M. le Conseiller DEBÛ : Monsieur le Président, chers collègues, je voudrais commencer par saluer le travail des équipes du SEPAL, et leur directrice ici présente -bonjour, Laurine-, et je voudrais les remercier pour la très grande qualité du travail accompli et la richesse des documents élaborés. Je crois, en effet, très important de s’appuyer sur des études et éléments objectifs, sur les enseignements scientifiques, qui permettent d’éclairer les choix que les élus sont amenés à faire. Cela permet de créer un langage commun, quelles que soient nos orientations politiques ou la commune spécifique que nous habitons.
Il s’agit, en effet, d’élaborer un projet de territoire pour les décennies à venir, qui aura des effets importants, y compris dans le quotidien de nos habitants -même si on n’en a pas toujours conscience. Il s’agit donc de sortir des postures pour conduire un travail sérieux, éclairé et qui devra, pour réussir, emporter l’adhésion des citoyens du ressort territorial du SEPAL, non seulement de la Métropole mais également des communautés de communes de la Vallée de l’Ozon et de l’Est Lyonnais. Il s’agit, effectivement, de ne pas oublier que nous n’engageons pas seulement la collectivité dont nous sommes les élus… mais aussi celles des deux collectivités associées que je viens de citer… mais aussi, par effet ricochet pour les territoires voisins, celles du Beaujolais à la Plaine de l’Ain, du pays Viennois à la Vallée du Gier.
Si nous partageons, pour l’essentiel, les enseignements et les orientations du Projet d’aménagement stratégique (PAS) -raison pour laquelle je ne vais pas m’appesantir sur l’ensemble du PAS-, je voudrais profiter du débat pour pointer quelques alertes et éléments à prioriser. Ainsi, nous semble-il essentiel de porter une attention particulière sur les phénomènes de ségrégation spatiale, voulue où induite.
La dynamique de métropolisation à l’œuvre jusqu’à aujourd’hui a des effets connus :
– Concentration des lieux de pouvoir (politique, économique, culturel, symbolique) en cœur d’agglomération, avec ses corolaires (concentration des emplois -qualifiés et de service notamment-, augmentation vertigineuse des prix du foncier, et donc des loyers).
– Et, en négatif, la disparition du tissu industriel de la ville-centre, l’éviction des classes populaires du centre et leur relégation dans des périphéries toujours plus lointaines, pour ne citer que quelques éléments saillants.
C’est le fruit des logiques du marché « libre et non faussé » sur l’aménagement du territoire (comme a pu le rappeler Laurent Legendre juste avant moi).
Or, notre ambition est de contrarier les effets de la métropolisation et d’éviter de renforcer la tendance séculaire à la constitution de ghettos de riches, d’un côté (à l’ouest) et des villes-dortoirs, de l’autre.
Pour combattre les logiques de ségrégations spatiales, il est important de tordre d’emblée le cou à un a priori tenace, qui voudrait que ce soient les quartiers populaires qui reçoivent le plus d’argent public. Il n’en est rien, et ce sont bien les quartiers centraux -ceux occupés par les couches moyennes et la classe bourgeoise- qui en sont bénéficiaires. En effet, si l’on cumule l’ensemble des investissements et équipements publics par territoire, on voit assez rapidement que la ville-centre et les quartiers centraux de la ville-centre concentrent les grands équipements et administrations publics : la Cité administrative d’État est juste à côté du siège de la Métropole -et, bizarrement, pas à Vaulx-en-Velin ou Saint-Priest ; l’Opéra de Lyon est en face de la Mairie centrale et, étrangement, pas à Mermoz.
Il s’agit donc de penser d’autres centralités et pas simplement à travers le développement de centres commerciaux, mais aussi de lieux de pouvoir et de culture.
Par ailleurs, ce sont bien les villes-centres de l’agglomération -Lyon et Villeurbanne- qui bénéficient du meilleur service de transports en commun, qu’ils s’agissent des modes de transport (métro, tram, bus), du maillage et de la fréquentation et, bien sûr, des correspondances. Et, cela, dans la partie géographiquement la plus petite de la Métropole -et je ne parle même pas des transports collectifs dans les territoires de la CCVO et de la CCEL… qui font pâle figure face aux déplacements automobiles…
La ville, qui est souvent pensée comme un ensemble physique statique, est avant tout le réceptacle de flux divers et extrêmement denses. Il s’agit donc de lier le développement des TCL avec celui de la Métropole. Et, donc, de mettre l’accent sur les communes périphériques et sur les liaisons de périphérie à périphérie. « La toile plutôt que l’étoile », pour utiliser cette image connue.
L’efficacité, le développement de l’offre de transports sont donc essentiels, ainsi que leur accessibilité à toutes les populations, de tous âges. Il faudra donc reposer la question de la gratuité des transports collectifs, surtout que la ZFE va, mécaniquement, accroître la pression sur nos concitoyens les plus modestes.
Autre point d’alerte… les effets « collatéraux » de certaines de nos politiques d’amélioration de l’habitat. En effet, à chaque fois que nous apaisons, végétalisons un quartier (au plus grand bénéfice des résidents)… par effet rebond, nous accroissons le prix du foncier et, donc, des loyers et, donc, de la pression financière sur les familles populaires.
Les mécanismes de maîtrise des prix du foncier, le développement massif du logement social -malgré les difficultés bien réelles que je n’ignore pas- sont des priorités absolues.
En parlant de logement social, il va sans dire -mais, je vais le dire quand même-, que si l’on veut lutter contre la ségrégation spatiale et sociale, alors il faudra développement beaucoup plus sérieusement qu’aujourd’hui les logements sociaux dans les communes de l’ouest et du Val de Saône, a minima pour qu’elles se conforment à la loi SRU.
Cela nous amène à une autre question : celle de la densification… de construire la ville sur la ville…
Si le débat densification/étalement a, à mon sens, été réglé (notamment avec la loi ZAN), la question de l’acceptabilité de la densification reste ouverte.
Or, encore une fois, l’acceptabilité sociale de la densification est inversement proportionnelle à la densité actuelle du quartier ou de la commune occupés. Alors que les cités et quartiers populaires -ceux qui, actuellement, supportent les contraintes réelles de fortes densités- ont plutôt tendance à accepter l’accroissement de la pression… Somme toute, deux étages de plus à un bâtiment qui en compte déjà huit ou dix, qu’est-ce que ça change ? …
À l’inverse, que de cris d’orfraie lorsque l’on évoque la construction d’un petit immeuble de deux étages dans un quartier pavillonnaire ! Et il est, effectivement, plus difficile de faire aboutir ce genre de projet, parce que les habitants de ces quartiers ont plus d’entregent, une plus grande capacité à mobiliser des leviers d’actions ou d’engager des actions en justice.
Il s’agit donc de partager et de permettre l’appropriation des enjeux de l’aménagement de l’agglomération -à cette échelle-là- avec le nombre le plus large de nos concitoyens. Sans quoi, nous risquons de nous heurter à de nombreuses oppositions -parfois légitimes, parfois un peu plus égoïstes…
Il s’agit donc de porter une attention particulière aux besoins exprimés par les communes et de bien co-construire des solutions, exigeantes et parfois contraignantes, mais essentielles pour notre avenir commun.
En tout état de cause, le travail engagé par le SEPAL et notre collectivité va dans le bon sens et doit continuer, avec le sérieux qui les caractérise, en prenant en compte les points que je viens de développer.
Je vous remercie.
La vidéo de l’intervention : https://youtu.be/-H0LkkGuEU0?t=8608