Sortir de l’attractivité… pour s’atteler à l’urbanité même de notre agglomération…

2025-2889 - Schéma de cohérence territoriale (SCoT) de l'agglomération lyonnaise - Avis de la Métropole de Lyon sur le projet de révision -

M. le Conseiller R. Debû : Monsieur le Président, madame la Vice-Présidente, chers collègues, permettez que je commence par remercier chaleureusement les équipes du SEPAL, de l’Agence d’urbanisme, nos agents de la Métropole et tous les acteurs qui ont œuvré à la réalisation du SCoT. Sans eux, ce document de première importance n’aurait jamais vu le jour.

De rappeler, ensuite, que les élus du SEPAL -tous bords politiques confondus- ont pu travailler en bonne intelligence, malgré des divergences sur certains points, ce qui est bien naturel.

Dire, enfin, ma satisfaction de voir ce document soumis aujourd’hui à notre approbation.

En effet, ce SCoT s’inscrit en rupture avec les logiques libérales, qui voudraient que l’on gouverne une ville comme une entreprise, dans un contexte de concurrence exacerbée. Sous la bannière de « l’attractivité et la compétitivité des territoires », cela revient à penser la ville comme un stock de ressources territorialisées et à concentrer les moyens sur la mise en valeur de ses ressources à destination d’agents économiques mobiles à l’échelle internationale, tels les multinationales, les fonds d’investissements, les cadres hautement qualifiés ou l’industrie du tourisme. La valorisation compétitive du territoire est, alors, placée en tête des objectifs poursuivis par les politiques urbaines, cherchant à attirer et fixer une série d’agents économiques dominants, dans la configuration contemporaine de la Division internationale du travail (DIT).

D’habitants, de services publics, d’environnement, il n’était point question. Pas plus que d’aménagement du territoire, au sens réel du terme, c’est-à-dire de l’organisation territoriale de la société dans toutes ses dimensions… que ce soient le cadre de vie, la réponse aux besoins sociaux, les impératifs écologiques, les défis de la mobilité ou les enjeux de l’emploi… pour ne prendre que quelques exemples…

C’est, je crois, l’ambition que se donne le SCoT… Sortir de l’attractivité, dépasser le purement urbaniste, pour s’atteler à l’urbanité même de notre agglomération… C’est-à-dire penser l’articulation des territoires, leurs fonctionnalités réciproques, leurs liens, à partir du droit à la ville, de la réponse aux besoins sociaux, de l’accueil des populations. C’est placer l’activité économique au service de la population -et non l’inverse-, promouvoir les services publics comme levier du cadre de vie -au même titre que la préservation de l’environnement-, ouvrir la ville à toutes et à tous.

Car, au commencement, est le droit à la Ville. Chacune et chacun d’entre nous avons le droit de vivre décemment dans notre agglomération, quels que soient notre niveau de ressources, nos origines, notre genre, notre âge ou nos handicaps.

Ainsi, l’agglomération de Lyon doit être pensée comme une ville multipolaire et ses quartiers multifonctionnels, afin de lutter contre les phénomènes de spécialisation/ségrégation. Le constat, déjà dressé dans les années 60-70, d’une ville polarisée entre l’est « prolétaire » et l’ouest « bourgeois » (forme, somme toute, classique de l’urbanisme français) perdure, et c’est l’ambition du SCoT que de rééquilibrer les fonctionnalités économiques et les formes de l’habitat dans la Métropole.

Ainsi de l’objectif, à l’horizon 2040, de produire plus de 120 000 logements, dont plus du tiers en logement social et abordable -j’aurais, pour ma part, porté ce chiffre à 50 %-, déployés partout -y compris à l’ouest, n’en déplaise à certains. Bien sûr, cela doit se traduire par une densification de l’habitat sur l’ensemble de l’agglomération et pas simplement en son cœur ou dans ses grandes cités populaires. Autre sujet de friction, à ne point en douter.

