M. le Conseiller MILLET : Monsieur le Président, monsieur le Vice-Président, chers collègues, c’est avec beaucoup d’émotion que je veux dire notre immense satisfaction sur ces deux délibérations. Satisfaction politique des Communistes qui avaient alerté lors des délibérations du Schéma directeur de l’énergie dès 2011, de la DSP actuelle du réseau de Lyon-Villeurbanne ensuite. Nous alertions nos amis écologistes, alors à l’exécutif, sur la place trop importante du gaz et la nécessité d’en planifier la sortie. J’avais fait remarquer la contradiction entre un vœu demandant aux banques de sortir du financement des fossiles, alors même que nous décidions de lourds investissements gaz sur le réseau de chaleur.
Or, ces délibérations s’inscrivent dans une grande ambition pour les réseaux de chaleur métropolitains, avec de nouveaux réseaux à l’étude un peu partout -ici, une extension vers Saint-Priest- et tout en affirmant l’ambition d’une décarbonation forte… donc, de la réduction de la part de gaz dans le mix de la chaleur… ce qui suppose, bien entendu, un développement majeur de sources décarbonées…
Monsieur le Vice-Président, cet enjeu méritera un débat en conseil sur notre ambition chaleur ! Et vous pourrez noter que le plan « Empreinte 2050 » du PCF prévoit la fin du gaz, pour le chauffage, en 2045… Il me semble, après nos échanges, que nous pourrions nous rejoindre sur cet objectif.
Mais cette satisfaction est aussi vénissiane, avec le premier projet d’énergie fatale industrielle sur un site historique de Vénissieux, anciennement Péchiney, puis Carbone-Savoie, puis actuellement Tokai. Permettez-moi de vous en raconter l’histoire.
Nous sommes fiers, comme Communistes et comme vénissians, de voir aboutir ce projet de valorisation de la chaleur des fours de cette usine, qui cuit du carbone pour fabriquer des cathodes utilisées dans les usines d’aluminium.
C’est un des plus vieux sites industriels de Vénissieux, du 19ème siècle, qui a fourni des générations de militants Communistes, d’adjoints au maire, … ouvriers qui connaissaient des conditions de travail difficiles. Le site produisait énormément de poussières, autant dans l’usine que dans les fumées dispersées par quatre vieilles cheminées en brique. Les anciens racontaient, au début des années 2000, que, périodiquement, les voitures dans le quartier étaient aspergées de goudrons le matin… Le site a été le plus polluant du sud-est de la France, notamment pour les HAP (Hydrocarbures aromatiques polycycliques) cancérigènes. Quand on parle de l’amélioration de la qualité de l’air, ce quartier sait de quoi on parle !
Au début des années 2000, le maire André Gerin faisait pression pour que l’usine réduise sa pollution, tout en défendant l’emploi et l’activité industrielle. Cela a conduit, en 2005, à une décision de limitation de l’autorisation de production, par le Préfet, qui pouvait inquiéter sur les décisions des actionnaires -à l’époque, le groupe Rio Tinto… pas spécialement un ami des Communistes ni de l’environnement !
Nous avons eu de la chance, car le groupe a finalement décidé un investissement lourd sur une nouvelle installation de traitement des poussières et des fumées qui a, dès 2013, drastiquement réduit les émissions, au service des ouvriers comme des habitants. Et l’entreprise a continué à investir, jusqu’à annoncer, récemment, la construction d’un cinquième four à venir pour accompagner l’évolution des marchés de l’entreprise vers la filière des batteries.
C’est dans l’ambition de décarbonation de l’entreprise que la rencontre avec le réseau de chaleur a pu se faire, parce qu’elle s’inscrit dans la longue durée… bien loin des résultats trimestriels à la mode de ce capitalisme US mortifère…
La ville de Vénissieux avait étudié, en 2010, le raccordement à l’usine Solvay de la Vallée de la chimie, mais il manquait le cadre juridique de long terme dans cette industrie qui, elle, vit de trimestre en trimestre… Ce cadre a été possible avec Tokai et nous en remercions les dirigeants, que les élus de Vénissieux connaissent bien -dans les rencontres avec le Conseil de quartier, les projets de développement de l’entreprise ou avec la charte de coopération vénissiane des entreprises.
L’entreprise cherche à remettre ses transports sur le rail, abandonné il y a 30 ans après la privatisation du fret SNCF. La ligne est toujours là, mais des camions vont et viennent entre Vénissieux et Notre-Dame-de-Briançon. L’entreprise est volontaire. Il ne manque que la volonté du Gouvernement de permettre le développement du fret !
Et, donc, nous allons récupérer la chaleur des fumées, la valoriser sur le réseau et nous sommes tout à fait heureux, monsieur le Maire de Saint-Priest, de la partager avec votre ville. C’est un enjeu de 4 %, puis 4,5 %, de la part ENRR du réseau -ce qui n’est pas négligeable-, avec un impact tarifaire légèrement positif pour les usagers -la chaleur industrielle étant achetée presqu’au même prix que celle des incinérateurs, donc en dessous du prix de la biomasse.
Nous espérons bien que ces chiffres pourront être revus positivement dans 3 ans, avec la prise en compte d’un cinquième four.
J’ai entendu Gérard Colomb, Président de la Métropole, parler en séance -quand le groupe Communiste évoquait des fermetures d’usine- « de la destruction créatrice… il faut que du vieux meurt pour que le neuf émerge »… Carbone Savoie, devenu Tokai, montre exactement le contraire ! On peut faire du neuf avec du vieux ! Et c’est le seul chemin pour ne pas détruire les savoir-faire que portent les salariés ! Permettez-moi d’insister sur l’exemple de JST à Lyon 8ème, un site historique de la fabrication de transformateurs de très haute tension, indispensable en sortie de centrale électrique. Il faut sauver le dernier site de production industrielle de Lyon, monsieur le Maire !
Je vous remercie.
La vidéo de l’intervention : https://youtu.be/5zx_d6lbYr4?t=22063