Mme la Conseillère PICARD : Monsieur le Président, mesdames, messieurs, l’accès à la santé s’est ouvertement imposé, dans le cadre du Grand débat national, comme une préoccupation majeure des Français, tout comme la justice fiscale et le retour de l’ISF. Des sujets qui avaient, pourtant, été soigneusement écartés des thématiques officielles.
Partout, en France, la colère monte contre un système hospitalier saccagé, depuis des années, par la rigueur budgétaire. L’hôpital public est en danger : suppressions de lits, restructurations, fermetures de services et d’hôpitaux, urgences surchargées, sous-effectifs chroniques. Ces 20 dernières années, la moitié des maternités a fermé, et il reste moins de 700 services d’urgence pour l’ensemble du territoire. Les infirmières et aides-soignantes des urgences du Centre hospitalier de Valence ont exprimé tout ce désarroi à travers une vidéo archi vue : « Y’a d’la colère dans le cathéter ! ».
L’an dernier, lors du Tour de France pour la défense de l’hôpital public organisé par les parlementaires Communistes, notre groupe a pu rencontrer les représentants syndicaux et les professionnels de l’hôpital. Tous décrivent une situation d’urgence, et remettent en cause la politique de casse du service public hospitalier.
Nous apportons notre soutien aux personnels qui luttent pour défendre l’hôpital public, ceux qui le font vivre au quotidien… à Saint Jean de Dieu, au Vinatier, à Henri Gabrielle ou, dernièrement, à la clinique des Portes du Sud et aux urgences de la Croix-Rousse… Notre groupe est solidaire des actions menées par les personnels, patients et familles, pour le droit à l’accès aux soins pour tous.
L’hôpital public est sabordé. Il ne subsiste que par l’abnégation de ses personnels, totalement dévoués aux patients qui, quant à eux, subissent les conditions d’un service public dégradé. Les familles, parfois plongées dans le désarroi, sont en droit de réclamer de meilleures conditions pour les malades et les soignants.
Que penser d’une société qui détourne le regard vis-à-vis des plus fragiles ? La situation des Ehpad a ému la France. Comment accepter que les dégradations aboutissent à la maltraitance des patients et des soignants ?
En matière de santé psychiatrique, les besoins augmentent de façon exponentielle. C’est le syndrome d’une société qui souffre et qui dérape. Mais, au lieu d’une réaction positive et responsable pour secourir et accompagner ces femmes, ces hommes, ces enfants, ces familles en souffrance, ce sont des Centres médico-psychologiques qui ferment. Au Vinatier, 400 lits ont été supprimés entre 2012 et 2019. La psychiatrie reste l’éternel parent pauvre des politiques de santé publique. Notre groupe est venu apporter son soutien, lors de la journée d’action du 28 mars dernier, à l’hôpital Saint-Jean de Dieu contre une restructuration qui aura des conséquences catastrophiques.
Concernant les Hospices civils de Lyon, depuis 2012, ce sont 1 500 postes supprimés, 400 lits fermés, des activités de cardiologie abandonnées et, dans certains secteurs, la précarisation de 50 % des personnels.
On saborde le service public pour laisser la place au privé, lucratif. Rentabilité ! Voilà l’objectif du Gouvernement Macron et des Gouvernements précédents.
Nous dénonçons le diktat de Maastricht et l’impact des politiques européennes. Ce que nous démontrons pour l’hôpital public est, malheureusement, transposable ! C’est ce même schéma qui a été utilisé pour EDF/GDF, avec l’explosion des tarifs pour les usagers et l’encaissement des bénéfices pour les actionnaires. C’est également ce même processus en cours à la SNCF. Seul le groupe confédéral de la Gauche unitaire (dans lequel siègent nos députés Communistes) s’est opposé à la privatisation du fret. Avant la privatisation, c’est 20 % des marchandises transportées sur rails ; après la privatisation, plus que 10 %… tout le reste est passé sur la route, avec l’impact écologique que nous connaissons… Dernier exemple, avec la privatisation des barrages : un pur scandale, quand on sait l’avenir que représente ce type d’énergies renouvelables !
Hôpitaux, école, transport, énergie, notre groupe prend la parole pour défendre les services publics car c’est notre bien commun.
La méthode de destruction est simple : tout commence par une campagne de dénigrement comme fin mars, le journal Le Figaro, se faisant le porte-parole du ministre Darmanin, en indiquant que 310 000 fonctionnaires de la fonction publique d’État travailleraient moins de 35 heures par semaine. Le Gouvernement, et ses alliés, distille un venin destructeur en répétant que les fonctionnaires ne travaillent pas assez, qu’ils s’absentent trop souvent, qu’ils coûtent trop cher et sont donc responsables d’une trop grande pression fiscale ! Ceux qui veulent tuer le service public expliquent qu’il ne fonctionne pas bien à cause d’un droit du travail trop permissif. La porte est grande ouverte à la rentabilisation : on torpille les statuts, on supprime les jours de carence, on gèle les points d’indice, on réduit les effectifs. C’est sur cette logique mortifère qu’Emmanuel Macron a séduit une partie de son électorat, avec la promesse de supprimer 120 000 postes dans la fonction publique. Ce discours idéologique vise à faire passer le message de la privatisation avec, à la clé, des bénéfices pour les actionnaires.
