M. le Conseiller MILLET : Monsieur le Président, chers collègues, le Plan local d’urbanisme et de l’habitat devrait être l’objet d’un grand débat populaire sur l’avenir de l’agglomération lyonnaise mais, pour la majorité de nos citoyens, cela reste un débat lointain et difficile.
Ce Plan d’aménagement et de développement durable (PADD) pourrait être une bonne introduction aux choix sur lesquels se construit une vision de l’agglomération. Encore faudrait-il éviter les effets de style consensuels qui finissent par masquer le contenu réel. Permettez-moi de citer l’encart en page 5 sur la Métropole de Lyon -je pense que vous l’avez lu avec sourire, monsieur le Président- ; je cite : « La Métropole de Lyon apporte de nouvelles formes de gouvernance. Parmi celles-ci, le rôle des Communes […] est mis en avant… ». La Métropole inventant les Communes. Il faut oser ! Mais passons outre ce tellement politiquement correct qu’il en devient vraiment impoli pour le lecteur.
Revenons à l’intérêt du PADD pour les habitants. Une fois mis de côté les discours commerciaux sur les atouts de la Métropole dans la concurrence internationale, il faut redire le lourd poids de la crise autant dans la poursuite de la désindustrialisation -je ne citerai que le nouveau coup porté par Volvo contre l’industrie régionale du poids-lourds et permettez-moi cet ajout, monsieur le Président, comme vous l’avez évoqué à propos de Safran, malgré le bon travail avec Volvo dans le cadre, par exemple, de LUTB ou le désengagement privé dans la recherche avec SANOFI- mais surtout aussi les conséquences sociales de la crise, la pauvreté de masse avec, à chaque « réforme », le démontage de ce que certains appellent des amortisseurs sociaux et que les progressistes persistent à appeler des droits ! Des dizaines de milliers de licenciements dans les grands groupes avec quelques mesures d’accompagnement qui prendront vite fin vont se transformer au fil des mois en fins de droits, RSA, faisant exploser la demande d’aide sociale.
Alors, bien sûr, la vie lyonnaise ne se résume pas à la crise ! À coté de la désindustrialisation, il y a aussi innovation, création. À coté de la grande pauvreté, il y a de la richesse et des habitants qui ont des revenus corrects, même si aucune couche sociale n’est à l’abri. Oui, Lyon s’en sort mieux que d’autres parce que, dans la concurrence, les gros se portent toujours mieux que les petits. Cette métropolisation est cependant le pendant de la désertification rurale, dans l’abandon national de toute volonté d’aménagement du territoire. Cela nous a permis une époque de développement, avec des financements de l’État stables et une dynamique économique mise à disposition de l’agglomération par la Taxe professionnelle unique. Cette période de vaches grasses est terminée et celle qui s’ouvre sera sous le signe de l’austérité.
Il faut alors juger ce PADD sur ces deux priorités :
- Comment réindustrialiser notre économie ?
- Comment répondre aux besoins des habitants tels qu’ils sont ?
Ces deux enjeux sont essentiels pour tous nos grands projets. Ils nous conduisent à commenter les quatre défis de l’orientation proposée ainsi : pour nous, le défi métropolitain n’est pas d’abord l’attractivité de l’agglomération dans la concurrence mais, au contraire, sa coopération dans sa région ! Le SCOT étudiait les interactions entre Lyon et Saint Étienne, Roanne, Bourg en Bresse, que ce PADD ne fait qu’évoquer quand il faudrait les approfondir : la filière bois qui rend dépendantes les forêts régionales et les chaufferies urbaines, le contournement fer et routier de Lyon, une densification métropolitaine favorable au développement des autres villes régionales, avec une ambition renouvelée sur le transport public régional sans lesquels on n’agira pas contre l’étalement urbain. La multiplication des dénominations (SCOT, aire urbaine, pôle métropolitain, région urbaine, aire métropolitaine) en souligne la difficulté mais aussi la nécessité.
Pour nous, le défi économique, c’est que la ville-centre a perdu 30 % de ses emplois industriels, tout en gagnant 14 000 emplois. Cette désertification industrielle menace toute l’agglomération. Mais le « campus industriel » de la Vallée de la chimie laisse dans l’ombre la question de la nature des productions, de leur finalité. Faire grandir les exigences de performance énergétique et environnementale, justement parce qu’on veut garder l’industrie en zone urbaine, ne suffit à pas à faire des stratégies industrielles des questions politiques publiques. Oui ou non, le groupe TOTAL a-t-il planifié à terme la fermeture de la raffinerie ? C’est une question centrale pour l’avenir de la Vallée.
Pour nous, le défi de la solidarité, c’est l’aggravation continue des inégalités dans l’agglomération ! Les taux de chômage par quartier, le pouvoir d’achat moyen sont révélateurs de ce qu’il faut appeler par son nom : une ségrégation spatiale. C’est l’évolution générale de notre société mais nos politiques affirmées du logement social n’ont pas renversé cette tendance. La situation des bidonvilles sur les bordures du périphérique et, plus généralement, du mal-logement, exige une réponse ambitieuse, avec l’État, pour sortir -nous l’avons dit- du cycle tacitement accepté des expulsions/réinstallations. Quand les loyers moyens ont augmenté de 57 % depuis 2000 alors que le revenu moyen n’a augmenté que de 20 %, il faut redire que la grande majorité des habitants sont éligibles au logement social, bien au-delà des seuils SRU !
Enfin, le défi environnemental s’inscrit dans un certain consensus sur le changement climatique, la consommation énergétique, la biodiversité et la place de la nature en ville. Mais nous savons d’expérience qu’il se heurte vite à l’enjeu des droits humains et sociaux quand les logiques économiques et techniques conduisent à l’aggravation des inégalités. Et nous n’avons pas de vrai bilan sur la consommation réelle des bâtiments BBC.
En résumé, les objectifs généraux de ce plan sont souvent consensuels et de très nombreuses propositions doivent être soutenues. Mais, pour permettre une réelle appropriation par les citoyens, il faut s’appuyer sur le bilan des dernières années…
M. LE PRÉSIDENT : Merci beaucoup. Le groupe Synergies-Avenir.
M. le Conseiller MILLET : …et assumer un choix d’orientation…