M. le Conseiller MILLET : Cette délibération confirme une politique de logement nécessaire et qui a le mérite de la stabilité dans un contexte perturbé, avec l’objectif maintenu de 4 000 logements sociaux par an. Mais la situation sociale -qui, elle, s’aggrave nettement- représente un défi, le défi de la ville dans une économie qui précarise et appauvrit le travail. Il ne suffira pas d’un rapport d’une personnalité consensuelle multipliant les annonces à coups de milliards pour y répondre, et le creux des données ANRU 2016 et 2017 de cette délibération souligne l’urgence de relancer la Politique de la ville…
Les engagements financiers pour 2018 sont de 37 millions dont 12 millions de l’État. Le Vice-Président peut se féliciter d’une légère augmentation en 2017, après le creux de 2016, mais les engagements étaient pour la seule Communauté urbaine de 54 millions en 2009, dont 25 millions de l’État. Quand on dit État, il s’agit du Fonds national d’aide à la pierre, qui n’est financé en 2018 que par Action logement et les bailleurs, l’État n’apportant que 50 millions ! Alors certes la Métropole maintient son effort, mais la vérité est que chaque logement est moins financé, qu’il doit donc faire appel à plus de fonds propres des bailleurs, bailleurs que le Gouvernement vient de saigner en les privant justement de 1,5 milliards.
Si nous voyons bien la différence, sur ce point, entre le choc de la politique nationale et le maintien d’une orientation métropolitaine, nous ne sommes pas à la hauteur de la situation sociale du mal-logement décrite chaque année par la Fondation Abbé Pierre. Loin d’une tendance de sortie de crise du logement, nos difficultés augmentent au rythme de la file d’attente du logement, et ses désormais 60 000 demandeurs, pour un délai moyen qui dépasse 4 ans. Un seul chiffre pour illustrer l’écart entre le besoin et les objectifs affichés dans cette délibération. Nous avons lancé 2 400 logements familiaux neufs en 2017 soit moins que l’augmentation de la file d’attente pour la même année…
Nous savons tous que c’est la conséquence de la précarisation du travail et de ses effets sur le logement. Les demandeurs sont de plus en plus nombreux et de plus en plus pauvres, plus pauvres que les bénéficiaires qui ont la chance d’en trouver un, parce-que nous n’avons pas suffisamment de réponses accessibles aux publics prioritaires, et ces nouveaux locataires sont en moyenne plus pauvres que les locataires existants ! Nous ne pourrons trouver de formule magique des attributions qui inverse cette paupérisation qui rejaillit sur le logement. C’est sans doute pour cela que nous attendons toujours la Conférence intercommunale du logement et son bureau qui semble bien fantôme…
Vous tenez, face à cette crise, un discours qui frise l’hypocrisie en parlant de « rééquilibrage territorial » et de « mixité sociale ». Car si la construction de logement sociaux dans Lyon-Villeurbanne a légèrement augmenté depuis 10 ans, la construction à l’est a nettement baissé de 1 500 logements par an en moyenne sur 2008-2014 à moins de 1 000 désormais, et elle n’a pas du tout augmenté à l’ouest -avec 1 000 logements en 2007, exactement autant qu’en 2007-… Et comment mieux répondre aux publics prioritaires si, comme en 2017, ce sont les PLS qui augmentent et que les PLAI stagnent !
Face à ce mal-logement dû à la paupérisation du travail, le Gouvernement réforme à la hache un modèle du logement social généraliste qui, avec tous ses défauts, assuraient à des millions de Français un taux d’effort de logement certes trop important, mais plus mesuré que dans la moyenne européenne, et augmentant nettement moins que dans le privé, ce qui explique d’ailleurs pourquoi la file d’attente augmente.
Mais la phrase clé du Gouvernement pour le logement, c’est de « faire circuler le capital ». Dans cet esprit macroniste étroit qui se résume à un économisme digne de Guizot, le capital est la clé et la solution de tous les maux. Enrichissez-vous dit le Gouvernement aux acteurs immobiliers, il y a des affaires à faire avec le parc social, des logements à vendre et à acheter, des bailleurs à restructurer. Cette illusion d’un mouvement de privatisation qui remplacerait les politiques publiques est largement entamé dans le secteur hospitalier, se renforce dans l’enseignement supérieur, et on sent venir le moment où le Gouvernement cherchera à l’expérimenter dans le scolaire… Car si les bailleurs sociaux publics ne savaient pas que leur patrimoine était un capital, c’est aussi le cas de nos écoles ! Imaginez ce qu’un financier ferait de cet énorme capital scolaire accumulé par le service public…
On voit bien vers quoi conduit cette logique du Gouvernement, au-delà de son désengagement du financement public pour assurer le droit au logement, confier le logement directement aux représentants du Medef. La montée en puissance des VEFA en est peut-être une étape, contribuant à l’affaiblissement interne des bailleurs sociaux.
C’est pourquoi nous nous abstiendrons sur cette délibération, dont nous soutenons le maintien des engagements financiers de la Métropole mais qui passe sous silence le contexte d’une crise du logement que la saignée Gouvernementale va aggraver. Il y a urgence pour un véritable service public du Logement !
Je vous remercie.