M. le Conseiller DEBÛ : Monsieur le Président, chers collègues, par cette délibération, nous nous apprêtons à désigner le représentant de la Métropole au Comité de liaison transalpine Lyon-Turin. Celui-ci aura la responsabilité de porter la voix de notre collectivité dans cette instance et nous savons que, sur le sujet de la liaison ferroviaire Lyon-Turin, nos avis peuvent diverger. C’est, pour le moins, une litote.
Projet ancien, puisqu’il était déjà inscrit en 1994 parmi les 14 projets prioritaires de l’UE, je voudrais rappeler la position constante des Communistes, en le replaçant dans le contexte actuel.
Depuis 2006, et l’ouverture à concurrence du fret ferroviaire, sa part modale a chuté de 14 % à moins de 10 % aujourd’hui, au profit du transport routier. Concrètement, cela signifie mettre plus de 2 millions de camions de plus sur les routes. 1,5 millions d’entre eux empruntent la vallée de la Maurienne pour passer en Italie, avec des dégradations très importantes -autant de l’environnement que des infrastructures routières.
Et la dynamique positive du transport routier a été dopée par l’autorisation de l’augmentation du tonnage des semi-remorques, dont le PTAC est passé de 40 à 44 tonnes.
Or, les coûts externes générés par le transport routier -accidents, pollutions, nuisances, dégradations, congestion- s’élèvent à plus de 87 milliards d’euros (et mes chiffres sont vieux !) contre, seulement, 2 milliards pour le transport ferroviaire. Le train n’est responsable que d’1,3 % des émissions de CO2 liées au transport, contre 93 % pour la route.
Preuve s’il en est que, sur un sujet aussi important que le transport de marchandises -qui est une des plus grandes sources de pollution-, la concurrence libre et non faussée, bien loin d’être la médecine, aggrave la situation.
On ne pourra pas, sérieusement, engager la transition environnementale en restant dans les bornes étroites et délétères des logiques libérales. Au contraire, nous estimons, que c’est à travers l’appropriation et la définition collective des besoins, hors du secteur marchand, que nous devons engager cette transition, en nous appuyant sur un grand service public national du ferroviaire.
Je sais que, sur la priorité à donner au fret ferroviaire et fluvial, nous sommes d’accord. C’est sur le projet d’infrastructures du Lyon-Turin -ses tunnels, en vérité- que nos avis peuvent diverger.
Je sais déjà, pour avoir souvent entendu Jean-Charles Kohlhaas en parler au Conseil régional, que l’on me répondra que la ligne existante -celle de Modane- n’est pas saturée et qu’on peut utilement l’exploiter. Et, en effet, la chute constante du tonnage fret transalpin libère des sillons…
Pour autant, nous ne saurions nous contenter de cette réponse à court terme. Il s’agit de remettre la liaison Lyon-Turin dans le contexte plus global d’une véritable ambition de report modal massif de la route au rail. Il s’agit de faire du fret ferroviaire le principal mode de transport de marchandises, et de cantonner le transport routier au « dernier km ». C’est à ce niveau d’exigence que nous devons nous mettre.
Et cela signifie donc d’avoir une vision à quarante, cinquante, soixante ans : d’anticiper l’augmentation du tonnage et, même, d’accélérer la mutation en créant les conditions propices au transfert modal.
Toute activité a un impact sur son environnement et si on s’interdit de penser des grands chantier stratégiques, alors on ne peut pas sérieusement parler de transition environnementale, à moins d’assigner à résidence les populations et de réduire les échanges socialement utiles.
Parce que le passage au « tout fret », que j’appelle de mes vœux :
- ça signifie la régénération et le développement de ce que l’on appelle les « petites lignes », celles de desserte fine du territoire ;
- ça signifie un investissement massif sur le réseau, avec une vision à long terme, qui est la seule à même de permettre le report modal significatif.
Ainsi, pour les Communistes, le Lyon-Turin est un projet utile, qui doit s’inscrire dans une vision de développement du réseau et du fret, porté par une entreprise de service public, collective, nationale, populaire et libérée des logiques marchandes.
Nous voterons évidemment ce rapport, en demandant au représentant de notre collectivité au comité qu’il porte la voix de toute notre collectivité, avec toutes ses subtilités d’approches.
Je vous remercie.