M. le Conseiller MILLET : Ce Schéma directeur territorial d’aménagement numérique de la Métropole nous parle beaucoup de techniques d’innovation, de réseaux, de compétitivité. Comme beaucoup d’autres documents, il nous dit à quel point l’informatique permet de l’intelligence. L’anglais, d’ailleurs, est plus pragmatique, il fait la différence entre le « smart », élégant ou malin et « l’understanding », nettement moins marketing, certes. Sommes-nous d’ailleurs bien sûrs de « comprendre » cette intelligence numérique qui serait la réponse à tout ?
Ce schéma propose une approche globale qui dresse l’ensemble des problématiques urbaines : énergie, mobilité, services innovants, développement économique, environnement, urbanisme, etc., avec des habitants au cœur de la stratégie des projets collaboratifs impliquant les différents acteurs du patrimoine. Il s’agit de moderniser l’administration, simplifier l’action publique, promouvoir la solidarité territoriale, développer l’intelligence collective, associer l’usager au développement des services, améliorer l’action publique… Fichtre mais c’est un véritable projet de société ! Monsieur le Président, le numérique serait-il le chemin du Socialisme ?
Excusez-moi de vous donner quelques chiffres qui nous feront redescendre sur terre ! Lors d’une présentation récente, le Directeur de Pôle emploi en donnait quelques-uns, instructifs pour l’agence de Vénissieux : sur 8 500 demandeurs inscrits, 2 800, soit 33 %, ne peuvent pas donner une adresse mail à Pôle emploi. Pourtant, vous savez que, dans quelques mois, toutes les démarches des demandeurs devront se faire sur le web ! Les services de Pôle emploi font donc tout pour pousser les demandeurs à passer à cette « intelligence numérique » qui fait rêver certains. Mais, sur les deux tiers des demandeurs qui ont une adresse mail, seule la moitié accepte de dématérialiser la réception de documents. Résumons-nous : un tiers n’a pas accès à une démarche numérique, un tiers a accès mais n’a pas la pratique et un tiers seulement est prêt au numérique. Ces chiffres interrogent quand on sait que le Gouvernement a décidé que ceux qui ne sont pas passés au numérique pour les déclarations d’impôts vont être pénalisés par un supplément d’impôts.
Ce schéma directeur devrait donc faire de la fracture numérique et des outils pour la combattre un de ses axes essentiels, en étant peut-être un peu plus modeste sur ses promesses. Permettez-moi de conclure pour situer cet enjeu dans une perspective historique. Le Directeur du développement monde de Google, monsieur Ray Kurzweil, dans une de ses déclarations enfiévrées sur les promesses du numérique, a décrit le monde de demain dans l’opposition entre ceux qui accepteront d’être augmentés par le numérique -vous savez, une puce dans le cerveau et une prise USB dans le crâne- et ceux qui refuseront ou résisteront, qu’il appelle les « chimpanzés du futur ». Je lui conseille de revoir « La Planète des singes » et de se méfier de la résistance des chimpanzés !
Mais, pour revenir à cette délibération, nous demandons une révision de ce schéma directeur pour prendre en compte largement les enjeux de l’accès, de l’usage, bref, de la citoyenneté numérique mais aussi, d’ailleurs, de la transparence et de la démocratie, même si cela paraît moins « smart ». En l’attente, notre groupe s’abstiendra.
Je vous remercie.