Mme la Conseillère PICARD : Monsieur le Président, mesdames, messieurs, année après année, nous sommes face aux mêmes ambiguïtés lorsqu’il s’agit d’aborder ce Compte administratif. Vous voulez nous montrer que la Métropole va bien financièrement, qu’elle se développe et que cela devrait suffire à garantir des politiques publiques efficaces en direction de ses habitants.
Avec un autofinancement de près de 550 M€, soit une progression de 25 % depuis 2015, le désendettement est significatif, avec un encours de dette en diminution de près de 20 % sur les deux dernières années.
Mais ces chiffres doivent être transformés en actions, en politiques publiques garantissant le bien vivre, pour l’ensemble de nos concitoyens, notamment dans ce contexte de crise sans précédent.
Or, la politique d’attractivité et de rayonnement du territoire, menée depuis des années sans encadrement, ne profite qu’à un petit nombre. Si nous saluons la création, aujourd’hui, d’un fonds d’urgence pour les impayés de loyers et de charges liés à la période de crise sanitaire, nous déplorons toujours qu’il soit de plus en plus difficile de se loger de manière décente sur le territoire de la Métropole. Les politiques du logement doivent bénéficier davantage de la bonne santé financière que vous nous décrivez : je rappelle que 70 000 demandes de logement social sont aujourd’hui en attente, et que près de 2 000 personnes dorment dans la rue.
Face à l’urgence sociale, encore accentuée par la crise sanitaire, on ne saurait se satisfaire de bons ratios. Les moyens que la Métropole consacre aux politiques de solidarité, insertion, bien vieillir, handicap doivent être renforcés, même si nous savons que, sur ces sujets, les collectivités ne peuvent pas agir seules : l’État doit aussi prendre ses responsabilités. Malheureusement, la stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté du Président de la République continue à se traduire par un saupoudrage de financements peu lisible, et non par des engagements solides et clairs.
Concernant le niveau d’investissement : il progresse, assez logiquement, au fil du mandat, avec une accélération de la réalisation de la Programmation pluriannuelle des investissements (PPI). Sur ce sujet aussi, nous attendons d’une grande Métropole de l’ambition, de l’audace, avec une égalité d’investissement sur toutes les Communes, pour l’aménagement, pour l’éducation et, notamment, un plan de rénovation et de construction des collèges sur le long terme.
L’urgence climatique doit nous pousser à investir encore davantage dans la transition énergétique, les transports publics, le développement des modes doux. Malgré la liste des travaux que nous dresse ce Compte administratif, nous sommes en réalité encore bien loin d’une Métropole en capacité de garantir un espace public apaisé, une qualité de l’air préservée, une alimentation de qualité. Les efforts déployés en matière d’urbanisme tactique pendant cette période de crise sont positifs, mais il s’agit de maintenir ces engagements sur le long terme : en serons-nous capables ?
Pour développer des politiques publiques à la hauteur des enjeux économiques, sociaux et écologiques, la Métropole, comme les autres collectivités, a besoin d’une réelle autonomie financière et d’une maîtrise de ses budgets. Or, les politiques des Gouvernements successifs, au nom de la réduction de la dette publique, ne font qu’entamer les capacités d’action de l’échelon territorial. Contractualisation, baisse des dotations, réforme de la fiscalité locale : autant d’attaques contre les collectivités, leur libre administration, au détriment des besoins des habitants, notamment des plus précaires. Ce Compte administratif rappelle ainsi la nouvelle baisse de la DGF en 2019. La suppression de la Taxe d’habitation pour 80 % des ménages, sur la période 2018-2020, rend la Métropole et les Communes encore plus dépendantes des compensations et dotations de l’État, donc de leurs choix politiques.
Monsieur le Président, nous ne vous avons pas beaucoup entendu vous élever contre cet assèchement des finances locales et cette mise sous tutelle, même durant cette crise sanitaire où les collectivités locales sont en première ligne, quand d’autres exécutifs demandaient au Premier Ministre d’annuler le principe de la contractualisation pour les années à venir. Une collectivité de la taille de la Métropole aurait, pourtant, le devoir de rappeler au Gouvernement les énormes risques qui pèsent aujourd’hui sur le service public de proximité.
Si le dynamisme économique de notre territoire permet de garantir, en partie, les bons indicateurs financiers de la Métropole, il profite en revanche très peu aux Communes. Ce sont pourtant elles qui supportent l’essentiel des coûts liés au développement urbain. Cette délibération nous rappelle l’augmentation de la Dotation de solidarité communautaire mais n’aborde pas la question du faible taux de redistribution de la taxe d’aménagement ni le fait qu’une péréquation juste et efficace devrait prendre en compte les particularités des territoires. Le futur Pacte financier et fiscal devra impérativement tenir compte des spécificités des Communes, principaux investisseurs en équipements de proximité, pour garantir un développement réellement équilibré de l’agglomération et adapter le service public aux besoins des populations.
Dans cette période de crise sanitaire, économique et sociale, où le service public de proximité est extrêmement sollicité, nous avons le devoir de regarder au-delà des ratios financiers pour mener des politiques publiques plus ambitieuses et soucieuses des besoins réels de nos concitoyens.
Je vous remercie.
La vidéo de l’intervention : https://youtu.be/V8JMGXzLvJg?t=18195