Monsieur le Président, mesdames, messieurs, la lutte contre la pauvreté est au centre de notre engagement pour le droit de toutes et tous à une vie digne. Sur la commune de Vénissieux, la pauvreté touche 32 % des habitants. De trop nombreuses personnes -des jeunes, des familles, des personnes âgées, des parents seuls en situation de précarité- ne sollicitent pas les aides auxquelles elles ont droit. Il est crucial qu’elles soient mieux orientées pour recourir à leurs droits, et ne pas créer de nouvelles difficultés.
Face au non-recours, la Ville de Vénissieux a soutenu, en 2021-2022, la première expérimentation « Territoire zéro non-recours », sur le secteur du Moulin à Vent, en lien avec le centre social, la Métropole et l’association le Centsept regroupant un collectif d’acteurs privés, publics et associatifs.
Le premier enjeu est l’identification de personnes en non-recours, puis leur accompagnement pour l’accès aux droits. L’ambassadeur des droits est actif sur le terrain pour repérer, écouter et orienter dans une approche d’ »aller vers ». En parallèle, le coordinateur ressources veille à renforcer la coordination entre les acteurs sur le plan de l’accompagnement social.
Les résultats de cette première expérimentation ont été significatifs en termes de nombre de personnes accompagnées, ainsi que pour la compréhension du mécanisme de non-recours et la qualification des partenaires sociaux.
L’expérimentation menée sur le quartier du Moulin à vent depuis 2021 est positive, nous souhaitons poursuivre la démarche et, pourquoi pas, contribuer à diffuser notre expérience sur le territoire métropolitain. Nous avons été sollicités pour des échanges d’expérience par des collectivités de la France entière auxquels nous avons répondu avec plaisir tout en insistant sur la question de la spécificité de chaque territoire. Un dispositif qui fonctionne à un endroit précis s’appuie sur sa propre réalité en termes de population et de structure ainsi que sur son tissu de partenaires.
Vénissieux s’inscrit aujourd’hui dans ce nouveau projet Territoire zéro non-recours porté par la Métropole, tout comme Vaulx-en-Velin et Lyon 7ème. Pour Vénissieux, ce sera toujours en collaboration avec le Centsept et en partenariat avec le Point d’information médiation multiservices (PIMMS), Médiation Lyon Métropole ainsi que l’association Passerelle. Le CCAS et la MDML sont, bien entendu, impliqués.
J’aimerais ouvrir une parenthèse et tirer une sonnette d’alarme. L’avènement du numérique et la multiplication des démarches en ligne peuvent rendre encore plus difficile l’accès aux droits pour ceux qui sont victimes de la fracture numérique, même si nous déployons dans les communes des formations ainsi que des permanences d’écrivain public et numérique.
Rien ne peut remplacer le fait d’avoir en face de soi un être humain plutôt qu’une borne automatique ! Les points d’accueil du public sont la base essentielle de tous nos services publics ! Or, nous constatons, un peu partout, des fermetures de guichets ou réduction des horaires d’ouverture, à la SNCF, à la Caf, à France Travail, aux impôts, à la Carsat, à la CPAM, etc.
Dans un rapport 2022, la Défenseure des droits nous rappelle que : « Les personnes économiquement vulnérables doivent parfois faire le choix entre se nourrir et avoir accès à internet pour réaliser une démarche leur permettant d’accéder à leurs droits ».
Il y a aussi la difficulté d’immersion dans l’univers numérique et la complexité des documents administratifs en ligne. Contrairement aux idées reçues, même les jeunes -pourtant très habiles avec Instagram- se déclarent en difficulté : un quart des 18-24 ans indiquent avoir rencontré des difficultés pour réaliser seuls des démarches en ligne.
Il y a également la barrière de la langue. J’ai, d’ailleurs, tout récemment interpellé le ministre de l’Économie concernant la fin de la mission d’ISM-CORUM à la Poste de Vénissieux ainsi qu’à La Poste de Lyon-Vaise, de Villefranche-sur-Saône et de Villeurbanne. Cette association réalisait une mission de facilitation des relations usagers-personnels avec la mise à disposition d’interprètes. C’est la diminution du fonds de péréquation du contrat postal qui a entraîné la suppression des crédits alloués à la mission d’inclusion et d’accès au service public de proximité de la Poste.
Que l’État mette en place des dispositifs tels que « Territoire zéro non-recours », c’est très bien. Mais on ne peut pas accepter, dans le même temps, que des institutions ferment des guichets et des services de proximité car cela produit et augmente le non-recours aux droits.
L’enjeu principal, autour de la lutte contre le non-recours, est justement de rassembler et mobiliser l’ensemble des acteurs de l’accès aux droits : Métropole de Lyon, services de l’État, communes, Centres communaux d’action sociale (CCAS), associations, France Travail, Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM), Caisse d’allocations familiales (CAF).
La toute première chose à faire serait de remettre les moyens humains pour l’ouverture maximum des guichets d’accueil. Nous le voyons à Vénissieux, quand un usager n’arrive pas à obtenir un rendez-vous dans une institution, il vient consulter notre écrivain public et numérique ; et les communes ne peuvent pallier l’ensemble des suppressions de guichets.
Si l’expérimentation Territoire zéro non-recours est une opportunité, il faut réduire, de manière générale, la fracture entre les usagers et les services publics. Mais je crains, malheureusement, que les politiques gouvernementales et les stratégies de rentabilité ne creusent toujours plus le fossé.
Je vous remercie.
La vidéo de l’intervention : https://youtu.be/kD0xSZelKiU?t=17290