La dette n’est pas l’addition des déficits ! Elle dépend de la croissance, de l’inflation, des taux d’intérêt !

2025-2681 - Débat d’orientations budgétaires 2025 - Tous budgets -

M. le Conseiller P-A. Millet : Monsieur le Vice-Président, chers collègues, permettez-moi, tout d’abord, une remarque sur le contexte géopolitique mondial évoqué dans l’introduction du DOB. Nous serions, face à nos ennemis Russie et Chine, désolés de ne pouvoir compter sur nos amis, les USA. Cette lecture est datée et inadaptée ! L’investiture de Trump ouvre les yeux ; Zemmour, à ses côtés, illustre une véritable internationale brune. Nous n’avons plus rien à attendre de l’Occident global, comme disent les pays du sud. Retrouvons les sources de la souveraineté gaulliste… premier à ouvrir les relations avec la Chine socialiste, à chercher une voie équilibrée entre Atlantique et Eurasie tout comme, d’ailleurs, entre monde arabe et Israël… Ce n’est pas la Chine qui a mis en prison un patron français pour peser sur des négociations industrielles et faire racheter Alstom par General Electric, ce sont les USA. Et ce n’était pas Trump, mais Obama !

Mais revenons au cœur de ce DOB. Pour notre part, nous refusons le discours de la dette. Depuis des années, on nous menace de cette terrible dette qui écraserait les services publics et rendrait obligatoire la plus grande austérité. Mais, plus on conforte les politiques dites « libérales » supposées réduire les déficits, plus la dette augmente et plus on en rajoute dans les objectifs de réduction de dépenses publiques… et cela conduit au discours de l’extrême droite… « Le seul problème, c’est l’État ».

Marx disait qu’aucun État bourgeois ne pouvait résoudre le problème de la dette, car ce sont les bourgeois qui sont les bénéficiaires de la dette ! Car la dette n’est pas l’addition des déficits annuels ! Il faut tenir compte de l’inflation, de la croissance et des taux d’intérêt pour connaître la charge de la dette. Tous ceux qui ne nous parlent que des déficits nous mentent.

L’année de ma naissance, le déficit de la France était de 650 milliards d’anciens francs (environ un milliard d’euros), il conduit le général de Gaulle à prendre deux décisions qui sembleraient, aujourd’hui, totalement saugrenues… 1. la dévaluation et 2. l’augmentation de la fiscalité des entreprises… Résultat, quand il part du pouvoir, la dette de la France n’est que de 13 % de son PIB.

Car si le déficit est inférieur à la somme de l’inflation et de la croissance, alors la dette se réduit. C’est ce que savaient toutes les familles populaires qui s’endettaient, dans les années 70, en achetant une voiture ou une maison avec une inflation qui faisait disparaître leur mensualité en quelques années. Mais qui ne veut pas d’inflation ? Bien sûr, les propriétaires, qui veulent voir leur actif se maintenir, voire se valoriser, sans effort. Le discours de la dette, c’est le discours de la rente contre le salaire, des propriétaires contre le travail.

Les travailleurs sont, cela dit, les premiers à savoir qu’on ne peut distribuer que ce qu’on a produit, et notre critique de la dette comme outil politique n’est pas du tout une apologie du quoi qu’il en coûte, au contraire. Mais, pour retrouver une croissance permettant de répondre aux besoins sociaux, il faut accepter un niveau d’inflation qui fait baisser la valeur de la dette, il faut sortir d’une politique de monnaie forte -qui ne peut être qu’une politique de concurrence de la puissance des dettes, où les USA sont imbattables- et il faut orienter les dépenses non vers le financement des actionnaires, dont aucun ruissellement ne peut être espéré, mais vers le financement du travail, des compétences, des investissements productifs, des services publics, de l’emploi.

Nous savons bien qu’aucun de ces éléments ne relèvent d’abord d’une compétence métropolitaine, que nous n’avons qu’une très faible maîtrise de nos recettes et que nos dépenses de soutien à l’économie sont déjà fortement orientées vers l’économie productive, l’emploi, le développement local.

Cela dit, les communistes tiennent à éclairer ce contexte d’un budget difficile en dénonçant des gouvernements qui n’ont cessé de creuser la dette, mais qui continuent à demander toujours plus d’efforts aux collectivités et à la Sécurité sociale plus qu’à leur propre politique budgétaire, tout en refusant d’ouvrir le débat sur l’efficacité de la dépense publique !

Il y a, pour les majorités du centre et de droite, des sujets intouchables… les cadeaux aux actionnaires, le financement des guerres, la baisse des impôts des plus riches… Et ce sont les mêmes qui nous répètent qu’il y a trop de fonctionnaires, trop de dépenses sociales. Le débat devient de plus en plus clair et chacun doit réaliser qu’il faut, sur ces sujets, soit accompagner la dérive libérale jusqu’à Trump/Zemmour -donc, la fascisation-, soit remettre en cause une politique inégale et injuste et réorienter l’effort public vers les collectivités, les services publics, les salaires, l’investissement -en quelque sorte, une politique gaulliste, qui pourrait trouver des échos, chers collègues de la droite.

L’exemple le plus frappant est celui du financement des services d’incendie et de secours. Les drames en Espagne ou en Californie soulignent l’ampleur des moyens nécessaires en temps de crise et l’aberration des politiques de rigueur appliquées aux pompiers, comme en Californie. Les syndicats du SDMIS font remarquer, avec raison, que les efforts bien réels de la Métropole, depuis 2020, restent en dessous de l’inflation malgré, notamment, les coûts des carburants. Ils évoquent une sous-dotation historique depuis la départementalisation, il y a 20 ans. La Métropole a demandé une mission d’appui pour objectiver la situation et les besoins, le Beauvau de la sécurité est relancé par le gouvernement ce printemps et devrait prendre des décisions d’ici l’été. Les conditions sont donc créées pour aller vers une démarche pluriannuelle de rattrapage permettant d’organiser le service d’incendie et de secours à la hauteur des risques environnementaux, industriels, climatiques et sociaux. Car nous savons bien qu’il n’y a pas de catastrophe naturelle, mais des catastrophes sociales dont les déclencheurs peuvent être naturels mais qui expriment, d’abord, les failles et les faiblesses d’une organisation sociale… ce que montre le drame de Mayotte qui est, d’abord, le drame du néocolonialisme aux Comores…

Il faut trouver une solution immédiate pour 2025 et, notamment, confirmer le million et demi évoqué, mais le mouvement social des pompiers est une alerte utile et légitime pour pousser tous les décideurs publics à créer les conditions pérennes d’un renouvellement du contrat social sur les enjeux d’incendie et de secours. Nous serons attentifs à défendre le service public contre tous ceux qui voudraient profiter de la crise pour en redéfinir certaines missions au profit du privé.

Reste aussi que ce budget 2025 est difficile. Il va falloir, si vous m’autorisez cette formule populaire, « serrer les fesses et serrer les coudes », faire attention à chaque dépense, voir ce qui peut être ralenti, adapté, mutualisé -sans rien casser des missions et de nos priorités. C’est l’esprit affiché par ce DOB, et nous serons attentifs à sa concrétisation dans le prochain budget, attentifs aux urgences sociales et à l’équité territoriale.

Je vous remercie.

La vidéo de l’intervention : https://youtu.be/5_Q1fg6mXzI?t=17074