M. le Conseiller MILLET : Monsieur Le Président, chers collègues, j’interviens aussi au nom du GRAM.
Notre première remarque porte sur le niveau de participation citoyenne à ce débat important pour notre agglomération. Malgré les moyens significatifs et la diversité des formes, comme pour d’autres concertations publiques, peu de citoyens se saisissent de ce débat. C’est un aspect de cette véritable crise démocratique que le Nouveau monde est bien incapable de résoudre et même, tout simplement, de reconnaître. Les témoignages montrent la méfiance de beaucoup de citoyens, y compris d’associations engagées, dans les données, les évaluations, les études proposées.
La démocratie est à reconstruire, à réinventer dans notre pays et, malheureusement, les réformes institutionnelles annoncées vont tout à l’inverse renforcer la présidentialisation, la médiatisation et la technicisation de nos institutions.
Cependant, assumons ce débat. La première question est celle de l’opportunité de ce projet…
Il y a eu, dans le débat, beaucoup d’inquiétudes et de critiques -sur l’impact des infrastructures, leurs nuisances- mais nous sommes convaincus que, pour sortir du fléau des poids-lourds sur nos routes et des bouchons dans l’accès à l’agglomération, il faut une politique ambitieuse pour plus de trains de marchandises et plus de trains de passagers. C’est pourquoi il faut défendre ce projet qui vise à créer les infrastructures permettant de faire passer plus de trains dans et autour de l’agglomération. On peut discuter où et dans quelles conditions, mais nous avons tous intérêt à obtenir les financements publics nécessaires !
Cela suppose, contrairement à ce qu’écrit cette délibération, une rupture avec le projet actuel de mobilité métropolitaine. Il suffit de constater que le PDU que vous avez validé en 2017 ne faisait pratiquement pas référence au train. Nous avions insisté, à l’époque, pour demander un travail beaucoup plus étroit avec la SNCF et la Région pour une autre place du rail dans ce projet.
C’est pourquoi nous renouvelons notre demande de réouvrir le dossier du PDU, avec les grands dossiers des infrastructures routières et ferrées et, donc, de relancer des études de scénarios basés sur une forte réduction des flux voitures entrant dans l’agglomération et circulant sur le périphérique. Cela devrait conduire à réévaluer le niveau des investissements nécessaires du SYTRAL.
De même, nous sommes étonnés de lire, dans cette délibération, que le projet NFL permettrait de « concrétiser l’ambition du Réseau express régional (RER) à la lyonnaise » car nous sommes intervenus à plusieurs reprises sans succès, avec d’autres d’ailleurs, pour que la Métropole affirme cette ambition d’un véritable RER. Il ne s’agit pas seulement de réduire le trafic marchandises et d’augmenter le nombre de sillons pour le trafic passagers (ce que ce projet propose) mais aussi d’articuler déplacements SNCF interurbains ou nationaux avec les déplacements d’agglomération. Ce sujet n’est pas abordé du tout dans le PDU et abordé bien trop peu, de notre point de vue, dans ce projet NFL dont ce n’est, cependant, pas l’objet. Quid de la ligne Trévoux, de la gare de Saint Clair, de la ligne vers Roanne, vers Montbrison ?
