M. le Conseiller DEBÛ : Merci monsieur le Président. Nous ne serons pas aussi nets dans la réponse mais dans la droite ligne de notre abstention dans le vote à la Régie de l’eau. Quelques mots quand même.
Les questions posées à travers la contribution de la Métropole sont légitimes et sérieuses. Les études doivent impérativement apporter des réponses pour que le projet puisse être engagé plus avant. C’est normal puisque l’enquête publique est très en amont du projet, justement pour débattre de l’opportunité ou pas de ce projet. Elle repose sur une intention exprimée par la CNR (Compagnie nationale du Rhône) à qui l’État a confié ce projet.
Notre première intention, évidemment, en tant que collectivité, c’est la préservation de la qualité et de la quantité d’eau dont disposerait le champ captant de Crépieux-Charmy. Cela va de soi, je ne vais pas m’étendre dessus. Il est donc légitime de se poser les questions de l’impact environnemental du projet mais cela ne suffira pas à décider s’il faut aller plus loin ou pas. Tout projet de ce type, qu’il soit hydroélectrique, éolien, photovoltaïque ou nucléaire a nécessairement des impacts environnementaux négatifs et si l’on ne tient compte que de ces impacts alors, aucun projet n’est pertinent.
L’objectif des études devrait être de trouver des solutions pour réduire au maximum les effets négatifs afin de valoriser les potentiels impacts positifs de ce projet. C’est ce que le garant, d’ailleurs, du débat public évoque en conclusion de la rencontre publique thématique. Il est dommage, dit-il, qu’aucun intervenant ne parle en soutien au projet et, notamment, de sa pertinence énergétique. Et c’est, d’ailleurs, ce qui nous paraît insatisfaisant dans cette délibération. Car si le projet a une pertinence énergétique, alors il est utile d’avoir des études environnementales. S’il n’y a pas de pertinence énergétique, alors il n’y a pas besoin de faire ces études.
Du point de vue même de la ressource en eau, nous avons tout intérêt à poser la question du schéma énergétique le plus favorable à réduire les émissions de gaz à effets de serre jusqu’à arriver à la neutralité carbone, objectif fixé pour 2050 par de nombreux scénarios climatiques et cela afin, évidemment, de limiter l’augmentation des températures et la fonte des glaciers. Cette neutralité carbone dépend, notamment, des scénarios énergétiques et donc de la part d’électricité remplaçant les énergies fossiles dans le chauffage, les déplacements, l’industrie ou l’agriculture.
De ce point de vue, la Métropole de Lyon devrait se prononcer pour le développement de l’hydroélectricité, une énergie décarbonée et pilotable, qui peut produire quand on en a besoin et, notamment, pour compenser l’intermittence de l’éolien ou du photovoltaïque. Tout projet hydroélectrique a un impact, que ce soit du côté de Lyon ou ailleurs et la première question à poser est celle de la pertinence du projet, de sa pertinence du point vue énergétique et climatique.
C’est pourquoi, nous interrogeons les objectifs du projet et les conditions économiques de sa conception. Certains disent que c’est un projet souhaité par EDF pour garantir l’accès à l’eau du Rhône de la centrale de Bugey. C’est non seulement faux, mais c’est même le contraire de la situation réelle, puisque les gestionnaires de la centrale du Bugey sont inquiets de l’impact de ce projet de barrage sur les conditions d’exploitation de la centrale. Il pourrait y avoir des situations de concurrence sur l’eau entre la centrale et le barrage et c’est un des enjeux que, justement, nous devons étudier.
Le projet du barrage représente 40 mégawatts de puissance à comparer avec les 26 000 installés en France, c’est une petite installation, toute petite même, par rapport aux 3 600 mégawatts de la centrale du Bugey. Mais ce sont 40 000 mégawatts potentiels de plus qui viendraient aider à équilibrer le réseau électrique avec une énergie décarbonée et pilotable. Il y a une dizaine de projets de ce type en France et il nous revient, notamment, de les regarder tous avec intérêt.
