Pour l’anniversaire de la Marche de 1983, tirer les leçons de l’échec de la Gauche !

Prise de parole sur le vœu relatif à l’anniversaire des quarante ans de la Marche pour l’égalité et contre le racisme et à l’élaboration des futurs contrats de ville 2024-2030 -

M. le Conseiller MILLET : Tout a changé depuis 1983. Jamais les Français issus des quartiers n’ont été aussi présents partout dans la société… la science, la culture, le sport, la politique, la citoyenneté, … Le clip « Banlieusard » de Kerry James, que je vous conseille, le montre. Et, pourtant, les inégalités sociales et territoriales sont plus fortes, comme les ségrégations spatiales que continue à construire notre métropole. Et, pourtant, le racisme s’impose dans la vie politique. C’est pourquoi l’anniversaire de la Marche pour l’égalité des droits et contre le racisme de 1983 doit poser la question des leçons que nous en tirons pour aujourd’hui.

J’ai déjà évoqué, en introduction, les fractures françaises qui sont le contexte de cet anniversaire, mais je voudrais, pour ce vœu, rappeler le contexte de 1983.

Il y a 40 ans, le quartier Monmousseau -où vivaient beaucoup des jeunes de SOS Avenir Minguettes- se vidait depuis plusieurs années… Il y avait des milliers de logements vides et, quelques mois avant la marche, une première tour démolie dans ce quartier.

C’était 10 ans après les dernières constructions de la ZUP, qui atteignait 40 000 habitants quand les premiers départs ont commencé. En 1976, le maire Marcel Houël organise un conseil municipal extraordinaire aux Minguettes, pour alerter sur les conséquences de la crise qui frappe un quartier manquant cruellement d’équipements et de services. La ville fera son possible… construisant le stade, la piscine, deux centres sociaux, une clinique et une maison de retraite… Mais les Trente glorieuses se terminent, les Trente piteuses se préparent… la France capitaliste n’a plus besoin de cette immigration massive, la désindustrialisation commence…

Un excellent film de notre collègue Yves Ben Itah sur la marche a pour titre « 1983, L’ESPÉRANCE TRAHIE » car, le contexte, c’est la prise de conscience de l’échec de la Gauche qui avait tant promis en 1981 ! Oui, cet anniversaire est aussi celui de la trahison d’une Gauche qui s’éloigne des milieux populaires. Début 1983, le Premier Ministre Pierre Mauroy dénonce la grève des ouvriers de l’automobile comme religieuse -on ne parle pas encore d’islamisme. Mais, face au mur de l’argent et avant la casse de la sidérurgie, la Gauche va dire sa vérité. Elle ne sera pas du côté des milieux populaires.

Comment l’histoire aurait tourner si le Parti communiste avait clairement dit qu’on ne pouvait pas faire confiance à Mitterrand ? S’il avait soutenu l’expérience à Gauche sans aller au Gouvernement comme en 36 ? S’il avait concentré ses forces pour organiser le rassemblement populaire capable de résister au mur de l’argent, construire l’unité français-immigrés affirmée dans beaucoup de manifestations -mais qui ne résistera pas à la crise et à son instrumentalisation par l’extrême Droite renaissante ?

Un événement de l’époque illustre bien cette tension entre le terrain et sa traduction politique. En 1980, à Saint-Maur, un foyer de travailleurs maliens est en grève des loyers, avec le soutien du PCF et de la CGT. Il y a des dizaines de communistes dans et autour de ce foyer de travailleurs maliens, qui travaillent chez des asphalteurs. Quand le maire de Saint-Maur organise, de nuit, leur expulsion pour les installer dans un bâtiment de Vitry, en attente d’une réhabilitation, c’est la colère. Une grande manifestation est organisée à Vitry sur le thème « Solidarité travailleurs français-immigrés ». Pourtant, vous n’en connaissez que la bataille médiatique sur le bulldozer de Vitry… traitant le maire de « raciste », un comble… tout cela pour plomber la campagne présidentielle de Marchais…

C’est pourquoi le 10 mai 1981, dans la salle de la résidence étudiante de Saint-Irénée, j’interpellai des amis militants marocains, algériens ou tunisiens -qui fêtaient la victoire de la Gauche- en leur disant : « Mais vous ne vous rappelez pas que c’est lui qui signait les condamnations à mort en 1956 ? »

Oui, cet anniversaire de la Marche de 1983 porte une exigence : la Gauche doit tirer les leçons de son échec historique. Il y a urgence face aux dérives fascistes occidentales.

Je vous remercie.

La vidéo de l’intervention : https://youtu.be/tHYMFnP-Zjw?t=4831