M. le Conseiller MILLET : Monsieur le Président, chers collègues, ce n’est pas la première fois que nous soulignons, dans ce conseil, la profondeur de la crise démocratique française qui touche, bien sûr, notre métropole. Si l’actualité politique passe rapidement d’une péripétie médiatique à une autre, il faut garder en tête les réalités profondes qui ressortent de cette période électorale.
Pour l’élection présidentielle, qui est le point fort de la construction politique en France, nous avons eu, dans la métropole, 200 000 abstentions, votes nuls ou blancs (pratiquement un quart des inscrits) et l’extrême-Droite a réuni 150 000 voix (plus de 17 % des inscrits) ; autrement dit, la dure vérité, c’est que 42 % de nos concitoyens inscrits ne sont pas représentés dans cette assemblée. Cela ne met, bien sûr, nullement en cause notre légitimité, mais cela confirme le défi de la participation citoyenne sur laquelle travaille avec détermination notre vice-présidente Laurence Boffet.
Pour les Législatives, c’est plus de 50 % de non exprimés et notre majorité métropolitaine, chers collègues insoumis, socialistes, écologistes ne représente que 32 % des exprimés (à peine 16 % des inscrits).
Certains me diront : « Cela ne change rien, et pourquoi se faire mal à le répéter ? »
Eh bien, en politique comme en santé, quand on vit dans le déni, le retour du réel peut être brutal. Et, contrairement à la santé, il n’y a pas de placebo.
C’est ce que le Nouveau monde macroniste, cher Gérard Collomb qui en êtes l’inventeur historique, a découvert face aux Gilets jaunes, puis avec cet échec législatif qui nous replonge dans les péripéties politiciennes de la 4ème République. Le général de Gaulle doit se retourner dans sa tombe, lui qui avait inventé une constitution qui devait placer le président au-dessus des partis. Il est vrai que, depuis Nicolas Sarkozy, la réalité du pouvoir en régime capitaliste se révèle toujours plus brutalement. C’est le camp des riches qui décide et qui profite, et il n’y plus de gras à négocier pour calmer les colères.
Si on ne s’arrête pas aux péripéties du microcosme politique, la situation est claire.
Les élections législatives ont confirmé la bascule à Droite de la vie politique et la crise de confiance des Français qui, majoritairement, disent que notre démocratie est malade. L’abstention n’est pas un désintérêt de la politique, comme le montrent les mobilisations de la jeunesse sous de nombreuses formes et de nombreux sujets, comme celles, renaissantes, du monde du travail. Non, c’est de cette démocratie électoraliste réduite à un exercice publicitaire que notre peuple se détourne. C’est la démocratie capitaliste, pour lui donner un nom clair et précis, qui est en crise profonde. Il n’y aura pas d’issue à cette crise citoyenne, comme à la dérive à Droite, sans reconstruire d’autres institutions, sans sortir de la personnalisation et de la médiatisation à outrance.
Et tant que la Gauche continuera de s’installer dans cette fausse démocratie médiatique, tant qu’elle se cachera derrière le culte du chef, elle sera incapable de reconquérir ceux qui n’y croient plus, comme tous ceux qui expriment leur colère noire de la pire manière. La Gauche est à son plus bas historique, elle a moins de députés qu’en 2002 après le premier choc Le Pen !
Si nous avons été relativement protégés de l’extrême-Droite dans la métropole, la situation est franchement dangereuse avec cette Assemblée nationale droitisée où les histoires de clans et de chefs vont se multiplier, pendant que la France va faire face à des crises graves, économiques et sociales, nationales et internationales.
Car c’est la guerre qui domine la planète. Guerre militaire, qui s’installe dans la durée en Ukraine, mais pas seulement… en Afrique comme au Moyen-Orient aussi, et menace en Asie… Et nous savons tous que ce sont les peuples qui paient ces guerres… tous les peuples… ceux qui font la guerre, ceux qui la subissent et ceux qui voient leur pouvoir d’achat ou leur condition de vie remis en cause…
Car la guerre, comme chacun sait, est la continuation de la politique par d’autres moyens. Elle vient de la guerre économique, financière, la guerre sans limite des sanctions, la cyberguerre des infrastructures de réseaux, des câbles sous-marins aux satellites de communication. Les USA qui, après la chute de l’URSS, avaient engagé la mondialisation financière en s’appuyant sur le dollar sont, 30 ans plus tard, ceux qui détricotent cette mondialisation financière tout en tentant d’imposer les milliards de dollars de leur planche à billets et interdire au monde de commercer autrement que sous leur domination. Mais nous ne sommes plus à l’ère coloniale, l’Occident ne peut plus imposer sa loi au monde et il est urgent d’en prendre conscience pour agir pour la paix et le droit des peuples.
La France, comme l’Europe, sont totalement soumises à cette guerre sans limite dont personne ne sait jusqu’où elle ira. Et nous savons tous que le « quoi qu’il en coûte » financier, né dans la crise du Covid, va se transformer, d’une manière ou d’une autre, en « quoi qu’il en coûte » social, car il faudra mettre en cause plus fortement qu’avant encore les dépenses publiques sociales au profit des dépenses militaires et de soutien aux entreprises, comme l’annonce de Macron d’une baisse de 10 milliards des dotations aux collectivités.
C’est pourquoi nous pensons que le défi de la citoyenneté doit être prioritaire. Et cela concerne toutes nos politiques, car il ne peut y avoir de citoyenneté sans lien social, sans projets pour construire l’appropriation collective de ce qui fait société, une autre société.
Je vous remercie.
La vidéo de l’intervention : https://youtu.be/z76rfFiC91k?t=1543