Mme la Conseillère BURRICAND : Monsieur le Président, chers collègues, nous affrontons la 5ème vague de Covid. Le vaccin est une arme importante contre la pandémie, encore plus quand s’y ajoutent dépistage et gestes barrières. Cette 5ème vague montre que le PASS, qu’on y soit favorable ou pas, ne saurait se substituer à une politique de santé publique.
Des hôpitaux et services d’urgence jusqu’aux médecins de ville, tous souffrent face à cette nouvelle vague conjuguée au retour des épidémies hivernales, notamment les bronchiolites des plus jeunes. Comment s’étonner que ce soit si difficile alors que 100 000 lits ont été supprimés en 20 ans, 17 600 depuis 2017, 5 700 en 2020 -l’année du COVID et du SÉGUR de la santé, l’année où personne n’a pu ignorer le manque de lits d’hôpitaux, d’urgence et de réanimation, où nous avons applaudi les personnels hospitaliers. Cela touche au scandale d’État.
Aux HCL de Lyon, le Plan blanc a été décidé ce 6 décembre. Les lits de réanimation pédiatriques sont occupés à 105 %, voire 110 %. Dans toutes les paroles de soignants reviennent les thèmes de l’accélération terrible des difficultés avec le Covid, le regret jusqu’à la culpabilité de ne pas pouvoir faire le travail comme il le faudrait, la déception après le Ségur de la santé, le sentiment d’abandon.
Le directeur général des HCL indiquait, début septembre, qu’une centaine de postes restaient vacants, d’où un déficit d’activité de 15 à 20 %, et la situation n’est pas revenue à la normale. À Lyon sud, ce sont 88 lits qui ont été fermés et le tiers des salles opératoires. Récemment, l’hôpital de Givors fermait les urgences de nuit.
La psychiatrie est fortement impactée, malgré des besoins croissants. Au Vinatier, il manque 80 infirmiers, 40 aides-soignants, 30 médecins et 150 lits ont été fermés en 2020.
La Métropole et les communes se sont fortement engagées sur la vaccination, se substituant parfois aux carences de l’État. Nous savons tous que les chiffres de la vaccination sont fortement liés au niveau de vie des personnes. Fracture sociale, fracture numérique, fracture médicale s’additionnent et sont les freins essentiels. Comment ne pas mettre cette situation en rapport avec la casse des services publics de proximité, l’absence de centres de santé proches des habitants, l’usage de plus en plus obligatoire du numérique pour prendre rendez-vous, la difficulté à trouver un médecin traitant ?
Et comment accepter la décision de Sanofi de ne pas poursuivre la mise au point de son vaccin ARN messager, il y a quelques semaines, parce que « celui-ci arriverait trop tard sur le marché » alors que « 12 milliards de doses de vaccins anti-Covid auront été produites, au total, d’ici la fin de l’année ». Pourtant, des centaines de millions de femmes et d’hommes n’ont pas accès au vaccin dans le monde, pour le plus grand bonheur des variants. Une histoire de gros sous en somme, décidément la levée des brevets mériterait plus d’engagement !
La santé est de la responsabilité de l’État et c’est lui qu’il faut faire bouger sur ces questions.
Nos compétences propres -protection de l’enfance, personnes âgées, dépendance, personnes porteuses de handicap- sont impactées par ce recul du système de santé publique français qui nous a longtemps été envié.
Sans compter que des pans entiers d’activités, considérées jusqu’alors comme relevant du médical -maladies liées au vieillissement, maladies générant un handicap, maladies psychiatriques- et financées auparavant par la Sécurité sociale, passent au médico-social. Elles sont, désormais, financées à 80 % par les collectivités locales, l’impôt et le « bénéficiaire », autrement dit le ou la patiente.
La santé est une des premières préoccupations de la population. Nous voyons bien, avec l’hôpital Henry Gabrielle, que les personnels comme les usagers attendent notre engagement sur ces questions. Nous sommes un partenaire incontournable du système de santé, représenté dans plusieurs Conseils d’administrations des hôpitaux. Nous rendons un avis sur le Plan régional de santé, sur lequel notre assemblée a débattu en 2018.
À cette époque, le directeur de l’ARS s’alarmait dans la presse du « trop grand nombre de gens qui se rendaient aux urgences » et envisageait la disparition de 6 services d’urgence dans le 69, au bénéfice des services de soins non programmés, incapables d’absorber l’activité des urgences.
Un rapport, publié en 2019 par le Conseil mondial de suivi de la préparation aux urgences sanitaires mis en place par l’OMS, alertait sur l’incapacité du monde à faire face à une pandémie jugeant le risque de survenue d’une crise majeure élevé. Le Livre blanc fixant la stratégie française de défense et de sécurité nationale affirmait en 2013 : « Le risque existe notamment d’une nouvelle pandémie hautement pathogène et à forte létalité résultant, par exemple, de l’émergence d’un nouveau virus franchissant la barrière des espèces ».
Nous sommes légitimes et nous avons même la responsabilité de nous interroger sur les raisons qui ont conduit à cette crise et pourquoi nous sommes mis collectivement en difficulté sur une mission publique de base : assurer la protection des populations contre une pandémie. Il est grand temps.
C’est pourquoi, comme le permet l’article 96 de notre règlement intérieur, nous renouvelons notre demande de création d’une mission d’information et d’évaluation de l’état du système de santé dans l’agglomération qui entendra l’ARS, les HCL, les organisations professionnelles et syndicales.
Dans le respect des compétences de chacun, nous devons jouer notre rôle d’alerte auprès des responsables nationaux et locaux de la santé publique, d’information auprès des citoyens pour comprendre, débattre et agir et évaluer, au mieux, nos propres politiques publiques dans leur impact sur la santé.
La vidéo de l’intervention : //https://youtu.be/gb-uGukkbIc?t=2761