M. le Conseiller P-A. Millet : Monsieur le Président, chers collègues, ces deux délibérations pour un numérique responsable et une gestion éthique des données méritent toute notre attention, même si elles ne contiennent pas de gros montants et même s’il semble difficile d’en faire un dossier stratégique de la majorité des groupes, contrairement à l’urbanisme ou aux mobilités. Pourtant, quand on écoute Trump, on ne peut qu’être frappés par la place que prend le numérique et évidemment pas pour un numérique responsable !
Sans doute que le numérique nous préoccupe tous et ne devient un objet politique que face aux risques de cybersécurité, et encore… Nous savons que beaucoup de collectivités sont insuffisamment organisées… je vous invite à consulter la carte interactive de conformité numérique des collectivités territoriales publiée par l’ANCT ou la carte des attaques cyber de collectivités publiée par l’association « Declic ».
Mais, peut-être, qu’en vous montrant l’enjeu économique international du numérique, cela peut éclairer le sujet. Les sept premières capitalisations de la bourse US concernent les technologies numériques, dont les célèbres Gafam, et elles portent 100 % de la croissance boursière US ces dernières années, alors même qu’on nous dit, chaque jour, que l’Europe est en panne face à la dynamique économique US. Alors, certains peuvent se dire qu’il faut faire un numérique à la Elon Musk… plus de règles… plus de droits… le laissez-faire… la « liberté », comme il dit -liberté de la jungle, bien sûr, liberté du Far-West…. Mais vous savez bien que, dans cette liberté, il n’y a aucune place pour un numérique français, un numérique qui respecte les services publics, qui soit attentif à son impact carbone, à ses déchets, qui contribue à une économie circulaire, à la réduction des fractures numériques, qui soit attentif aux questions éthiques -dont la protection des données personnelles.
Vous voyez que cette stratégie d’un numérique responsable est bien une délibération hautement politique et permettez-moi, en complément de nombreux exemples présentés par la vice-présidente, de l’illustrer sur un enjeu très actuel, dans les gesticulations trumpistes comme dans notre quotidien… l’impact de l’intelligence artificielle…
Je vous ai évoqué, en introduction, l’ampleur de la révolution du calcul en cours en évoquant la puissance presque infinie à notre échelle de l’informatique quantique capable de traiter des problèmes d’une taille plus grande que l’univers, mais vous en connaissez de multiples impacts de cette intelligence artificielle. Au passage, le terme de « révolution du calcul » me paraît beaucoup plus pertinent que celui d’intelligence artificielle, qui est très mensonger. Car elle n’a rien d’artificielle… des millions d’humains ont travaillé pour produire les données et organiser l’apprentissage… et elle n’a rien d’intelligent et ne nous dit rien de neuf… juste ce qui est vraisemblable par rapport à tout ce qui a été déjà produit… C’est donc un incroyable outil pour fabriquer… des mensonges crédibles ! Mais c’est un fantastique outil pour écrire plus vite, résumer, traduire, transcrire, présenter, imager, ordonner, classer.
Et les usages dans la presse, les services publics, les entreprises sont déjà là, sans qu’on ne les voie vraiment ! Un film récent a jugé nécessaire d’ajouter au générique une mention « pas d’usage de moteur d’IA », parce qu’on ne sait plus si les visages, les voix, les corps, … sans compter, bien sûr, les paysages d’un film apparemment réaliste, sont filmés ou calculés. Sans doute que la majorité des images diffusées dans les médias sont aujourd’hui issues d’IA.
Une anecdote… Une jeune apprentie en communication numérique me raconte qu’elle est utilisatrice quotidienne de Chatgpt pour organiser ses propres activités et, par exemple, décider de ce qu’elle va faire à manger le soir en disant à Chapgpt ce qu’elle a dans son frigo. Comment savons-nous ce que des centaines de fonctionnaires font déjà avec ces outils ?
Je change complètement d’exemple, mais toujours pour illustrer les enjeux pratiques du numérique… De nombreux anciens sont en difficulté avec leur téléphone et ses codes. J’ai découvert que les opérateurs font payer un service pour pouvoir prendre la main sur le téléphone à distance et redonner accès à la personne, mais dans quelle condition des données de protection de la personne ? Comment pouvons-nous prendre en compte cette question dans nos politiques de vieillissement ?
Le document proposé illustre les nombreuses actions menées regroupées en trois thèmes -sobriété, solidarité, liberté. Certaines sont bien connues comme la maîtrise des durées d’usage des équipements, la mutualisation ; d’autres sont de véritables défis comme la sobriété des données, à l’heure où, au contraire, des immenses masses de données sont nécessaires aux IA. Il y a sans doute encore beaucoup à imaginer, mais nous savons bien que la question essentielle est celle de l’appropriation par les agents de ces enjeux et le fait que notre Conseil donne toute sa légitimité à la stratégie proposée en est une étape nécessaire, entre autres pour permettre le renforcement des actions de formation et d’accompagnement à ce numérique responsable.
Le numérique diffuse partout, à des échelles toujours plus larges. Nous devons nous donner une stratégie politique numérique qui permette à nos collectivités de ne pas être dépendantes, ne pas être débordées par des usages non souhaités, discriminants, injustes, inefficaces pour le service public, ne pas laisser un entrisme technologique s’imposer contre notre ambition de maîtrise des impacts environnementaux, sociaux, sociétaux.
Ce sont évidemment des sujets qui demandent un travail partenarial avec toutes les collectivités du territoire comme de nos partenaires. Nous souhaitons que cette stratégie d’un numérique responsable devienne un bien commun de tout le Conseil et de toutes nos collectivités.
Je vous remercie.
La vidéo de l’intervention : https://youtu.be/5_Q1fg6mXzI?t=21920