » dans la Constitution ne garantit pas un accès effectif à l’IVG sur tout le territoire. Le droit à l’avortement ne sera pas rendu égalitaire avec seulement des avancées juridiques, de véritables moyens doivent être mis en œuvre.
Cette délibération propose l’élargissement de l’offre de santé, pour les habitants du territoire métropolitain, avec la mise en place de l’IVG par voie médicamenteuse dans les Centres de santé et d’éducation sexuelle métropolitains. L’accès à l’IVG médicamenteuse dans ces CSES, au plus près des habitants, permettra aux femmes de bénéficier d’un choix plus large et plus diversifié, tout en permettant de réaliser l’ensemble des actes dans un seul lieu. L’IVG médicamenteuse y sera ouverte à toutes les femmes, en particulier celles souhaitant garder l’anonymat -les mineures et celles sans droit ni titre.
Nous voterons avec enthousiasme cette délibération, qui répond à une des préconisations du planning familial : développer de nouveaux centres IVG, notamment dans les zones périurbaines, rurales et Outre-mer et dans les déserts médicaux.
La vidéo de l’intervention : https://youtu.be/mWHIqf4KziE?t=10609