Ma démonstration nous ramène vers la question de la santé : d’un côté, on saigne l’hôpital public et, de l’autre, on ouvre un très beau -mais très privé- Médipôle. Les activités les plus lucratives y sont détenues par l’opérateur privé Ramsay, les activités les moins « rentables » et les plus risquées sont à la charge de la mutuelle. Le service d’urgence attire des patients, puisqu’ils n’ont pas d’autres possibilités. Mais dès qu’ils sortent des urgences, pour être acceptés dans un service Ramsay, ils deviennent des clients : avec des dépassements d’honoraires et des prix, parfois, pratiqués en fonction du taux de remboursement de la mutuelle.
Nous sommes bien, ici, dans l’accélération de la privatisation des activités de santé contre laquelle nous protestons.
Pour nous, le seul modèle à défendre, c’est l’hôpital des gens, pas l’hôpital de l’argent !
Je vous remercie.
M. LE PRESIDENT : Merci beaucoup. Monsieur Képénékian, vous voulez dire un mot ?
M. le Vice-Président KÉPÉNÉKIAN : Chère collègue Michèle Picard, je ne voudrais pas suivre tout ce package que vous nous avez présenté là, en quelques minutes, dans lequel il y a, évidemment, de réelles situations de crise -et je pense que la psychiatrie est, en particulier, une des disciplines pour laquelle on s’est peu investi depuis quelques années-.
Je vais vous parler en tant que Président des Hospices pour dire que la casse, en effet, à laquelle vous faites allusion ne peut pas être le seul regard que vous portiez sur cet hôpital public. C’est quand même 3 000 agents. C’est, aujourd’hui, un ensemble d’hôpitaux qui restent à la pointe de l’innovation. On vient d’inaugurer le Pavillon H, qui est, justement, la preuve d’un changement d’organisation.
Vous savez, à Édouard Herriot, il y avait 36 blocs opératoires dispersés dans chacun des pavillons, c’est-à-dire dans chacun des pavillons des anesthésistes, des infirmier-ère-s anesthésistes, des infirmier-ère-s instrumentistes et, finalement, grâce à une organisation, à un élargissement du temps d’utilisation des blocs, on a aujourd’hui 22 salles qui permettent justement de regrouper toute l’activité.
Donc, derrière ce système, qui est malade (et je suis, bien sûr, très concerné pour le reconnaître), il faut noter que les organisations, les changements, l’évolution de la médecine que nous avons à pratiquer aujourd’hui n’est pas celle d’il y a 20 ans, et c’est cette mutation qui est difficile.
Vous parliez des « Urgences »… On sait bien que la résolution du problème des Urgences, c’est une médecine de ville : c’est-à-dire que des malades, qui n’ont pas à venir dans des services d’urgence -au sens de « services d’urgence »- doivent être revisités. Il y a une vraie crise de la médecine de ville dans nos grandes villes.
Donc, simplement, pour dire qu’au-delà de ce paysage qui est, effectivement, préoccupant, je voudrais, moi aussi, vous dire que la santé, aujourd’hui, est un sujet majeur. C’est un sujet que les Français mettent en tête de leurs préoccupations pour les années à venir.
Mais la santé, ce n’est pas que l’organisation des soins. Notre pays est très en retard sur la prévention, sur le dépistage très précoce d’un certain nombre de pathologies. La santé, c’est aussi une manière de penser la Cité : c’est l’air, c’est l’eau, c’est l’alimentation, c’est la manière dont on va gérer le vieillissement.
C’est aussi la crise sociale, parce qu’elle fait partie d’une vision globale de la santé et je pense que c’est à cela que nous, élus, nous devons nous engager -et pas seulement nous concentrer sur les aspects réels, qui ne portent pas des solutions-.
Les Hospices civils, aujourd’hui, sont en recrutement positif par rapport aux années dernières : c’est-à-dire que l’on a recruté 40 nouveaux postes l’année dernière, et le dispositif que vous décrivez « On fait partir tout le monde » n’est pas la réalité. Ce sont des métiers qui changent, ce ne sont pas les mêmes qu’on recrute et ce sont d’autres qui s’en vont au terme de leur carrière professionnelle.
Voilà ce que je voulais soumettre ici à vos réflexions pour qu’on essaye, tous ensemble, de penser notre système de santé, parce qu’il est un sujet majeur pour nos sociétés, et je pense que la Cité -la métropole (en l’occurrence, la Cité au sens générique)- a un rôle majeur à jouer à côté de l’État et que c’est à ce niveau, notre niveau, que nous pourrons mener de vraies politiques.
Je vous remercie.