M. le Conseiller P-A. Millet : Monsieur le Président, chers collègues, le débat intervient dans une crise économique et sociale qui se creuse malgré les discours sur la réindustrialisation, le ruissellement, l’attractivité, … et dans un grand désordre politique.
La France connaît une nouvelle saignée industrielle avec 450 plans de licenciements et 100 000 emplois menacés depuis 2023. Jtekt, Novasco, Milee, Engie, Société générale, Auchan, Casino, Minelli, Naf Naf, Pimkie, Galeries Lafayette, ArcelorMittal, Stellantis, Valeo, Michelin, … 82 usines ont fermés au premier trimestre 2025, 8 105 emplois supprimés en région Auvergne-Rhône-Alpes. C’est l’échec total de huit années de politique de l’offre faite de démantèlement du droit du travail et de cadeaux fiscaux aux entreprises, mal masquée par la communication anglicisée de Choose France !
Et les politiques de rigueur mettent en péril 100 000 emplois dans une association sur deux, une sur 10 avec des plans de licenciements -dont le Secours catholique, France handicap-, sans compter 40 000 postes de services civiques en moins, 40 % en moins pour l’économie sociale et solidaire, …
Or, 90 % des établissements d’accueil pour enfants handicapés sont gérés par des associations, la moitié des structures d’aide à domicile, 40 % des crèches, 30 % des Ehpad et même 10 % des hôpitaux. Et la moitié des associations ont vu leurs subventions baisser, notamment de la part des départements ou des régions.
Le projet de PLF (Projet de loi de finances) 2026 est une purge de 10 milliards contre les collectivités -fonds vert, agences de l’eau, ANAH, cohésion des territoires, dotation solidarité et égalité des chances, compensation des valeurs locatives des locaux industriels, hausse des cotisations du régime de retraites des fonctionnaires territoriaux, … Les collectivités contribueraient à 15 % de l’effort national, alors que leur dette ne représente que 8 % de la dette publique.
C’est le cadre de notre Débat d’orientations budgétaires, dans l’incertitude sur le processus budgétaire et, une seule certitude, la dette publique, c’est la bonne affaire des riches ! Car ils y gagnent deux fois… Côté pile, ils paient moins -baisses d’impôts depuis plus de trente ans- et contribuent donc à creuser la dette et, côté face, ce sont eux qui coûtent de plus en plus cher en intérêt car ils prêtent pour la financer. Marx disait déjà que « le seul État rigoureux serait l’État dirigé par les ouvriers qui, eux, n’ont aucun intérêt à mettre l’État en dette » ! Cet État qui vit à crédit pour engraisser des épargnants est un État de classe qui cache les profits financiers pour organiser un chantage aux dépenses publiques. Ce n’est pas du tout une opposition entre générations, ni entre régions, ni entre catégories urbaines ou rurales, non, c’est un affrontement entre ceux qui travaillent et ceux qui possèdent.
Alors, les communistes ne disent pas qu’il suffit de faire payer les riches pour sortir de cette crise, contrairement aux théoriciens de théorie monétaire moderne ! Certes, il faut les faire payer leur juste contribution, mais on ne sort pas de la crise monétaire par une simple mesure fiscale. C’est ce que dit le trumpisme avec vulgarité et brutalité. Le réel de la production rattrape toujours à la fin le plus puissant des financiers… Trump est un syndic de faillite, et la préoccupation de toute la planète est de continuer à se développer en accompagnant le déclin US pour limiter sa violence…
Oui, il faut la taxe Zuchman, mais 2 % d’une fortune qui croit de 6 à 7 % par an, ce n’est quand même pas la révolution, d’autant que cela suppose que les profiteurs continuent à profiter. La mesure la plus juste serait d’augmenter massivement les salaires, ce qui équilibrerait les comptes publics tout en réduisant fortement les fortunes à la source ! Mais ce serait un échec sans travailler plus, sans produire plus, donc sans construire un chemin réel de réindustrialisation. Sauf que ça n’intéresse pas la bourgeoisie financière monopoliste qui n’est pas plus française que les aristocrates passés à l’ennemi en 1792 à Valmy, ou que le patronat passé à la collaboration dès avant 1940… Les communistes proposent un renouveau national associant ouvriers, techniciens, ingénieurs et créateurs pour reconstruire nos filières industrielles dans la coopération avec le monde contre la soumission à la finance. Les investisseurs qui veulent y contribuer sont les bienvenus.
C’est dans ce cadre national, dont nous ne sortirons pas sans vraie rupture, que nous devons définir nos priorités budgétaires.
D’abord, faire face aux urgences sociales -ce que nous ferons aujourd’hui avec la délibération d’urgence Logement d’Abord. Mais, malgré tous nos efforts, le mal-logement et les ségrégations s’aggravent. C’est vrai de la prévention, de la santé, de l’accès aux droits, de la protection de l’enfance.
Comment renforcer nos politiques publiques de solidarité dans un tel contexte ?
Pour nous, il faut d’abord faire de ce défi une question de mobilisation citoyenne et sociale. Nous avons des années difficiles pour toutes les collectivités locales. Il faut tout mettre sur la table avec les syndicats, les associations, les usagers pour trouver comment faire plus avec moins, comment faire plus vite, plus simple souvent. C’est le meilleur moyen de mobiliser pour interpeller l’État sur nos financements, pour échanger avec les acteurs économiques sur leurs contributions au développement de leurs propres cadres de vie et d’activités. C’est le contraire de faire croire qu’on peut raser gratis, car, cher Laurent Legendre, on ne construira pas la République socialiste autonome de la Métropole de Lyon. Il n’y aura pas de rupture locale sans rupture nationale, l’électoralisme est toujours un piège pour le mouvement populaire.
C’est aussi la condition pour ouvrir largement le débat sur des gains de productivité pour tourner, plus encore, nos ressources vers nos priorités. Nous utilisons déjà des outils d’intelligence artificielle pour des analyses, des rédactions. Il nous faut, sans doute, un plan général de modernisation pour automatiser des tâches, y compris dans la réponse aux usagers quand c’est possible. Il ne s’agit surtout pas de couper nos services publics de la relation avec les usagers, au contraire, il s’agit de gagner du temps pour en dégager, pour l’essentiel, la relation usager justement, nos services de proximité, nos services sociaux.
Les collectivités locales ont toujours été des lieux d’innovation. À nous d’inventer une nouvelle relation citoyenne tournée vers l’aller-vers des relations humaines, en s’appuyant sur une collectivité numérique innovante et plus productive. C’est la condition pour construire la solidarité métropolitaine face aux crises. Je vous remercie.
La vidéo de l’intervention : https://youtu.be/eY9AZZmbNzE?t=10817