M. le Conseiller MILLET : Monsieur le Président, avec cette délibération, nous complétons le financement d’un dispositif de valorisation utile puisque, sans cela, nous brûlons des boues en chauffant l’air. Mais, il est intéressant de le situer dans le débat énergétique plus général.
C’est un projet de petite taille, avec un objectif de valorisation de 6 GWh, sachant que l’installation consomme 4GWh, soit un solde à valoriser de 2GWh, ce qui représente la consommation de chaleur de 450 logements, je crois, nous dit la délibération. Il est pourtant instructif de la réalité économique du biogaz.
Car si les annonces sont parfois impressionnantes, les évaluations économiques restent très incertaines. Ainsi, l’ADEME estime le potentiel de biogaz entre 100 à 250 TWh, en gros, la moitié de notre consommation nationale de gaz. Cette estimation est, sans doute, optimiste car il est difficile de prévoir l’équilibre entre les différentes valorisations possibles de la biomasse et le mix énergétique, notamment pour le transport entre l’électricité et le gaz.
Mais de toute façon nous n’en sommes pour l’instant qu’au tout début, puisqu’il n’y a en France que 26 installations d’injection en fonctionnement et 241 projets -ce qui montre l’intérêt bien sûr- mais des projets en attente avec des difficultés générales de financement car ils reposent tous sur un niveau significatif de subventions pour pouvoir être réalisés.
C’est d’ailleurs bien ce qui se passe dans le cas de la Feyssine puisque l’investissement de 3 M€, subventionné à 1 M€, ne devient pourtant économiquement rentable -et chacun se félicite d’un retour sur investissement court- que sur un prix vendu du biogaz à 12 €, soit plus du double du prix de marché du gaz. Évidemment, il sera impossible de passer à l’échelle dans un tel cadre économique fortement aidé.
Quant à l’efficacité de l’investissement, il faut 3 M€ pour produire 6 GWh -disons 5 GWh de chaleur- alors qu’une chaufferie biomasse de 6 M€ (deux fois plus chère) produit 60 GWh,, plus de dix fois plus, autrement dit l’investissement ici est dix fois moins efficace que l’investissement dans une chaufferie biogaz. Bien sûr, c’est bien mieux de produire quelque chose plutôt que de perdre l’énergie potentielle mais c’est le vrai débat que nous devons avoir en permanence dans cette transition énergétique qui est souvent pleine de non-dits.
On peut décider de subventionner une filière naissante -c’est même souvent indispensable car le marché, contrairement aux discours économiques dominants, est souvent peureux- mais il faut jouer la transparence pour un vrai débat public sur la meilleure utilisation raisonnée des ressources et un critère de décision : le coût de la tonne de carbone évitée. D’autant que chaque GWh produit a en fait consommé deux tiers de gaz naturel utilisé par la STEP, ce qui fait qu’il ne sera qu’un semi-biogaz. Il serait, d’ailleurs, curieux que les 6 GWh obtiennent le certificat d’énergie verte !
Dans ce cas, le choix entre la valorisation biogaz et la valorisation énergétique n’a jamais été éclairé dans la décision métropolitaine. Il est donc possible que ce choix ne soit pas le plus efficace, ni en terme de valorisation ni en terme de réduction des émissions carbonées. Nous y serons attentifs pour nos principales stations d’épuration, dont celle de Saint Fons qui continue, elle, à chauffer les petits oiseaux.
Je vous remercie.