Mais cela signifie également le maintien et le développement de l’activité productive, jusqu’au centre de la Métropole, dans des quartiers multifonctionnels pour battre en brèche l’ultra spécialisation des territoires, avec ces quartiers de tours sans habitant ou cités résidentielles sans commerce ou activité économique. Cela impose également de concevoir des grands équipements en dehors de la ville-centre et de les positionner dans les autres pôles.

Bref, à la force centrifuge de la suraccumulation capitalistique, nous opposons la force centripète de l’équilibre territoriale et de la justice sociale. Car la ville n’est pas à vendre.

En effet, la ville n’est pas un produit ; c’est un centre de production.

Ainsi, devons-nous développer les outils permettant de lutter contre le sur-tourisme, en maîtrisant notamment l’offre de meublés de tourisme, ceux-là même qui participent à la crise du logement. Lutter également contre la spéculation foncière des grands fonds d’investissement -qui identifient la ville comme une rente au rendement alléchant- et les grandes opérations commerciales, dont l’Hôtel-Dieu est le symbole par excellence. Déconcentrer l’implantation du tertiaire vers les nouvelles centralités urbaines et limiter l’implantation des grandes écoles privées, qui ne font qu’accroître la tension sur le marché foncier.

Mais c’est aussi soutenir et développer l’appareil de production de la Métropole -y compris de l’industrie « lourde », y compris dans le tissu urbain.  Dans l’immédiat, et j’alerte, c’est de tout faire pour maintenir l’activité de JTEKT à Irigny.  C’est un sujet de portée national, mais la Métropole de Lyon n’est pas une île ; elle s’inscrit dans un ensemble régional et national.

En effet, la richesse de notre agglomération vient aussi du travail des salariés extérieurs, ce qui implique une nécessité de coopération et de réciprocité avec les territoires voisins -de plaine de l’Ain, du Nord-Isère, de la Loire -ou, plus simplement, du Beaujolais. D’où, notamment, le besoin de mettre en œuvre le SERM (Services express régionaux métropolitains) que nous appelons tous de nos vœux.

Par ailleurs, Lyon n’a pas vocation à aspirer toutes les entreprises à haute valeur ajoutée des villes voisines. Il s’agit, là encore, de travailler les équilibres territoriaux en bonne intelligence, à rebours de « l’attractivité et de la compétitivité des territoires ».

Et si la Métropole n’est pas un territoire insulaire, il n’empêche qu’elle doive développer ses équipements portuaires, ainsi que le fret ferroviaire, et les combiner à la logistique de proximité. Le port Edouard Herriot, la plateforme de Vénissieux-Saint Priest, les gares de triage de Sibelin et Saint-Germain sont, ainsi, des équipements stratégiques, au même titre que le CFAL (Contournement ferroviaire de l’agglomération lyonnaise) -sud, singulièrement- ou les accès français au Lyon-Turin.

Pour autant, ces objectifs ne seraient être accomplis sans la création d’outils nouveaux. Le SCoT ne peut pas, à lui seul, transformer le territoire. Dès lors, se pose la question de l’indispensable maîtrise publique du foncier et de lutte contre le renchérissement des prix. Il y a, là, sujet à des évolutions législatives et de sérieuses augmentations de moyens financiers.

L’encadrement des loyers est un des outils qui permet d’atténuer l’envolée des prix des loyers et, donc, de la gentrification de la ville. L’expérimentation a prouvé son utilité. Il s’agit d’inscrire la loi dans la durée, au-delà de décembre 2026. J’encourage donc chaque formation politique à voter la loi déposée, en ce sens, au Sénat par mon excellent camarade Ian Brossat.

Par ailleurs, il y a nécessité à définir une organisation démocratique des filières économiques et industrielles, car l’économie est chose trop sérieuse pour la laisser aux seules mains des acteurs privés. La socialisation des moyens de production est, bien sûr, la solution idoine, mais je crois qu’il reste encore un peu de monde à convaincre.

En tout état de cause, vous l’aurez compris, nous vous enjoignons à voter le SCoT.

La vidéo de l’intervention : https://youtu.be/-vTMoJbUA2E?t=8244

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