M. le Conseiller MILLET : Un Débat d’orientations budgétaires est un moment clé du débat public. Ce devrait être un moment citoyen essentiel, mais la loi ne prévoit aucune forme de participation obligatoire, pas d’équivalent minimum d’une CCSPL. Rendre ce débat d’orientations lisible par tous est un défi.
Pour nous, l’enjeu social et citoyen se trouve un peu à l’étroit dans les principes présentés. Il ne peut se résumer à l’accompagnement des habitants, mais demande d’engager l’action contre les inégalités et les injustices, en basant nos objectifs sur le vécu des habitants marqué par les inégalités profondes devant la crise sanitaire, la reprise économique, le cadre de vie ou les mobilités.
Ainsi, nous partageons l’ambition d’une métropole de l’hospitalité et les actions qui la concrétisent, et pourtant nous constatons l’aggravation du mal-logement, du sans-abrisme et nous voyons grandir dans le parc social les occupations illicites, sous-locations, sur-hébergements qui fragilisent nos politiques d’attribution.
Nous partageons l’ambition d’offrir une vie digne, mais nous voudrions avoir une estimation des besoins sociaux et du niveau de réponse, qui commence par les conditions d’accueil dans les Maisons de la Métropole. Les dépenses sociales sont le premier budget de fonctionnement de la métropole. Elles méritaient un chapitre entier traitant du logement, de l’hébergement, de l’insertion, des aides sociales, de l’accueil, avec l’actualité de la crise sanitaire qui révèle les fragilités aggravées de santé psychique.
Nous nous félicitons de l’action Écoréno’v et ses 4 000 logements rénovés par an, mais nous savons que ce rythme est loin de ce qu’il faudrait pour relever le défi climatique.
Nous voyons bien les discours généraux optimistes de la reprise, qui effacerait la crise ou de l’inflation, qui ne serait que transitoire. Mais nous sommes inquiets devant les risques d’aggravation des difficultés sociales, comme devant les décisions qui, en 2022, feront suite au « quoiqu’il en coûte » actuel.
Ainsi, nous nous interrogeons sur la baisse des bénéficiaires du RSA, qui peut être le résultat d’un retour à l’emploi mais qui peut cacher des difficultés dans l’accès au droit, dans la rupture du lien social qui développe des pratiques de vies « sans droits ni titres », comme on le dit du logement, sur la place de l’économie parallèle dans une crise qui favorise la débrouille et le chacun pour soi.
De même, s’il y a reprise de l’emploi et des difficultés de recrutement dans de nombreux métiers, il y a toujours des restructurations -y compris dans des secteurs porteurs comme les télécoms- et nous avons toujours des sites industriels en difficulté -y compris de nouvelles entreprises innovantes fortement aidées.
Donc, des incertitudes sur le coût de la crise, mais aussi sur la situation mondiale et les politiques publiques. Le discours dominant cache les risques de guerre USA-Russie ou USA-Chine. L’OTAN installe des armes partout et joue aux gendarmes de la démocratie alors que notre démocratie n’a jamais été aussi malade et contestée. À ce propos, permettez-nous d’appeler à la paix.
Ces risques de guerre ne sont que l’expression de la profondeur de la crise mondiale et des bouleversements qui mettent en cause la domination des USA. Les milliers de milliards des plans de Trump, puis Biden, pour tenter de sortir les USA d’une crise historique ne seront pas payés par les pays du sud qui peuvent, au 21ème siècle, choisir de s’appuyer sur la Chine, qui n’impose aucune domination politique ou militaire à sa coopération. La crise la plus dure est donc à venir.
Au niveau national, l’ère du quoiqu’il en coûte va se terminer. Il faudra passer à la caisse, et nous savons tous que ceux qui ont gagné dans la crise n’ont aucune intention de payer ! Sans bouleversement politique, il y aura des politiques d’austérité draconiennes, à la Thatcher, pour faire payer au plus grand nombre.
J’ai entendu un ancien président de la Caisse des dépôts et consignations qui prédisait, dans une rencontre de bailleurs sociaux : « Je peux vous dire ce que dira le ministre des Finances en juin 2022, quel qu’il soit, le quoiqu’il en coûte est terminé, il faut réduire drastiquement les dépenses et augmenter fortement les recettes. »
C’est pourquoi il faut que nos recettes fiscales fassent la différence entre les gagnants et les perdants de la crise, pour la fiscalité des entreprises comme de l’immobilier. Il faut augmenter la taxe d’Aménagement, la taxe Transport et agir auprès de l’État pour les droits de mutation et les plus-values foncières. Il faut augmenter fortement le taux de CFE, avec une politique de dégrèvement associée à notre politique économique, pour aider sélectivement ceux qui en ont besoin.
J’entends déjà le chœur des pleureuses patronales nous dire à quel point la vie des actionnaires est difficile, écrasée entre les « injustes » impôts de production et les « irresponsables » revendications salariales. La réalité est que les plus riches sont de plus en plus riches, que les dividendes explosent les records. Les Échos titrent « Aux abris, les profits explosent ! », le Figaro évoque une « Flambée historique des profits ». Le patrimoine des 500 plus grandes fortunes est passé de 11 % du PIB, en 2010, à 43 %, en 2021 !
Ne restons pas neutres dans ce grand écart qui écartèle la France. Le spéculateur Warren Buffet disait : « La guerre de classe existe et c’est la mienne, celle des riches, qui est en train de la gagner ». La vérité du contexte de notre débat budgétaire, c’est la guerre de classe qui oppose les oligarques, la grande bourgeoisie, les spéculateurs de toutes sortes, … à tous ceux qui travaillent ou qui veulent vivre de leur travail, tous ces premiers de cordées qu’on applaudit quand on en a besoin avant de les jeter comme des malpropres quand l’ère du quoiqu’il en coûte est terminée.
C’est pourquoi je termine par un appel à nos concitoyens : organisez-vous, unissez-vous, défendez-vous, intervenez, agissez, … ne laissez pas la violence des riches faire la loi en France !
La vidéo de l’intervention : //https://youtu.be/gb-uGukkbIc?t=18395