Notre deuxième préoccupation concerne le financement public pour le rail. Les estimations s’accumulent : 3 milliards pour le contournement ; 4, pour le nœud ferroviaire ; plus la liaison Turin, la liaison vers Clermont-Ferrand, … Mais la loi Mobilité en discussion ne prévoit rien et demande à la SNCF de se concentrer sur l’entretien des lignes ! Début 2018, un rapport officiel reportait aux calendes grecques le CFAL Sud, annonçant un coup de frein sur les infrastructures. Depuis, la ministre a demandé à SNCF Réseau de travailler à des scénarios de phasage pour identifier ce qui pourrait être fait en premier. On peut craindre que cette demande traduise le fait que le Gouvernement ne veut pas s’engager sur le projet d’ensemble…
Le projet dit qu’il faut augmenter le fret ferroviaire : passer de 30 millions de tonnes-kilomètres à 50, voire 70 millions… Mais la SNCF, service public, transportait déjà 50 millions de tonnes il y a 30 ans ! Si le fret est en recul, c’est à cause du sous-investissement dans le rail hors TGV, de la privatisation et de la mise en concurrence du fret, et des choix de la SNCF dans cette concurrence, se concentrant sur ce qui était rentable et développant sa filiale de transport routier. C’est aussi une conséquence de la désindustrialisation, qui réduit le trafic de marchandises industrielles au profit du trafic de distribution centré sur les camions. Ce projet d’infrastructures devrait s’accompagner d’une autre politique nationale du fret ferroviaire et, notamment, de la remise en cause de la restructuration/privatisation de la SNCF pour retrouver la cohérence nécessaire entre les infrastructures, le fret et le trafic passager. Mais notons que, pour que l’offre capacitaire proposée par SNCF Réseau devienne une offre de services utile, il faut sortir du mythe de la concurrence et redonner les moyens de son développement au service public.
Enfin, ce projet devrait beaucoup plus s’inscrire dans l’ambition multipolaire du SCOT métropolitain avec, notamment, l’enjeu des gares périphériques dans un projet de RER à la lyonnaise et leur complémentarité avec les gares principales de la Part-Dieu, Perrache et Saint Exupéry. Certes, il est proposé une augmentation des fréquences, mais sur la seule base des lignes SNCF. Ce projet concernant les infrastructures SNCF ne peut trouver son utilité que dans le cadre d’un projet de mobilité qui doit impliquer tous les acteurs, dont la Métropole. Quelle interaction avec les lignes de métro ? Peut-on imaginer d’avoir des trains SNCF sur les rails TCL, comme à Paris ? Peut-on imaginer une carte d’abonnement unique, une coordination des horaires ?
Permettez-moi aussi de demander que la désaturation du NFL lyonnais ne se traduise pas par la saturation de la ligne historique Saint Fons – Grenay passant par Vénissieux ! C’est pourquoi il faut impérativement la réalisation du CFAL sud aux mêmes échéances que la partie nord. Et c’est pourquoi il faut aussi être attentif aux conditions de réalisation de la 4° voie, de son impact urbain mais aussi environnemental, avec les protections sonores nécessaires pour les riverains. Ce projet ne peut se comprendre sans une nouvelle ambition pour la gare de Vénissieux, troisième gare multimodale de l’agglomération mais seulement 7° gare SNCF. La SNCF doit prendre toute sa place dans ce projet de nouveau quartier structurant pour relier le cœur de ville aux quartiers nord de la voie ferrée.
Enfin, concernant les scénarios souterrains ou aériens, nous ne pouvons accepter de ne raisonner qu’en fonction du coût important de la solution en souterrain. Il m’arrive de passer sur le boulevard Stalingrad en rentrant de La Doua en vélo et je suis surpris que personne n’observe que la piste cyclable se retrouverait sous ces deux voies en aérien… sans compter le nombre de platanes à abattre… Je ne suis pas sûr que cette solution soit satisfaisante pour le cadre de vie et l’environnement.
C’est pourquoi, d’ailleurs, nous ne voterons pas l’amendement proposé par le groupe EE-LV d’autant que la solution « souterrain » n’interdit pas du tout l’existence de haltes ferroviaires en interconnexion avec les transports en commun, comme c’est le cas à Paris.
En conclusion, nous appelons les citoyens à se saisir beaucoup plus nombreux de la consultation. Les inquiétudes sur ce projet doivent conduire non pas à le craindre mais à s’en saisir pour qu’il soit possible de basculer la majorité des camions sur le rail -comme en Suisse-, de doubler la mobilité train et transport en commun et, donc, de diviser par deux les flux autoroutes et périphériques. Et c’est pourquoi ce projet doit aussi être l’occasion de rediscuter du projet métropolitain de mobilité.
Je vous remercie.