Mais la puissance ne suffit pas à affirmer ou non l’opportunité du projet, si on ne dit pas à quel prix l’électricité peut être produite. Dans ce cas, tout dépend de la durée d’amortissement de l’investissement estimé aujourd’hui entre 400 et 500 M€.
Si c’est le service public qui organise ce barrage et qu’il est amorti sur une durée longue de 70 ans ou plus, alors le coût serait de l’ordre de 45 € le mégawattheure, autrement dit un coût pertinent. Si au contraire, il doit être amorti par le secteur privé sur 40 ans, alors on se rapprocherait plutôt des 100 €. Et si la prise en compte des impacts environnementaux conduit à augmenter ces prix, alors les chiffres se dégradent fortement et avec elle la pertinence du projet.
C’est pourquoi, les Communistes interrogent également le modèle économique et la nature des acteurs en jeu. On sait que le premier actionnaire de la CNR est le groupe privé Engie, acteur historique du gaz, premier concurrent d’EDF. Engie a besoin de décarboner son activité et voit donc sans doute d’un bon œil ce projet hydroélectrique. Mais il doit chercher la rentabilité, peut avoir du mal à construire sans durée longue. Le cadre économique de l’exploitation de ce barrage est donc essentiel. Les Communistes n’accepteraient pas qu’un tel projet soit vu par un acteur privé comme une rente garantie sur des décennies. Qui fixera les prix, qui vendra ou pas et qui fera une marge ? Nous sommes d’autant plus inquiets que certains évoquent l’hypothèse de sortir les barrages du régime des concessions et de les placer sous le régime des autorisations sur des durées courtes. Cela impliquerait de mettre l’hydroélectricité sur le marché avec des opérateurs cherchant à vendre au prix le plus haut au lieu de piloter en fonction des besoins.
En supposant la pertinence de ce projet dans un cadre économique donné, il reste à savoir s’il est capable de réduire fortement ces impacts environnementaux. D’abord, la question de la chute d’eau de moins de 7 mètres, ce qui peut paraître faible, comparé, par exemple, à celle du barrage de Cusset qui est de 12 mètres ou de Pierre-Bénite. Pour obtenir cette hauteur de chute, de gros travaux de creusement sont prévus en aval et l’élargissement du fleuve en amont avec un impact sur le niveau de l’eau sur 22 kilomètres. Il serait donc utile d’étudier d’autres possibilités avec, par exemple, une hauteur de chute plus faible.
De même, le projet présente et implique une artificialisation des berges du Rhône sur 22 kilomètres en amont du barrage. Pourquoi ? Quelles alternatives possibles sachant que les berges en amont du barrage de Cusset sont peu ou pas artificialisées ? En tout état de cause, les questions posées sont justifiées et sérieuses, je l’ai déjà dit, et demandent des réponses détaillées. Mais il faudra en rajouter d’autres. L’impact de Rhônergia sur la ressource en eau dans un contexte de changement climatique, l’influence du barrage sur la thermie des eaux du Rhône, l’impact des aménagements liées au barrage/usine sur les eaux souterraines et l’impact sur la qualité de l’eau et des sédiments.
En conclusion, il est essentiel d’abord de compléter les études sur la pertinence énergétique, en précisant le modèle économique, les conditions de vente d’électricité produite avec les variantes sur les dimensions du barrage et, notamment, sur la hauteur d’eau. Au total, il faut que l’enquête publique actuelle, décidée très en amont pour que le débat public porte non pas sur un projet ficelé à prendre ou à laisser mais sur une opportunité, puisse s’appuyer sur des études sérieuses. Il faut que l’enquête conduise à prolonger ses études en organisant un cadre impliquant toutes les parties prenantes dont, évidemment, la Métropole de Lyon et la Régie de l’eau. Nous nous abstiendrons sur cette délibération.
Je vous remercie.